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Dans les coulisses des contrats-cadres

PUBLIÉ LE 1er NOVEMBRE 2011
LA RÉDACTION
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Le magazine des professionnels de l’eau et de l’assainissement.
À l'image de ce qui se fait partout ailleurs dans l'industrie, rationnaliser les achats est aujourd'hui le credo des grands donneurs d'ordre dans le secteur de l'eau et de l'assainissement. Dans un contexte où leurs propres clients, sans transiger sur la qualité, cherchent à compresser les prix, les grandes entreprises comme Veolia, Suez, Saur, mais aussi Vinci répercutent de fortes exigences sur leurs fournisseurs. Il s'agit de sécuriser les approvisionnements, fiabiliser la qualité et réduire les prix. Il apparaît ainsi clairement, chez ces grands groupes, une volonté de mieux maîtriser leurs achats en les groupant. Elle se traduit par une démarche désormais systématisée de sélection d'un petit nombre de fabricants avec lesquels ces entreprises négocient les prix au plus serré et calent les conditions de la relation commerciale (qualité, délais, conditions de paiement, etc.) par un contrat-cadre. Il leur faut, derrière, mettre en oeuvre des systèmes pour verrouiller les commandes, afin de bien faire appliquer ces contrats. UN ENGAGEMENT CROISSANT Chez Veolia Eau, les achats représentent une enveloppe annuelle de 2,4 milliards d'euros, dont 1,6 milliard « accessible à la négociation ». Les achats se répartissent dans une classification divisée en neuf domaines, eux-mêmes déclinés en sous-domaines, en fonction de la segmentation du marché fournisseurs. Le domaine « équipements, matériels et fournitures d'exploitation » représente, par exemple, un montant de 170 millions d'euros. « On travaille peu avec des distributeurs, mais plutôt directement avec les fabricants, et principalement via des systèmes de contrats-cadres plutôt que de référencement. La différence, c'est que, dans le premier cas, il y a une quasi-obligation pour le personnel de traiter avec le ou les fournisseurs sous contrat, alors que dans le second système, il s'agit simplement d'une possibilité non contraignante », explique Alain Dormier, directeur des achats de Veolia Eau. Pour Saur, le montant des achats est de l'ordre de 780 millions d'euros par an. Le groupe comptabilise plus de 600 contrats-cadres, dont beaucoup de contrats régionaux concernant des prestations de service, quelques dizaines de contrats de partenariat, qui constituent l'échelon au-dessus en termes de niveau de confiance et de coopération avec le partenaire, et près de 26 000 fournisseurs actifs dans la base de référencement. « C'est énorme, concède c Frédéric Renaut, directeur exploitation du pôle Eau et assainissement de Saur et directeur des achats du groupe. L'objectif est de positionner 80 % de notre activité achat au sein des contrats-cadres et de partenariat, de standardiser les formes contractuelles de ces conventions, et d'y intégrer les clauses correspondant à notre politique : délais, paiement, respect de la législation, hygiène et sécurité, environnement, sous-traitance, lutte contre le travail dissimulé, éthique, développement durable.» UNE MÉTHODOLOGIE BIEN BALISÉE Classiquement, la stratégie consiste à retenir, dans chaque gamme de produit ou service, deux voire trois fournisseurs avec lesquels des contrats-cadres sont signés. Cependant, parfois, les spécificités de certains segments de marché restreignent le nombre de candidats. « C'est le cas pour les tuyaux en fonte. Un seul fournisseur est capable de garantir les disponibilités attendues et de livrer nos équipes sur le terrain où qu'elles soient ; il n'y a donc qu'un seul contrat-cadre sur ce segment, qui comprend une obligation en termes de maintien de l'approvisionnement », remarque Alain Dormier. Même chose concernant certains réactifs chimiques. Selon les produits concernés, les contrats se préparent et s'organisent à différents échelons : il peut s'agir d'une échelle régionale, plus fréquemment nationale, voire européenne ou internationale. Afin de stimuler la concurrence, sont fréquemment retenus une entreprise leader, un challenger agressif, et/ou un outsider cassant les prix, au cours d'un processus qui s'étale généralement sur une période d'un an. Il prend la forme d'une consultation, sur la base d'un cahier des charges technique, éventuellement complété par un échantillonnage produit. Pour certaines gammes de produits, les grands groupes disposent en interne de laboratoires de tests, au sein desquels les produits sont mis à l'épreuve. Saur dispose ainsi d'un banc d'essai pour les compteurs. Dans le même domaine, Veolia Eau s'appuie sur l'expertise du LECE de Nancy (lire encadré p. 26), ainsi que sur son pendant, le laboratoire de la Sade à Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. Sur d'autres sujets, Veolia Eau travaille aussi occasionnellement avec des organismes professionnels reconnus comme le Cetim ou des laboratoires agréés pour faire tester différents produits. Après avoir bouclé la phase technique, la négociation s'engage sur le prix et les différentes clauses du contrat. « Nous travaillons toujours en binôme avec notre direction technique pour sélectionner des fournisseurs. Dans une première phase, les représentants de la direction technique sont sur le devant de la scène et ceux de la direction des achats un peu en retrait. Cette étape conduit à une validation technique et à la sélection d'un petit nombre de fournisseurs. Ensuite, s'engage à proprement parler la négociation : la direction technique nous accompagne toujours, mais les rôles sont inversés et c'est la direction des achats qui est en première ligne », témoigne Alain Dormier. Il précise qu'en termes de temps passé et d'efforts consacrés, la négociation ne représente qu'une toute petite partie de l'iceberg : « l'essentiel, c'est la préparation. » UN LONG PROCESSUS Ainsi, Veolia prépare, pour 2012, le lancement d'un appel d'offres européen d'un montant total annuel de 30 millions d'euros pour de nouveaux contrats-cadres sur les compteurs. Il lui faut au préalable mettre au point un cahier des charges intégrant les nouveautés de ce segment de marché, et trancher un certain nombre de questions (abandon des bâches en laiton au profit des bâches en résine, intégration de la partie télérelève dans les contrats-cadres sur les compteurs...). La durée de validité d'un contrat-cadre correspond souvent à trois ou cinq ans. « Le processus est assez long, donc on ne s'amuse pas à rebattre trop souvent les cartes. Ainsi, sur les pompes, on vient de négocier, pour toute une gamme de produits sur l'assainissement et l'eau claire, des contrats-cadres valables jusqu'en 2014 d'un montant total annuel de 20 millions d'euros. Les précédents dataient de 2007 », précise Alain Dormier. CLASSEMENT « OFF » Signer des contrats-cadres est un enjeu stratégique pour les fournisseurs. Cela leur garantit une position dans un marché considérablement resserré. Par exemple, chez Veolia Eau, les fournisseurs stratégiques - ceux dont l'activité est essentielle pour la production d'eau potable et le traitement d'eaux usées (réactifs, comptage, énergie...) - représentent moins de 1 % du nombre de fournisseurs du groupe, mais 75 % du chiffre d'affaires achats. Dans chaque classe de produits, les deux ou trois fournisseurs qualifiés peuvent ainsi espérer se partager la majeure partie des achats du client. Cela leur assure aussi d'écouler de gros volumes. Naturellement, les grands donneurs d'ordres jouent de cette situation pour négocier les prix. Pour autant, ils ne s'engagent quasi jamais, contractuellement, sur des volumes de commande. « Ce sur quoi l'on s'engage, disons moralement, parce que c'est rarement inscrit explicitement dans le contrat, c'est sur une part du marché, confirme Alain Dormier. Au début, certains fournisseurs ont probablement eu des doutes sur les retombées d'une telle contractualisation. Mais, aujourd'hui, tous se rendent compte que le contrat de confiance est tenu, et que cela constitue un avantage réel pour eux. » Plusieurs fournisseurs affirment que leurs clients pratiquent, entre les fabricants avec lesquels ils ont contractualisé pour chaque gamme de produit, un classement officieux. « La finalité est d'avoir un fournisseur principal, qui peut se voir "attribuer" jusqu'à 60 % du marché considéré. Derrière, le numéro 2, positionné par exemple sur 30 % du marché, est une entreprise suffisamment sérieuse pour pouvoir prendre le relais en cas de défaillance du premier. En troisième position, avec une part de marché réduite, on trouve généralement un challenger qui sert d'aiguillon et pourrait être appelé à monter dans les années à venir », décrit le directeur commercial d'un fabricant. « Ils ont intérêt à travailler de manière privilégiée avec les partenaires les plus fiables, cela constitue une réalité bien compréhensible. Mon travail est de découvrir comment mon entreprise se situe dans ce classement, et d'améliorer sa position », indique un autre. NÉGOCIER N'EST PAS BRADER Il est évident que la puissance des grands groupes du secteur de l'eau pèse dans la balance lors de la négociation sur le prix. Pour autant, qualifier la configuration de « David contre Goliath » semble exagéré. Pour certains fournisseurs ayant une envergure internationale, aucun grand donneur d'ordre n'atteint de position dominante parmi leurs clients. La négociation se fait donc pied à pied. « Nous avons des relations de confiance depuis des années avec la plupart de nos clients. En phase de négociation, chacun défend les intérêts de son entreprise et c'est normal. À certains moments, les relations sont un peu tendues. Mais dès qu'un accord est trouvé, les choses reprennent leur cours normal », témoigne Jean-Michel Robin, responsable national des marchés eau chez KSB. En particulier, pour des fabricants tels que KSB, le rapport qualité/prix sur la durée de vie du produit est un aspect qui doit primer dans la négociation. « Un produit mieux conçu, de meilleure qualité, répondant mieux au besoin, qui dure longtemps et coûte moins cher sur le long terme (économies sur l'entretien, la maintenance, les consommations) justifie un prix plus élevé à l'achat. Partant de ce postulat, notre objectif n'est pas de participer à une braderie. Certaines entreprises plus suiveuses cherchent à gagner des parts de marché uniquement par leur politique de prix bas, mais ce n'est pas notre manière de travailler », indique clairement Jean-Michel Robin. Pour lui, le prix ne représente de toute façon qu'un des éléments de la négociation, dans laquelle entrent aussi les outils mis à disposition, les délais de livraison, l'empreinte carbone, etc. Une position qui rejoint celle du directeur des achats de Saur. « Étant aussi directeur de l'exploitation et directeur qualité-sécurité-environnement, je suis attaché à ce que l'achat soit au service de ces deux dimensions. Au-delà du prix, je suis donc attentif, en matière d'exploitation, à la sécurité, au respect des délais, à la réactivité, et, pour les produits, à la qualité de la mise en oeuvre, à la disponibilité afin de maintenir la continuité du service..., souligne Frédéric Renaut. On n'achète pas n'importe quoi parce que ce n'est pas cher. » RESPECTER LES CONTRATS Quand les conventions sont passées, il y a un intérêt commun entre le client et ses fournisseurs sous contrat : l'essentiel des volumes de vente doit se réaliser effectivement chez les fournisseurs retenus, de façon à ce que le prix négocié s'applique. « Lorsque l'on cadre les achats, il faut faire respecter la règle, sinon on n'est pas crédible », expose Frédéric Renaut. « Si chacun peut commander ce qu'il veut à des prix qui n'ont pas été négociés, alors à quoi sert de passer des contrats ? La démarche n'a d'intérêt, pour le fournisseur comme pour l'entreprise acheteuse, que dans la mesure où celle-ci la fait respecter , confirme Alain Dormier, qui précise que, chez Veolia Eau, le taux d'application des contrats-cadres est globalement de 80 %. Les 20 % restants correspondent à la souplesse requise pour pouvoir acheter des produits très spécifiques, répondant à des cas particuliers. C'est aussi une marge de manoeuvre pouvant permettre de tester de nouveaux produits ». Côté fournisseurs, plusieurs interlocuteurs témoignent que l'application des contrats laisse parfois à désirer. « Il y a toujours un décalage entre une direction des achats, fixant un cadre, et des utilisateurs finaux, ayant leurs petites habitudes et voulant acheter ce qu'il leur plaît », estime le représentant d'un fabricant. Un autre souligne que, au sein des différentes entités d'un groupe ayant signé un contrat-cadre à échelle internationale, il y a des acheteurs qui, à leur niveau, tentent de négocier « des plus » par rapport au contrat. Et lorsqu'ils n'y arrivent pas, « ils se sentent inutiles et les relations peuvent devenir compliquées ». LES MOTEURS DE LA RÉUSSITE En pratique, les sièges ont donc parfois du mal à faire respecter ce qui a été contractualisé. Ils ont multiplié les efforts pour faire connaître les contrats à leurs divisions et aux équipes de terrain, puis donné des consignes de plus en plus directives pour les faire respecter. De leur côté, les fournisseurs dépêchent souvent leurs troupes auprès des interlocuteurs de terrain chez le client. « Signer un contrat, quel qu'il soit, ce n'est que le début du travail. Ensuite, il faut aller sur le terrain, rencontrer les équipes, démontrer les avantages des produits, puis entretenir un bon contact dans le temps. Ce sont les relations humaines et la qualité des gens sur le terrain qui sont les moteurs essentiels de la réussite dans ce métier », rappelle Jean-Michel Robin. Les fournisseurs se sont aussi organisés pour pouvoir suivre de très près les commandes, via des systèmes de reporting leur permettant de contrôler l'application des contrats et de vérifier qu'ils sont bien dans la position prévue. Une démarche bien plus compliquée qu'il n'y paraît. « En pratique, il y a plusieurs milliers de comptes clients rattachés à des groupes comme Veolia, Suez ou Saur. S'assurer de l'application des contrats-cadres à l'échelle internationale exige un investissement conséquent dans une organisation had hoc pour gérer ces grands comptes et dans des outils informatiques spécifiques permettant un suivi des ventes, des conditions d'achat (s'assurer que les filiales bénéficient des tarifs convenus) et de l'homogénité de la mise à disposition des services asssociés (mise en service, services-supports à déployer sur place en accord avec le contrat) », détaille Cédric Fagot, chef de marché eau et environnement chez Endress+Hauser. VERROUILLER LES ACHATS Les grands groupes, eux aussi, mobilisent l'informatique de pointe et les nouveaux outils pour verrouiller l'application des conventions. Ainsi, le groupe Saur utilise un unique logiciel d'achats qui contraint, dans une grande mesure, la passation des commandes et permet de les contrôler. La création d'une fiche fournisseur exige une autorisation, ce qui empêche de passer commande sans autorisation à un fournisseur non référencé. Quant aux commandes « hors cadre », si elles sont trop importantes, elles apparaissent en orange, voire en rouge dans l'outil. « Avec ce système, on dispose d'un suivi mensuel par unité et on parvient à un niveau très satisfaisant d'application des contrats, apprécie Frédéric Renaut. Il reste possible d'acheter hors cadre, mais pour cela, il faut justifier le non-respect de la règle auprès de sa hiérarchie. Ce principe est valable surtout pour l'activité exploitation, un peu moins pour l'activité travaux, pour laquelle une marge de manoeuvre plus importante se justifie, compte tenu notamment de sa spécificité locale. »
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