Depuis le 7 février, les ressources énergé tiques du fossé rhénan sont accessibles en un clic de souris. Des données précieuses pour les bureaux d'études, entreprises ou collectivités qui souhaitent exploiter le potentiel géothermique du sous-sol de cette zone d'effondrement transfrontalière. Pour en arriver à la modélisation en trois dimensions, 25 chercheurs ont travaillé sur le projet Interreg IV Georg entre 2008 et 2012. Celui-ci a réuni les compétences des services géologiques français (BRGM), allemands – de la Rhénanie-Palatinat (LGB) et du Bade-Wurtermberg (LGRB) – et suisses – l'université de Bâle, pour un budget total de 2,3 millions d'euros. « L'enjeu était de recenser, de compiler et d'harmoniser les données issues de plusieurs années de recherches dans les trois pays, afin de disposer d'une base de données homogène sur cette zone transfrontalière, qui s'étend sur 300 km de long et 40 km de large, entre les Vosges et la Forêt-Noire », explique Didier Bonijoly, directeur adjoint du département géoressources du BRGM. Car la température profonde du fossé rhénan est élevée : elle aug mente de 4,5 degrés tous les 100 mètres en moyenne, et jusqu'à 15 degrés dans certaines zones d'« anomalie thermique », au lieu de 3 degrés par 100 mètres en Europe centrale. Or, pour l'instant, ce potentiel est encore peu utilisé. On compte seulement trois forages géothermiques, à Soultz-sous-Forêts en France, à Bruchsal et à Landau in der Pfalz en Allemagne. Les données utilisées pour construire ce modèle sont notamment issues de 2 000 forages réalisés sur 5 350 km de profils sismiques, souvent par des sociétés de prospection pétrolière. « Ces données permettent d'identifier les zones à haut potentiel, mais des études complémentaires sont nécessaires avant de lancer un forage qui représente un investissement de 10 millions d'euros », précise Ralph Watzel, chef du service de géologie de Bade-Wurtermberg. Le résultat, ce sont des cartes (imprimables et téléchargeables en version PDF) qui indiquent les températures à une profondeur donnée, sous la forme de courbes isothermes (lignes reliant des points de même température), ou des cartes des « points chauds ». La géothermie n'est pas la seule ressource du sous-sol du fossé rhénan : la modélisation 3D identifie également les zones favorables au stockage des gaz (CO 2, hydrogène ou air comprimé issu des énergies renouvelables), qui dépendent du type de roches, de la présence de roches barrières et de l'accès à la zone d'intérêt. Les zones non favorables au stockage figurent en rouge, et celles qui le sont en vert. Les autres ressources (hydrocarbures, eau minérale, potasse) n'ont pas été modélisées. À noter qu'avec Georg, la planification de l'exploitation du sous-sol, qui compte déjà de nombreux tunnels, puits d'eau potable et thermale, de pétrole, et des exploitations de gravier et de sable, sera possible. La mise en ligne d'autres données est prévue prochainement, comme les bases scientifiques et méthodologiques. Par ailleurs, l'outil est conçu pour être actualisé, même si, pour l'instant, aucun financement ne le permet. Georg, premier projet de recherche transfrontalier, a déjà fait des petits : un projet similaire (Geomol) démarre sur la chaîne alpine, pour modéliser le bassin molassique périalpin qui s'étend de la Savoie à l'Autriche. Et Georg était, avec les Vosges, la zone de tests d'un projet de cartographie géologique du sous-sol français en 3D. « Georg a montré qu'il fallait abandonner l'impression pour passer au numérique », souligne Didier Bonijoly.