L'évidence saute aux yeux ! Les projets citoyens de production d'énergie renouvelable peinent à émerger en France. De nombreux obstacles réglementaires et fiscaux, mais aussi culturels, compromettent manifestement leur avènement « alors qu'ils représentent déjà aujourd'hui près de 50 % de la production d'énergie renouvelable en Allemagne, les quatre grands énergéticiens privés ne possédant que 7 % des capacités renouvelables développées », indique ainsi Noémie Poize, de Rhône-Énergie Environnement, co-auteur avec Andreas Rüdinger de l'Iddri, d'une étude comparative France-Allemagne sur le sujet.
L'Hexagone serait donc largement devancé sur ce terrain par son voisin germanique ? En France, « nous n'en sommes vraiment qu'au stade embryonnaire », confirme la rédactrice de l'étude, tandis qu'en Allemagne les installations détenues par les personnes privées ne se cantonnent pas « aux seules installations photovoltaïques en toiture des ménages ». Elles comportent aussi « une part importante de projets citoyens collectifs, notamment dans l'éolien terrestre (53 %) et la biomasse (72 %) ». Les Français ne restent pourtant pas apathiques. Quelques groupements citoyens pionniers sont bien apparus ici et là, depuis une petite dizaine d'années, principalement dans l'ouest de la France avec le soutien des collectivités locales : Éoliennes en Pays de Vilaine (dont les premières machines devraient démarrer courant 2014), Énergie partagée… Des initiatives coopératives ont aussi été engagées par des agriculteurs en Bretagne, comme l'huilerie coopérative Menergol créée en 2005 afin d'alimenter les engins agricoles, ou encore l'usine de méthanisation collective Geotexia. Mais ces essais sporadiques « desservis par un contexte réglementaire peu favorable » n'ont pas diffusé sur l'ensemble du territoire « en dépit de l'intérêt marqué des collectivités locales ». Il est vrai que les régimes juridiques qui, de ce côté-ci du Rhin, encadrent ces projets, sont entachés de multiples défauts. Les sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scic) permettent certes d'avoir une gouvernance démocratique – une personne, une voix – adaptée à une culture politique citoyenne ; et les collectivités peuvent entrer à leur capital (au maximum à hauteur de 20 %). Mais ces avantages réels sont annihilés par des obligations qui obèrent notamment la rentabilité des projets. Par exemple, l'obligation de passer sous les fourches caudines d'un commissaire aux comptes, « et surtout celle de plafonner la rémunération des dividendes au taux moyen des obligations d'entreprises (TMO) » décrypte Noémie Poize. Un taux qui s'élevait à 2,3 % au premier semestre 2013. Ces rentabilités entravées n'incitent pas les banques et les investisseurs à se précipiter à la rescousse de ces projets. Le régime des sociétés simplifiées par action (SAS) pourrait présenter une alternative intéressante – ce statut est d'ailleurs le plus représenté parmi les projets citoyens français –, mais il est loin de répondre aux enjeux. Ainsi, il ne permet pas aux collectivités locales d'entrer au capital, un frein majeur. Ces statuts sont également « très contraints vis-à-vis des offres au public de titres financiers ». Les procédures d'émission doivent, en effet, obtenir, à l'issue d'un chemin fastidieux et coûteux, le visa de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Elles sont de nature à dissuader les projets locaux « en limitant notamment le nombre de participants » soutient l'étude, qui souligne le décalage avec la souplesse et l'efficacité du régime juridique coopératif allemand (eingetragene Genossenschaften, eG). « Ce dernier pourrait servir de modèle à la loi sur l'économie sociale et solidaire, qui présente déjà des avancées mais qui peut être nettement améliorée sur le plan de la flexibilité et de l'attractivité économique », estime Noémie Poze. Ce projet de loi a déjà été approuvé par le Sénat en novembre dernier et il devrait être examiné par l'Assemblée nationale après les municipales. Citoyens, encore un effort !