L’activité des éco-organismes entrent en conflit avec les métiers du recyclages. Dans cette tribune, Eric de l’Etoille, PDG de Sorevo Environnement, plaide pour un meilleur encadrement des fonctions des éco-organismes.
La notion de responsabilité élargie du producteur (REP) a émergé en France pour impliquer les producteurs dans la gestion de la fin de vie de leurs produits. Cette approche a conduit à la création des éco-organismes, des structures chargées de collecter des contributions financières auprès des producteurs pour financer les opérations de recyclage spécifiques à chaque filière. Cependant, le rôle des éco-organismes s’est progressivement étendu à des aspects opérationnels, créant ainsi un terrain de conflit avec les métiers du recyclage. En tant que recycleur, ces évolutions nous font craindre une prise de contrôle sur l’ensemble de la chaîne de valorisation, menaçant nos métiers et notre expertise. En d’autres termes, transférer l’activité de tri aux éco-organismes met en péril le métier de recycleur.
De la complémentarité à la concurrence
Au début, éco-organismes et recycleurs se répartissaient des activités complémentaires. Les éco-organismes collectaient les éco-contributions, une taxe payée par les producteurs de biens pour financer la gestion de la fin de vie de leurs produits. Ces contributions étaient ensuite redistribuées aux collectivités locales ou aux opérateurs de collecte et de tri des déchets. Les recycleurs, de leur côté, apportaient leur savoir-faire industriel et opérationnel, en traitant les matières premières secondaires issues du tri pour les transformer en matériaux réutilisables. Les activités des éco-organismes et des recycleurs n’empiétaient pas les unes sur les autres.
Au fil du temps, certains éco-organismes ont étendu leurs activités à la collecte et au tri des déchets, traditionnellement assurés par les recycleurs. Par exemple, dans le secteur des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), certains éco-organismes envisagent de créer leurs propres centres de tri et de traitement, réduisant ainsi leur dépendance vis-à-vis des recycleurs privés. Cette évolution donne naissance à une situation préoccupante.
Vers une réduction de l’indépendance des recycleurs
Dans une telle hypothèse, les recycleurs deviennent sous traitants des éco-organismes, ce qui crée plusieurs dysfonctionnements :
Dans un premier temps, la réduction de la diversité des acteurs. Si les éco-organismes prennent le contrôle de grandes parties de la chaîne de recyclage, cela pourrait limiter les opportunités pour les petits recycleurs et les nouveaux entrants. La spécialisation traditionnelle des recycleurs dans divers segments du recyclage risque d’être marginalisée par une centralisation accrue.
Dans un deuxième temps, les risques de monopole et de pratiques anti-concurrentielles. Une diminution de la diversité parmi les opérateurs de tri et de recyclage pourrait permettre à quelques éco-organismes d’exercer une influence disproportionnée sur le marché. Cela entraînerait des conditions moins favorables pour les collectivités et les producteurs de déchets, ainsi qu’une réduction de la compétitivité des prix.
Enfin, la création de barrières à l’innovation. Les recycleurs, forts de leur expérience, travaillent depuis de nombreuses années à perfectionner leurs techniques de tri et de valorisation des matériaux. Si les éco-organismes leur retirent cette autonomie, la capacité d’innovation des recycleurs pourrait être sévèrement compromise.
Aujourd’hui, il est crucial de trouver un équilibre qui valorise les métiers du recyclage tout en encadrant les actions des éco-organismes pour éviter une centralisation excessive. Cette approche garantirait l’innovation, la diversité des acteurs et l’efficacité des circuits courts, tout en permettant d’atteindre les objectifs nationaux de recyclage.