La suspicion d'une relation entre CVM et PVC apparaît en 2008, quand des dépassements ponctuels de la norme en CVM (0,5 µg/l) sont observés sur eau distribuée, sans aucun signe de pollution de la ressource. À la demande de la direction générale de la santé (DGS), le laboratoire d'hydrologie de Nancy de l'Anses a réalisé entre 2011 et 2012 une campagne nationale d'analyse du CVM dans l'eau du robinet. Elle cible un échantillon de trois cents communes considérées à risques, car alimentées par un réseau constitué en majorité de canalisations anciennes en PVC. Les résultats s'avèrent plutôt inquiétants, avec 28 % de détection et 24 % de non-conformité ! Les dépassements sont principalement constatés en été sur des réseaux de type rural, notamment les antennes de petits diamètres où la consommation est faible. Rien d'étonnant : « la diffusion du CVM augmente avec la température et l'âge de l'eau. Elle dépend également du diamètre de la canalisation – question de surface de contact entre l'eau et le matériau – et de la concentration résiduelle en CVM de celle-ci, fortement liée à sa date de fabrication », indique Stéphane Trottier, de la direction technique de Veolia. Car à la fin des années soixante-dix, les industriels du PVC ont modifié leurs procédés pour garantir un taux résiduel inférieur à 1 ppm. Ainsi, selon la DGS, le risque de dépasser la limite de qualité de 0,5 µg/l est nul depuis 1980.
Sommes-nous face à un problème sanitaire à grande échelle ? Les estimations du linéaire de PVC en France varient fortement : de 50 000 km (d'après les plasturgistes fabricants) à 340 000 km (au regard des données patrimoniales des principaux délégataires). Rien que sur son secteur affermé Nord Ouest, Veolia compte 30 % de linéaire potentiellement à risque, soit 9 300 km de réseau rural posé dans les années soixante-dix et souvent surdimensionné pour assurer la défense incendie, où l'eau circule peu. Cependant, étant donné les nombreuses variables, notamment l'hétérogénéité des teneurs en CVM résiduel, une canalisation fabriquée avant 1980 peut très bien ne rien relarguer !
Pour mieux cerner l'ampleur du problème, la DGS a demandé aux collectivités de recenser les tronçons posés avant 1980 et dont le temps de séjour est supérieur à deux jours. Les ARS pourront ensuite définir des plans d'échantillonnage pluriannuels adaptés aux secteurs susceptibles de relargage. En effet, le contrôle sanitaire de routine, représentatif de la qualité de l'eau distribuée sur l'ensemble d'une unité de distribution, se révèle inefficace pour détecter un problème qui affecte des tronçons très localisés.
En cas de dépassement, des modalités de gestion ont été élaborées par un groupe de travail réunissant la DGS, l'Institut de veille sanitaire (InVS), des ARS, l'Anses, les principaux distributeurs d'eau et la fédération nationale des collectivités concédantes et régies (instruction DGS/EA4/2012/366 du 18 octobre 2012). En premier lieu, réaliser des purges fréquentes du réseau permet de diminuer les temps de contact et d'évacuer les eaux impropres à la consommation. Le tubage ou le maillage de certains tronçons sont également envisageables. « Nous explorons d'autres pistes, comme le traitement au point d'usage par stripping, le revêtement interne des canalisations ou encore la possibilité d'extraire in situ le CVM résiduel » ajoute Gilles Boulanger, directeur technique à Lyonnaise des eaux.
Dans certains cas, la dépose des tronçons problématiques sera inévitable. Mais pour le bureau de la qualité de l'eau de la DGS, « un remplacement systématique de toutes les canalisations en PVC n'est pas pertinent et il n'est actuellement pas envisagé de le réglementer. » Une bonne nouvelle pour les collectivités car à l'échelle nationale la facture pourrait se chiffrer en milliards d'euros et les aides publiques ne sont pour l'instant pas garanties. Les agences Loire-Bretagne, Rhin-Meuse et Adour-Garonne ont adopté une position similaire : seuls les cas posant des problèmes de santé publique avérés seront finançables. « Les collectivités déjà aidées ont solidement étayé leurs dossiers, en apportant la preuve technique que les purges n'étaient pas suffisantes et que le remplacement du tronçon incriminé s'imposait », précise Emmanuel Pichon, chargé de mission eau potable à l'agence de l'eau Loire-Bretagne. En revanche, les trois autres agences de bassin ne s'engagent pas, considérant pour l'instant que ces travaux doivent être financés par l'amortissement des canalisations. « Ce n'est qu'à l'issue de l'inventaire national que l'on pourra connaître les linéaires de réseau concernés et envisager les solutions à apporter », conclut Karine Vallée, de la direction Ressources et lutte contre la pollution à l'agence de l'eau Artois-Picardie.