Nicholas Mouret, fondateur de Greenmetrics et investisseur à Time for the Planet. Crédits : Greenmetrics
Les entreprises ont-elles conscience de l’hyperconsommation technologique ? Nicholas Mouret, fondateur de Greenmetrics et investisseur à Time for the Planet, s’attaque à la pollution numérique et met en exergue la difficulté des sociétés à prendre à bras-le-corps l’enjeu de la sobriété.
Bien que les termes de sobriété et de pollution numérique prennent lentement mais sûrement plus de place dans l’espace médiatique, et au sein des politiques d’entreprises et gouvernementales, nous sommes aujourd’hui loin d’une prise de conscience généralisée.
La virtualité reste définitivement à la source de l’hyperconsommation numérique. Pour changer les mentalités, rendons visible ce qui n’est pas palpable.
Imager pour mieux comprendre
Qu’est ce qu’internet ? une question qui nous a rarement été posée. Nous l’utilisons presque tous, tous les jours, pendant des heures, sur toutes les plateformes. Et pourtant, combien d’entre nous sont en capacité d’y répondre ? La réponse est moins séduisante qu’il n’y paraît : c’est un fil, planté à quelques centimètres de nos pieds, réfracteur de lumière. Chacune de nos actions numériques engage ainsi une réponse énergétique. Un envoi de mail, un visionnage de vidéo, une réunion en visioconférence, un téléchargement, un paiement… Combien d’entre nous n’envisage jamais la matérialité derrière ces exécutions quotidiennes ?
Nous le savons, le numérique pèse fortement dans la balance en étant responsable de 4 % des émissions de gaz à effets de serre. Cela signifie que produire, utiliser, et jeter des équipements numériques pollue, tout comme nos usages en ligne polluent. Et pourtant, l’omniprésence du numérique nous interdit de le penser, principalement lorsqu’il s’agit d’environnement et de dégâts irréversibles pour la planète. Bien que la sobriété soit devenue un concept largement accepté, et une boussole pour bon nombre d’acteurs impliqués dans la résilience numérique, beaucoup d’entreprises n’ont, à juste titre, pas encore tout à fait saisi de quoi il s’agissait, et par où commencer.
S’engager dans la sobriété entend reprendre la maîtrise de ses choix technologiques, d’entrer dans une compréhension globale de ses usages et de son impact, et d’en saisir le sens de la responsabilité individuelle et collective qui l’accompagne. Le rapport « Déployer la sobriété numérique » (Shift Project, 2020) est clair : nos choix technologiques sont des choix sociaux, à la source de nos mécanismes d’hyperconsommation si délétères. Pour sortir du caractère compulsif de notre utilisation numérique, et par conséquent du déploiement massif d’infrastructures et terminaux qui la précède, il convient d’en retrouver la maîtrise en imageant de manière concrète la matérialité de nos systèmes d’informations.
La nécessité d’une démarche intégrée
La première moitié du chemin est faite, nous savons et prenons conscience de l’impact des équipements que nous utilisons. Il convient à présent de penser au coût environnemental de nos usages et services digitaux de manière globale. Une fois que l’on a su mesurer son bilan carbone numérique, à quoi fait-il référence concrètement ? Le risque serait de tomber sur des résultats chiffrés qui pourraient paraître « abstraits » pour certains et rendre périlleuse l’incitation à agir et réduire sa consommation. Établir des équivalences et créer un système de mesure intégrant à la fois les équipements utilisés et les usages numériques permettrait d’entrer dans une démarche globale et surtout plus claire aux yeux de tous.
Nous pouvons à présent intégrer cette dimension environnementale dans le pilotage stratégique et organisationnel de nos organisations à travers des initiatives numériques qui prennent en compte l’importance de la sobriété et de technologies éco-conçues. Cette approche systémique est primordiale pour réduire les usages énergivores superflus et se concentrer sur une mission d’intérêt général à entreprendre en équipe : réduire son bilan carbone. Pour une politique numérique durable, il faut considérer des efforts à intégrer dans les tâches opérationnels du quotidien, pour retrouver la maîtrise de ses usages et mener le mouvement de la résilience. Pour cela pas de secret : Mesurez, analysez, réduisez.