En France, la « reuse » est uniquement réglementée pour l'irrigation ou l'arrosage d'espaces verts. Pourtant, recycler des eaux usées traitées pour le process industriel pourrait permettre de limiter la consommation de grandes quantités d'eau potable. La Carene (Communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire) l'a bien compris et a lancé un projet expérimental à Montoir-de-Bretagne (44). Elle vient d'y installer une toute nouvelle Step (75 000 EH) où les contraintes en termes d'espace et de qualité de rejets lui ont fait choisir un traitement compact. Il couple filtration membranaire (0,04 micron) et désinfection UV. « Les eaux rejetées seront de très bonne qualité. Aussi sommes-nous interrogés sur une valorisation possible », explique Christian Morin, directeur eau et assainissement à la Carene. Car à moins de trois kilomètres du site, se trouvent deux industriels qui utilisent des volumes non négligeables d'eau potable. L'un est Total, qui prélève près de 3,3 millions de m3 par an avec sa raffinerie. L'autre, Yara, est une société productrice d'engrais qui utilise près de 1,3 millions de m3 pour les circuits de refroidissement, de l'eau de process, etc. Mais le dossier, ambitieux, nécessite encore de nombreuses validations. D'où le lancement d'une étude en cette fin d'année pour analyser les enjeux techniques et économiques. Sur le plan réglementaire, la direction générale de la Santé (DGS) a donné un premier avis. « Finalement, ce projet ne relève pas du code de la santé publique mais du code du travail. Les industriels doivent donc réaliser une analyse des risques et proposer des aménagements, si besoin est, pour les salariés », détaille Christian Morin. Côté technique, la qualité de l'eau est le frein principal. En effet, les industriels craignent qu'elle ne soit trop riche en chlorures, provoquant au final une corrosion des circuits. « Ils connaissent mal leurs contraintes en termes de quantité et de qualité d'eau car ils font appel à des entreprises sous-traitantes pour gérer ces process. Nous allons donc les consulter pour mieux appréhender les entraves techniques. Nous analyserons aussi la qualité de notre eau afin d'évaluer s'il faut envisager un dispositif additionnel de type osmose inverse ou résine échangeuse d'ions chez eux », ajoute Christian Morin. Reste aussi à étudier le coût d'un tel système et son financement. En effet, il nécessitera l'installation d'un double réseau avec un réservoir tampon et une station de pompage entre la Step et les industriels. Le budget est pour l'instant estimé entre 3,2 et 5,2 millions d'euros, une marge essentiellement constituée par les équipements additionnels potentiels pour éviter la corrosion. Comment se répartira le financement ? Rien n'est acté mais les industriels pourraient être peu enclins à investir sachant qu'ils n'ont actuellement aucune obligation. « L'étude devra évaluer la prise de risque par rapport aux enjeux correspondants pour estimer si le jeu en vaut la chandelle », complète Christian Morin. Les conclusions de l'étude sont prévues pour la fin du premier semestre 2014.