En effet, le paradoxe est que, alliée du pétitionnaire durant l'instance en annulation devant le tribunal administratif (TA), la commune en deviendra l'adversaire dans le cadre de l'instance en responsabilité qui suivra l'annulation devant le même TA. La juridiction administrative pourra ne prononcer qu'une annulation partielle du permis de construire. Longtemps le principe a été le caractère indivisible des dispositions du permis, celui-ci ne pouvant qu'être annulé en totalité. Désormais, l'art. L. 600-5 du Code de l'urbanisme, issu de l'art. 11 de la loi n° 2006-872 du 13/07/ 2006, entérine la jurisprudence naissante (CE, 18 fév. 2005, Constant, n° 261171 ; CE, 6 nov. 2006, Association Préservation des paysages exceptionnels, n° 281672).
L'annulation partielle paraît ainsi être réservée aux irrégularités mineures, n'affectant pas l'économie générale du projet, le texte évoquant d'ailleurs l'octroi d'un permis « modificatif ».
Une annulation partielle du permis de construire a été prononcée depuis lors :
-pour les seules constructions non régularisées par la délivrance d'un permis modificatif (TA Amiens, 29 déc. 2006, Barres, n° 0401732 : permis de construire portant sur six silos, mais annulation en tant qu'il porte sur deux silos) ;
-en tant qu'une partie de la toiture, au demeurant peu esthétique, excédait une hauteur de 9 m par rapport au terrain naturel (TA Grenoble, 13 mars 2008, Chanavat, n° 0500048) ;
-en tant qu'il ne prévoit que 25 places de stationnement affectées au projet (CAA Marseille, 7 oct. 2010, n° 08MA03370) ;
-en tant qu'il autorise la création d'un balcon implanté au premier niveau de la façade est du bâtiment principal (CAA Marseille, 7 oct. 2010, SCI Stelru, n° 09MA00052).
Rôle correctif et protecteur
S'agissant d'un permis de construire trois éoliennes et un poste de distribution sur un terrain, les dispositions du permis applicables à l'éolienne n° 3 sont divisibles des autres dispositions du permis, étant un ouvrage distinct des deux autres éoliennes (CAA Nancy, 2 juil. 2009, M. X et Association Pare-Brise, n° 08NC00126).
L'annulation partielle joue par conséquent un rôle correctif et, indirectement, protecteur du permis initial. Ainsi l'illégalité dont est entaché un permis de construire, du fait de l'absence de places de stationnement, affecte le projet de construction dans sa totalité. Cependant cette illégalité peut être corrigée rapidement, par l'auteur de la décision, en imposant au pétitionnaire, conformément aux dispositions de l'art. L. 421-3 du Code de l'urbanisme (devenue L. 123-1-2 depuis lors), soit de justifier de l'acquisition de places dans un parc de stationnement existant ou en cours de réalisation, soit de verser à la ville de Paris une participation en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement. Par suite, c'est à bon droit que le TA de Paris a estimé pouvoir faire application des dispositions de l'art. L. 600-5 du Code de l'urbanisme et ne prononcer qu'une annulation partielle de la décision autorisant le permis de construire (CAA Paris, 4 déc. 2008, SA Hôtel de la Bretonnerie, n° 07PA03606).
Mais si le permis de construire est, en tout état de cause, entaché d'illégalité dans son ensemble, et non dans l'une ou l'autre de ses parties, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'art. L. 600-5 du Code de l'urbanisme ne peuvent qu'être rejetées (CAA Versailles, 11 fév. 2010, Association Gagny-Environnement, n° 08VE02642). En effet, les motifs d'illégalité mettant en cause la conception de l'ensemble de l'ouvrage ne permettent pas l'application des dispositions de l'art. L. 600-5 du Code de l'urbanisme (CAA Lyon, 1er juil. 2008, Commune de Valmeinier et syndicat mixte des Islettes, n° 07LY02364 ; CAA Nantes, 25 juin 2008, Commune de Bucy Saint Liphard, n° 07NTO3015), non plus que l'insuffisance des documents joints au dossier de demande (CAA Bordeaux, 30 oct. 2007, SCI Les Terrasses de Marie, n° 05BX01764).
L'annulation et ses conséquences
L'annulation de l'autorisation d'urbanisme entraîne, par voie de conséquence :
l'annulation des permis modificatifs délivrés ultérieurement (CE, 29 déc. 1997, SCI Résidence Isabella, n° 104903 et 133674) alors même qu'à cette date aucun recours contentieux n'avait été introduit contre le permis initial (CAA Bordeaux, 19 mai 2005, Poupelin, n° 01BX01928) ;
l'illégalité du certificat de conformité (CE, 23 janv. 1998, Société d'Études et de Gestion Commerciales et autres, n° 155444).
Mais l'annulation du permis n'a aucune conséquence sur une autorisation administrative qui lui est distincte, autorisation d'ouvrir une pharmacie par exemple (CE, 13 mai 1996, Dubois, DA, 1996, n° 458).
Dans le même esprit, l'annulation de l'autorisation de lotir doit entraîner l'annulation des permis de construire pris sur la base de cette autorisation de lotir (CAA Bordeaux, 22 fév. 1996, n° 95BX0891).
L'annulation du permis entraîne la restitution des taxes et participations dont le permis est le fait générateur, obligeant l'administration à prendre un nouvel arrêté portant la prescription d'une taxe ou d'une contribution aux dépenses d'équipements publics (art. L. 332-7 alinéa 2 du Code de l'urbanisme).
S'inscrivant dans le cadre du contentieux de travaux publics, la demande de restitution ne nécessite pas une réclamation préalable et n'est pas enfermée dans le délai de recours contentieux de deux mois, se prescrivant à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'inscription de la participation au registre prévu par l'art. L. 332-29 du Code de l'urbanisme.
En cas de recours en cassation à l'encontre d'un arrêt confirmant en appel l'annulation, la participation exigée par l'autorisation n'est restituée que si le juge de cassation confirme le juge d'appel (CE, 30 sept. 2005, n° 258873).
En vertu de l'art. 1723 quater 1 du CJI, la délivrance du permis de construire constitue le facteur d'exigibilité de la taxe locale d'équipement. Mais cette taxe n'est définitivement acquise à la collectivité bénéficiaire qu'après la survenance de son fait générateur qui résulte de l'achèvement des constructions autorisées.
Dès lors que les constructions autorisées ont été édifiées, l'annulation ultérieure du permis de construire n'ouvre pas droit à restitution de la taxe locale d'équipement (Rép. ministériel n° 56659, JO AN, Question, 26 nov. 2001, p. 6215). Sans doute le permis est-il censé n'avoir jamais existé, mais le bénéficiaire du permis annulé devient redevable de la TLE du seul fait de l'achèvement des travaux (Rép. ministérielle n° 03480, JO Sénat Q, 21 fév. 2008, p. 318 ; Rép. ministérielle n° 17461, JO AN 22 avril 2008, p. 3459).
La décision illégale constitue une faute de l'administration, susceptible d'engager sa responsabilité (C.E., 13 nov. 2002, SCI Les Rosiers, JCP A, 2003, p. 33, n° 1019 ; CAA Marseille, 6 déc. 2007, n° 05MA00766 ; CAA Bordeaux, 15 mai 2008, SARL « Re La Blanche », n° 06BX01891 ; CAA Marseille, 11 juin 2008, n° 06MA01533), quand bien même l'acte illégal transmis au contrôle de légalité n'aurait fait l'objet d'aucune observation, ni d'aucun déféré préfectoral.
Si l'annulation du permis illégal par le juge cause un préjudice actuel, direct, matériel et certain à son bénéficiaire, celui-ci peut obtenir réparation auprès du TA compétent. Cependant la faute du bénéficiaire peut atténuer la responsabilité de la commune, notamment lorsqu'il était en situation de savoir que son projet n'était pas conforme aux règles d'urbanisme en vigueur.
La responsabilité de la commune est totalement exonérée pour avoir délivré un permis de construire contraire aux dispositions de l'art. NB 5 d'un POS relatif aux caractéristiques des terrains, dès lors que l'erreur sur la superficie du terrain indiquée dans la demande de permis de construire n'a pas été portée à la connaissance du service instructeur et qu'il n'est pas allégué que celui-ci pouvait la déceler, notamment au vu du cadastre (TA Versailles, 6 nov. 1997, Ameri, n° 91-3211, BJDU 2/1998, p. 156).
De l'importance de la qualité du pétitionnaire
Un professionnel de l'immobilier sera jugé plus sévèrement qu'un simple particulier ignorant des réalités d'urbanisme. Ainsi, un professionnel de l'immobilier qui s'engage, à la demande de la commune, dans des études, alors qu'il ne peut ignorer le caractère aléatoire de ce projet, commet une faute qui exonère l'autorité administrative de sa responsabilité (CE, 16 nov. 1998, Sille, BJDU, 1/1999, p. 69).
La faute, en elle-même, n'est pas suffisante pour indemniser le préjudice, étant précisé que l'annulation d'une décision en matière d'urbanisme pour vice de forme n'ouvre pas droit à indemnité (CE, 20 mars 1985, commune de Villeneuve-le-Roi c/époux Ruby, rec. CE, tables, p. 815).
Une illégalité ou un agissement fautif de l'administration n'ouvre droit à indemnité que si un lien de causalité direct entre la faute et le préjudice invoqué est établi (CAA Marseille, 29 mars 2007, n° 04MA02397 ; CAA Marseille, 6 déc. 2007, n° 05MA00766), les requérants devant démontrer qu'ils auraient pu obtenir l'autorisation au regard des règles d'urbanisme applicables.
Si le pétitionnaire ne peut pas présenter une nouvelle demande de permis parce que la réglementation l'interdit, seront considérées comme préjudices indemnisables les dépenses et charges de toutes sortes engagées inutilement sur la base du permis annulé et, s'il y a lieu, pour la démolition.
Si, au contraire, le permis annulé contraint seulement le pétitionnaire à présenter une nouvelle demande, ce dernier ne peut prétendre qu'à l'indemnisation des dépenses et charges engagées pour les travaux effectués et dont la réalisation est inutile pour le nouveau projet de construction.
L'administration, après annulation d'un permis a pour seule obligation de réexaminer la demande dans les conditions fixées par le Code de l'urbanisme (CAA Paris, 20 août 1998, Ville de Paris, n° 96PA01218), une nouvelle instruction ne s'imposant que dans le cas de circonstances nouvelles de droit et de fait (C.E, 26 juin 1990, Syndicat des pharmaciens du Gard et ministre des Affaires Sociales et de l'Emploi, n° 93762, rec. C.E., p. 550 ; CAA Bordeaux, 20 avril 2000, Ste. H Alimentation Batelière, n° 97BX30330).
L'annulation n'a pas les mêmes conséquences selon que le permis est annulé :
-pour un motif de légalité externe, l'administration pouvant reprendre la même décision en régularisant la procédure : exemple du permis de construire annulé pour incompétence de l'auteur de l'acte, le signataire de l'arrêté, adjoint au maire, ne bénéficiant pas d'une délégation régulièrement publiée : il suffira au maire de prendre un nouvel arrêté en le signant lui-même ;
-pour un motif de légalité interne, la délivrance ultérieure d'un permis de construire n'étant alors possible que si le pétitionnaire modifie son projet pour le rendre conforme aux règles d'urbanisme.
L'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement d'annulation d'un premier permis ne fait pas obstacle à la délivrance d'un nouveau permis, lorsque les circonstances de droit ont changé entre les deux permis (C.E., 28 avril 2000, Guichet, n° 185336, Construction-Urbanisme, 2000, n° 230).
L'illégalité d'un permis de construire tenant à une emprise excessive peut être, en principe, régularisée par l'ajout du terrain nécessaire, par exemple par la conclusion d'un bail emphytéotique.
Dès lors que des travaux d'aménagement portant sur une construction seront ultérieurement entrepris, la demande de l'autorisation d'urbanisme devra porter sur l'ensemble de l'immeuble et non pas seulement sur la partie devant supporter les travaux d'aménagement.
Le caractère rétroactif de l'annulation
L'acte annulé est censé n'avoir jamais existé. Il disparaît rétroactivement de l'ordonnancement juridique. Une copie du jugement prononçant l'annulation d'un permis de construire doit être transmise sans délai au Ministère Public près du TGI territorialement compétent.
L'annulation oblige le pétitionnaire à interrompre les travaux s'ils ne sont pas achevés. En cas d'annulation postérieurement à l'achèvement des travaux, le principe est qu'il ne peut y avoir de condamnation pénale. Toutefois, s'il est démontré que le permis de construire a été obtenu par fraude, la répression pénale devient possible, la continuation des travaux constituant une infraction pour défaut de permis, le maire étant alors tenu de prendre un arrêté interruptif de travaux (Rép. ministérielle n° 16758, 21 avril 2003, JO AN, Q., 7 juillet 2003, p 5411).
Le permis frauduleux équivaut à l'absence de permis et son obtention ne saurait soustraire le prévenu à l'application des art. L. 421-1 et L. 480-4 du chef de construction sans permis (Crim., 4 nov. 1998, Bull. crim., n° 286), même si la construction a été édifiée conformément au permis. L'irrégularité, en ce cas, est manifeste, au point que le bénéficiaire ne saurait se méprendre sur sa validité (Crim., 1er juil. 1976, Droit et Ville, 1977, I, 345).
Si la possession d'un permis de construire peut constituer une erreur de droit au sens de l'art. 122-3 du Code pénal, en revanche, aucun élément du dossier ne doit laisser apparaître que le constructeur ne pouvait ignorer l'illégalité de son opération (Crim., 15 nov. 1995, n° 94-85.414, RDI, 1996, n° 432 : annulation de la modification du POS instituée en vue de permettre l'opération de construction).
L'annulation de permis pourrait également comporter des conséquences sur le raccordement de la construction au réseau.
L'art. L 111-6 du Code de l'urbanisme, dispose en effet : « les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des art. L 421-1 à L 421-4 ou L 510-1 ne peuvent, nonobstant toute clause contraire des cahiers des charges de concession, d'affermage, ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des art. précités. »
L'art. L 111-6 est applicable au raccordement à des constructions soumises au régime du permis de construire (CAA Marseille, 5 mars 2002, SCI Lou Castelou, n° 98MA00073), L'autorité compétente pour interdire le raccordement au réseau est celle qui est chargée de la délivrance des permis de construire. S'il s'agit du maire, il prend cette mesure au nom de la commune (CAA Paris, 15 nov. 2001, Cne de Longperrier, n° 01PA00718 et 01PA01989).
Ces dispositions ne permettent pas à l'administration d'exiger l'interruption du raccordement en cas d'annulation du permis (CAA Lyon, 18 fév. 1997, ministre de l'Équipement c/SCI Paese di Mare, n° 94LY00243, DA, juil. 1997, p. 31, n° 260).
Le maire est sans pouvoir pour ordonner la démolition d'une construction illégale (CE, 6 sept. 1993, GP, 1994, 1, PDA, p. 55), de même que le juge administratif. Seuls les tribunaux judiciaires en ont le pouvoir. Mais un voisin, agissant par les voies civiles, peut obtenir la démolition d'un ouvrage implanté irrégulièrement (Cass. Civ., 3e, 30 sept. 1998, RDI, 1998, p. 608). Et, de toute façon, l'annulation d'un permis de construire prononcée par le juge administratif n'impose pas la démolition du bâtiment qui aurait été partiellement ou totalement construit sur la base de cette autorisation (Rép. ministérielle, JO AN, 4 sept. 2000, 5165).