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EAU

L'alternative au tout-tuyau

PUBLIÉ LE 1er MAI 2008
LA RÉDACTION
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Le magazine des professionnels de l’eau et de l’assainissement.
L'inondation catastrophique du centre-ville de Bordeaux, en 1982, a marqué la naissance officielle des techniques alternatives de gestion des eaux pluviales en France. Jusque-là, le « tout-tuyau » régnait en maître pour recueillir et canaliser les eaux de pluie, le plus souvent vers le réseau unitaire. Seul hic : l'urbanisation florissante initiée dans les années 1960 - et l'imperméabilisation des sols qu'elle provoque - générait des flux de plus en plus importants que les réseaux existants ne pouvaient plus gérer malgré la multiplication de canalisations géantes. À Bordeaux, la prise de conscience s'est faite brutalement et de grands travaux ont été prévus dès la fin des inondations pour créer de grands bassins de retenue. Rapidement, d'autres mesures alternatives ont été mises en place pour limiter les ruissellements d'eau vers les bassins, conçus pour le niveau d'urbanisation - rapidement dépassé - de 1982. Au fil des débordements de stations d'épuration, des inondations et des accidents écologiques dans les cours d'eau, les techniques alternatives ont d'abord fait leur chemin sous la contrainte. Aujourd'hui, elles sont connues de tous et, si elles ne sont pas encore appliquées partout, elles ont quand même parfois réussi à faire ressurgir l'eau dans les villes de manière positive. suppression des rejets Le Centre d'études techniques de l'équipement (CETE) Sud-Ouest/Laboratoire des Ponts et Chaussées a participé à la naissance et au suivi de ces techniques, à la fois sur la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) et dans le Bassin d'Arcachon, également engagé de la première heure dans cette démarche. « Dès 1985-1986, les techniques alternatives devaient être obligatoirement employées pour toute nouvelle urbanisation. Pour le Bassin d'Arcachon, la même décision a été prise, dans le but de préserver le milieu naturel en supprimant tout rejet d'eaux de pluie dans le Bassin », raconte Yves Ruperd, du CETE Sud-Ouest. Les communes sont de plus en plus nombreuses à demander aux aménageurs de prendre en charge leurs eaux de pluie. Ces dispositions s'adressent le plus souvent aux projets nouveaux, en général au-delà d'une certaine superficie. Certaines communes vont très loin, comme à Annemasse où la protection de la rivière frontalière avec la Suisse est un objectif majeur. « Nous imposons à tous, y compris aux petits propriétaires, de fournir une étude de débit des eaux de pluie pour leur parcelle dès lors qu'ils demandent un permis de construire, même pour ajouter une simple véranda. Si le débit dépasse celui que nous avons fixé, ils doivent mettre en place une mesure pour l'excédent », précise Bernard Gaud, président de la communauté de communes du Genevois. Les techniques alternatives regroupent un ensemble de solutions qui visent à gérer l'eau de pluie au plus près de l'endroit où elle tombe, afin d'éviter d'en concentrer les flux vers un exutoire unique. Si la réponse idéale consiste à infiltrer l'eau dans le sol directement là où elle arrive, la gamme de solutions moins radicales est très large, depuis le fossé drainant jusqu'aux bassins de retenue visant à ralentir l'écoulement, en passant par la mise en place de zones inondables à usages multiples, avec infiltration ou non. La grande nouveauté - et la source de bien des réticences - est précisément cette nécessité d'envisager différentes options et de se poser un ensemble de questions technico-économiques. Avec le tout-tuyau, il n'y avait qu'une solution et un calcul simple pour obtenir la taille du tuyau et le coût de l'investissement. Dans ce cas, comme souvent, il est difficile de changer les habitudes, surtout si le changement semble ajouter de la complexité. Par ailleurs, il faut tenir compte de la culture technique des maîtres d'oeuvre. Dans le domaine de la voirie, par exemple, l'eau est souvent présentée comme l'ennemi qu'il faut empêcher à tout prix de pénétrer dans les structures. Les techniques alternatives ont donc été longtemps considérées comme des solutions réservées aux communes particulièrement engagées dans une approche écologique et prêtes à bouleverser l'ordre des choses pour mettre en oeuvre leur politique. « Aujourd'hui, pas besoin d'être convaincu pour s'intéresser aux techniques alternatives. Entre le risque d'inondations, les problèmes liés aux réseaux unitaires et les exigences liées à la directive-cadre eau, les collectivités n'ont pas le choix. Elles doivent prendre en compte l'impact de leur gestion des eaux pluviales, et non plus simplement régler le problème de l'écoulement d'eau », indique Jean-Jacques Hérin, président de l'Adopta (Association douaisienne pour la promotion de techniques alternatives), qui s'investit dans ce domaine depuis de nombreuses années. L'agence de l'eau Rhin-Meuse, elle, ne s'est intéressée qu'assez récemment à la question des techniques alternatives puisque aucun projet n'avait été soutenu avant 2007. « Dans le cadre du neuvième programme de l'agence, nous avons prévu d'aider les aménagements réalisés avec des techniques alternatives. Nous allons par ailleurs apporter des aides à des projets pilotes montés en zone déjà urbanisée, qui permettront de limiter les apports d'eaux de pluie dans les réseaux d'assainissement en favorisant l'infiltration dès que les conditions s'y prêtent », explique Julien Laloë, du département soutien et suivi des interventions. Le retard de l'agence s'explique sans doute par le fait que ces techniques sont mal connues et très peu mises en place au niveau du bassin Rhin-Meuse. L'objectif de l'agence sera donc de sensibiliser les maîtres d'ouvrage, les maîtres d'oeuvre, les architectes, les concepteurs, afin qu'ils prennent l'habitude, dans tous leurs projets, de se poser la question des techniques alternatives. gestion intégrée Les bureaux d'études peuvent d'ailleurs jouer un rôle important dans la mise en place de ces techniques. Certains se sont spécialisés dans une approche d'intégration de l'eau dans les projets d'aménagement. Bruno Ricard, responsable de la délégation Ouest chez Sinbio, considère qu'il est aujourd'hui possible de parler de gestion intégrée des eaux pluviales, plutôt que de techniques alternatives. « Aujourd'hui, l'idée est de faire prendre conscience qu'il existe une grande diversité de stratégies et qu'il ne faut pas aller trop vite vers une solution tuyau-bassin. Ce message est très bien reçu et l'intérêt de garder l'eau en surface est de mieux en mieux compris. » Les bureaux d'étude sont au coeur de l'information des décideurs, avec un certain nombre de malentendus qui peuvent créer des blocages. « Il y a souvent confusion entre alternatif et infiltration, et beaucoup de bureaux d'étude concluent trop rapidement sur la nature des sols, alors qu'il existe toujours des solutions alternatives, quelle que soit la pédologie », regrette Bruno Ricard. Il faut, par exemple, faire la distinction entre la gestion des fortes pluies et celle des petites pluies. Par ailleurs, il y a une idée reçue sur le coût de ces approches. Un caniveau ou une noue en surface coûte moins cher qu'un tuyau enterré. Le coût est également réduit pour les volumes de rétention, si l'on peut concilier d'autres usages comme un parking, une aire de jeux, une place publique plutôt que de concevoir un grand bassin entouré d'une clôture qui ne se remplit qu'une fois tous les dix ans. Même une chaussée-réservoir, qui est coûteuse, peut générer des économies car elle permet de gagner de la place, un enjeu important dans les zones d'urbanisation dense. Les aspects liés à la pollution peuvent créer des malentendus, surtout lorsque l'on évoque la possibilité d'infiltrer. Bruno Ricard insiste sur le fait que, dans les zones d'habitat, la pollution est minimale : « Le passage par un humus actif, comme dans une noue, permet même de traiter cette pollution peu concentrée et cette notion semble désormais bien admise par les administrations. » Dans tous les cas, il faut relativiser les risques et faire la comparaison avec un scénario tuyau-bassin. « Est-ce que le risque n'est pas, finalement, plus important dans le cas où tout dépendrait de la fermeture d'une vanne ? Le piégeage passif dans un substrat filtrant donne une protection, même si l'intervention curative tarde », insiste-t-il. Parmi les critères de choix, la question de l'entretien ne doit pas être négligée, même si sa mise en oeuvre paraît simple. Lorsque l'on modifie un espace public, ou que l'on crée un espace vert ayant un rôle hydraulique, l'entretien est en général assez simple et peut être prévu par la commune. Il est parfois plus difficile d'établir à qui revient la responsabilité de l'entretien, qui est pourtant déterminant pour l'avenir de l'ouvrage. Avec le recul, certaines techniques semblent moins performantes ou moins durables dans le temps. Les parkings et les routes, avec de grandes surfaces couvertes qui s'infiltrent sur une zone limitée, connaissent des problèmes de colmatage en point bas de la bande poreuse. « Les petits bassins en fond de parcelle, dans les zones artisanales, sont souvent mal gérés et la végétation les envahit. Du coup, les nouveaux acquéreurs n'en connaissent pas le rôle et il arrive même qu'ils les remblaient. En zone littorale, il y a eu beaucoup de puits d'infiltration dans le sable, mais, sans un bon entretien, les problèmes de colmatage sont fréquents », souligne Yves Ruperd. La question de l'entretien est donc déterminante pour la durabilité d'un ouvrage, bien qu'elle ne soit pas toujours automatique pour le maître d'ouvrage. « Il faut prendre en compte l'entretien dès la conception et, dans la CUB, cela passe souvent par la signature de conventions entre la collectivité et un gestionnaire comme une association de pêche ou une association sportive. » L'essor de la noue La noue est sans doute la technique le plus largement répandue aujourd'hui. Peu coûteuse à mettre en place, le calcul de dimensionnement en est assez simple. Par ailleurs, elle crée un espace vert et l'entretien est aisé. « Cet engouement s'explique aussi par le fait qu'il est rassurant de garder un ouvrage en surface, pour des raisons de concessions et de responsabilités, et que la gestion en est plus facile », appuie Jean-Jacques Hérin. Bruno Ricard aborde aussi, avec prudence, un sujet sensible lié à la compétence des bureaux d'études : « Les blocages peuvent venir des bureaux d'études eux-mêmes, à cause de leur mode de rémunération trop souvent ajusté au prorata des travaux alors qu'il devrait être forfaitisé. De plus, l'étude d'un scénario classique est moins longue, donc moins coûteuse, notamment si le bureau d'études n'a pas l'habitude de traiter ce type de dossier. Les maîtres d'ouvrage qui choisissent simplement le moins-disant ne laissent pas le temps aux bureaux d'études d'envisager les différentes solutions. Du coup, ils ne se donnent pas non plus l'option de voir réduire le coût des réalisations... » Bruno Ricard souligne ainsi l'importance de s'adresser à des sociétés qui, comme la sienne, sont spécialisées dans les techniques alternatives. Dans ce cadre, urbanistes, paysagistes et architectes ont également un rôle important à jouer et se sensibilisent peu à peu à ces nouvelles approches qui sont désormais de mieux en mieux admises, y compris dans les administrations. Aujourd'hui, un autre avantage apparaît en effet de plus en plus clairement. Les techniques alternatives créent une trame verte dans les lotissements, l'eau pluviale est montrée, valorisée et peut devenir un outil pédagogique, avec des mares, par exemple. Sans abandonner l'idée même de techniques alternatives, Jean-Jacques Hérin estime que la révolution culturelle, commencée à Bordeaux en 1982, s'est faite en seulement vingt-cinq ans. « Dans le Douaisis, les techniques alternatives sont ainsi désormais entrées dans la deuxième génération, avec des projets d'aménagement dans lesquels l'eau n'est plus une contrainte mais un parti pris : on met en avant la problématique de l'eau et tout s'articule autour. » C'est la réappropriation de l'eau dans la ville. Le cabinet d'étude Composante urbaine envisage ainsi de concevoir la ville de façon à intégrer cette gestion de l'eau. L'eau peut être stockée sur une toiture, sur un bout de parking, mais elle peut aussi être retenue dans une zone inondable de jardin ou de place publics pour devenir un élément qui structure la ville en considérant que la réponse à donner n'est pas la même pour stocker les eaux d'une pluie annuelle que celles d'un orage centennal. Il est ainsi envisageable de prévoir d'inonder, sur 8 ou 10 cm, une cour d'école pour des événements de cent ans : « Il faudrait arriver à éviter l'approche curative qui consiste à gérer le ruissellement que la ville produit et plutôt envisager de gérer le ruissellement. » En attendant, Christian Piel, directeur de Composante Urbaine, observe que la nouvelle tendance des aménageurs à établir des projets haute qualité environnementale (HQE) les conduit à regarder de près les bâtiments : « À l'extérieur, il n'y a pratiquement que l'eau qui est prise en compte et les techniques alternatives se résument aux noues, qui sont la panacée : ce sont des espaces verts et des zones où l'on infiltre. Finalement, là où, avant, on mettait un tuyau, maintenant on met une noue. » Il regrette cette approche systématique, mais admet que les choses évoluent, avec de plus en plus de collectivités qui fonctionnent avec toutes les d'options possibles. Financer le pluvial Les communes peuvent voir également, dans les techniques alternatives, une façon de reporter les coûts de la gestion des eaux pluviales vers la parcelle. Sur cette question, le dossier de la taxe pluviale est encore loin d'être réglé car, si la loi sur l'eau en prévoit la mise en place, son décret d'application n'a pas encore été publié. « Il y a une certaine résistance de la part des techniciens des ministères, et la publication sera sans doute difficile », précise Jean-Jacques Hérin. Dans le Douaisis, il a proposé une solution qui permet de dépasser cet obstacle et qui pourrait finalement être plus simple à mettre en oeuvre : « Nous nous plaçons dans le cadre de la participation au titre des eaux pluviales des budgets généraux. Nous avons établi un recensement des voiries avec trois catégories : réseau unitaire, réseau séparatif, techniques alternatives. La redevance est facturée pour chaque mètre carré imperméabilisé sans technique alternative. Elle est réduite de 50 % si les eaux sont rejetées vers un réseau séparatif. » Ce qui est une façon de subventionner les communes en les incitant à mettre en place des approches alternatives au moment des renouvellements de voirie. « Ainsi, il n'est pas nécessaire d'attendre la taxe pluviale, qui peut être lourde à gérer. La majorité des difficultés se produisent sur le domaine public et les communes peuvent toujours contraindre les propriétaires à prendre des mesures appropriées sur leurs parcelles », ajoute Jean-Jacques Hérin. L'expérience acquise par l'Adopta permet de tirer une leçon essentielle. « À notre naissance, l'agence de l'eau espérait voir d'autres structures similaires fleurir un peu partout. Or il n'y a toujours que nous et cela montre la difficulté de mettre en oeuvre et de faire appliquer une politique différente. Les communes où cela a fonctionné ont été celles qui ont vraiment été actrices, qui se sont mobilisées. Il faut un "Monsieur Pluvial" qui prenne les projets les uns après les autres et les accompagne », insiste Jean-Jacques Hérin. Les techniques alternatives sont donc connues sur l'ensemble du territoire. Mais, si elles sont bien acceptées sur le principe, elles sont parfois difficiles à mettre en oeuvre car elles peuvent remettre en question certains modes de fonctionnement des collectivités. L'eau a quitté le seul domaine de l'assainissement et cela oblige à reconsidérer les modes de fonctionnement et rétablir un lien entre les services de l'assainissement et les services d'aménagement de la ville. Parfois arrivées à ce mode de gestion par la contrainte, les collectivités sont cependant étonnées du résultat obtenu pour un coût souvent inférieur à celui des techniques classiques, même en faisant un choix très radical d'intégration de l'eau dans leur paysage urbain. Ce succès visible sur le plan technique, économique et esthétique génère un certain effet de mode qui contribuera sans doute à accélérer le développement des techniques alternatives au détriment des tuyaux qui dessinent encore le paysage des sous-sols urbains.


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