Les mesures de confinement mises en place en France depuis le 17 mars dernier, mais également dans de nombreux autres pays européens et du monde, ont « eu pour conséquence un ralentissement sans précédent des activités maritimes en Méditerranée, qui en temps normal supporte l’un des trafics les plus denses au monde », explique la mission Sphyrna Odyssey dans un communiqué. « La pêche, le transport de passagers, la croisière, la plaisance ont été fortement réduits voire interdits, les ports ont réduit leurs activités ou ont été fermés, et les routes commerciales ont connu une baisse du trafic », est-il ajouté. L’occasion d’écouter le milieu marin dans un état de faible pollution acoustique.
La mission « Quiet Sea » a été menée du 23 avril au 10 mai dernier, placée sous la direction scientifique du professeur Herbé Glotin (CNRS LIS DYNI, Université de Toulon). « cette mission exceptionnelle a eu pour objectif de mesurer la densité et le comportement de plusieurs espèces de cétacés, pendant la période de confinement, dans le sanctuaire Pelagos en Méditerranée, à partir des deux navires laboratoires autonomes Sphyrna », est-il expliqué.
Retour des animaux sur les zones littorales et diminution de la pollution
Après 17 jours d’enregistrements, les chercheurs ont établi plusieurs conclusions : tout d’abord, la pollution sonore due à l’activité humaine a poussé les animaux à fuir les zones littorales. « Le contexte historique de confinement nous a en effet permis de constater leur retour dans des zones habituellement perturbées par un fort trafic maritime », soulignent les chercheurs. Ainsi, un groupe de 12 à 15 grands dauphins a été observé dans le nord de Port-Cros. La recolonisation des calanques de Marseille par les animaux a également été constatée.
Par ailleurs, « la pollution sonore perturbe la communication des animaux », indiquent les chercheurs, qui ont pu enregistrer jusqu’aux signaux des crevettes dans la baie des anges à Nice. « La pollution sonore rend habituellement ces sons difficilement perceptibles, même avec des équipements de haute technologie, confirmant en cela son impact sur la communication des animaux », ajoute la mission Shryna Odyssey. La pollution sonore perturbe également la chasse, le lien social et la reproduction des animaux.
Enfin, « la réduction du trafic maritime réduit corrélativement la pollution », peut-on lire dans les conclusions de la mission. Des mesures biochimiques ont été réalisées : « Un pré-bilan fait état, entre Cassis et Monaco, de 50% de réduction de la pollution en hydrocarbure dissous », est-il expliqué.
Vers de nouveaux indicateurs
Les données collectées pendant cette mission vont permettre à l’équipe de recherche de « définir un état zéro de l’environnement acoustique du milieu marin représentant les condition normale de la vie marine avant l’ère industrielle », mais également d’identifier la santé des sites en nalysant les niches acoustiques, de reconstituer en 3D les trajectoires de cétacés grands plongeurs, de proposer de nouveaux protocoles de suivi de la faune, de quantifier les facteurs anthropiques « pour mieux comprendre l’exploration et l’évolution des cétacés dans leur environnement et l’impact des rayonnements acoustiques des navires », ou encore de mesurer la pollution et la qualité chimique du milieu marin parcouru.