Le choix n'est jamais simple quand il s'agit de retenir parmi une vingtaine de projets de recherche ambitieux ceux qui marqueront l'année. Pour cette seizième édition, le Prix des techniques innovantes pour l'environnement de l'Ademe rassemblait de grands noms de la recherche publique française : BRGM, École des mines de Douai, École des mines d'Alès, Insa et des universités. Hydroplus a élu deux projets aux applications concrètes, récompensés le 29 novembre à Pollutec Horizons, qui représentent pour nos lecteurs les solutions techniques de demain. TRAITER LA FRACTION FINE Le premier projet primé porte sur le développement d'un procédé innovant dédié au traitement de la fraction fine de sédiments par des métaux et hydrocarbures. Le traitement des sédiments de curage pollués représente un véritable enjeu environnemental. En France, plus de 50 millions de tonnes de sédiments sont curés chaque année dont une partie présente des teneurs en polluant nécessitant une prise en charge spécifique. Jusqu'à présent, la voie privilégiée de gestion des sédiments pollués est la mise en dépôt, mais cette pratique ne peut pas répondre durablement à l'augmentation des quantités de sédiments à gérer. Actuellement, leur dépollution consiste pour l'essentiel en un prétraitement (tri physique) pour extraire la fraction de sable propre et concentrer la pollution dans une fraction fine (inf. à 80 µm). Les procédés industriels ne traitent pas cette fraction fine. L'enjeu est important puisque 70 % des sédiments de curage continentaux sont constitués à plus de 80 % de particules fines, aujourd'hui destinées aux centres de stockage. Le projet de recherche Propsed piloté par des chercheurs du service environnement et procédés innovants du BRGM avec la société Extract Ecoterre, soutenu financièrement par l'agence nationale de la recherche (ANR), a permis d'identifier des technologies de traitement de cette fraction fine, compatible avec les activités de dragage. Basé sur la séparation gravimétrique centrifuge, le procédé a été testé avec succès à l'échelle du laboratoire et d'un pilote de traitement sur site. Il permet de concentrer les polluants dans une fraction légère ultrafine (inférieure à 20 µm) et d'extraire en plus de la part grossière une fraction de sables fins (20-80 µm) débarrassés des polluants. Les essais ont estimé un taux de valorisation entre 18 à 23 % en masse de la fraction fine des sédiments dragués et une part non valorisable abaissée en moyenne de près de 20 % par rapport aux procédés actuels. « Ces techniques sont efficaces sur les pollutions organiques, hydrocarbures totaux (HCT) et hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), et sur les pollutions inorganiques (métaux ) », précisent les chercheurs dans la synthèse de leurs travaux. En outre, « ces technologies peuvent être intégrées directement sur les lignes de traitement physique industrielles existantes ce qui contribuerait fortement à leur déploiement », estime l'étude du BRGM. BIOPROCÉDÉ POUR EFFLUENTS INDUSTRIELS Le deuxième projet récompensé concerne la décontamination des effluents de traitement de surface par un couplage innovant d'oxydation et de bio-adsorption sur un amidon modifié. Ces travaux soutenus par l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse ont été réalisés par l'UMR chrono-environnement de l'université de Franche-Comté. L'équipe a élaboré un système de traitement unique des effluents de traitement de surface capable de traiter à la fois des pollutions métalliques et organiques à un coût économiquement viable pour les petites structures industrielles. À comparer, la filière traditionnelle consiste en général en une étape de traitement physico-chimique (précipitation, oxydation) suivie d'un couplage charbon actif et résines échangeuses d'ions. Les principaux problèmes touchent à la saturation rapide et le colmatage des réacteurs à charbon et au coût élevé des résines. Avec le nouveau bioprocédé développé par le laboratoire, « les résultats d'abattement de polluants ont montré que le matériau possède des performances plus intéressantes que celles obtenues à partir de la combinaison de deux adsorbants commerciaux conventionnels. Ces résultats chimiques laissent entrevoir la possibilité d'une réutilisation des effluents traités pour l'arrosage contrôlé de végétaux », annoncent les chercheurs dans leur étude. Des tests normalisés de phytotoxicité (reposant sur la germination et la croissance de graines de laitues) sur les effluents traités ont confirmé l'efficacité de la technologie proposée. « Ces tests biologiques pourraient être utilisés en routine pour évaluer les impacts environnementaux d'un rejet industriel, même lorsque celui-ci satisfait aux exigences réglementaires ». C'est donc au final une triple approche chimique, biologique et industrielle que les chercheurs ont mise au point. Les retombées sont multiples - démarche zéro rejet liquide pour le secteur du traitement de surface et nouveaux bio-indicateurs des effluents industriels ou urbains - et ils bénéficieront à l'atteinte des objectifs de bon état fixé par la directive-cadre sur l'eau.