L' entretien annuel des réservoirs repose sur un protocole éprouvé, dont les grandes lignes ont été publiées pour la première fois en juin 2013 dans un guide de l'Astee. Ce document bénéficie de 15 ans d'application de la réglementation sur le nettoyage et la désinfection annuels des réservoirs. S'appuyant sur le précepte unanimement reconnu par la profession, « on ne désinfecte bien que ce qui est propre », l'entretien des cuves repose sur plusieurs étapes effectuées dans un ordre précis. En premier lieu, un nettoyage mécanique ou chimique, suivi d'un rinçage, permet d'éliminer les dépôts minéraux visibles, d'algues et/ou de biofilm. Une désinfection est alors réalisée par pulvérisation sur les parois d'un biocide chloré (hypochlorite de sodium ou eau de javel), ou non chloré (à base de peroxyde d'hydrogène), dont les substances actives sont inscrites à l'inventaire biocide. Elle est suivie, selon le produit, d'un remplissage et d'une vidange, ou d'une simple vidange après rinçage. Enfin, avant la remise en service, la qualité de l'eau doit être contrôlée dans les 24 heures par un prélèvement analysé en laboratoire. Contrairement aux réservoirs, les canalisations d'eau potable ne font pas l'objet d'un entretien programmé. En revanche, les opérations de nettoyage et de désinfection ponctuelles sont courantes dans le cadre de renouvellements et d'extensions de réseau, et pour réparer les casses et autres fuites. Les techniques de nettoyage sont alors propres aux canalisations (injection d'eau sous forte pression, eau-air pulsé, obus racleurs, etc.), mais la désinfection reste une constante.
Sur le marché de niche que constituent le nettoyage et la désinfection des installations d'eau potable, quelques entreprises indépendantes réalisent des prestations de service pour les collectivités et pour les exploitants privés. Créée il y a 3 ans en Mayenne, la société 2PA est spécialisée dans l'entretien des réservoirs d'eau potable qu'elle réalise à 80 % pour des collectivités. « Selon la capacité des cuves, nos deux techniciens arrivent à faire 2 à 3 réservoirs par jour. Nous facturons la prestation en moyenne entre 1 000 et 1 500 euros », précise Antoine Pottier, directeur de la PME qui utilise les produits Herli. En France, Herli est le fournisseur historique des solutions de nettoyage et de désinfection des réservoirs. Sa gamme de produits comprend un produit de nettoyage de type acide (Herli Rapid SR) couplé à un additif, pour éliminer sur les parois les dépôts minéraux et organiques propices au développement de bactéries, et un produit de désinfection à base d'hydroxyde d'oxygène (Panox) qui, contrairement aux biocides chlorés, ne nécessite pas de neutralisation avant vidange. L'entreprise a collaboré activement à l'élaboration du guide de l'Astee. « Nous formons de nombreuses entreprises prestataires à l'utilisation de nos produits, et nous avons pu constater certaines dérives sur la méthodologie, notamment sur la distinction claire entre la phase de nettoyage et celle de désinfection. Il était donc important de rappeler les objectifs de chaque étape, et l'importance des phases de rinçage », juge Bernard Beugnet, directeur général d'Herli. D'autres entreprises comme Jan Eau Potable, jusqu'alors prestataire de services, tentent aujourd'hui de se positionner sur la vente de produits d'entretien. « Nous avons développé notre propre gamme de produits de nettoyage et de désinfection des réservoirs et canalisations, Aeos, avec un partenaire chimiste français, et nous la commercialisons depuis un an. Nous sommes déjà référencés par Lyonnaise des eaux, et actuellement, nous mettons en place notre réseau commercial », souligne René Piraud, gérant de cette société basée à Laval (53).
Entre les différentes options de nettoyage et de désinfection, à chacun sa stratégie, selon ses besoins et ses possibilités. Eau de Paris par exemple, dans le cahier des charges transmis à son prestataire, refuse tout produit chimique pour le nettoyage de ses six réservoirs, réalisé à l'eau, et exige une désinfection au chlore. En fin de désinfection, les réservoirs parisiens, dont la capacité est comprise entre 7 000 m3 à Belleville et 220 000 m3 aux Lilas, sont remplis de
plans d'eau chlorés de 1 m de profondeur, comme le préconise le guide de l'Astee pour les biocides chlorés. « Nous planifions leur entretien sur une semaine, du lundi au lundi. Les plans d'eau sont maintenus une journée, la vidange est réalisée le lendemain, puis nous comptons une journée pour la remise en eau, et encore une pour réaliser le prélèvement. Celui-ci est envoyé au laboratoire le vendredi, et nous attendons les résultats de la conformité de qualité de l'eau potable pour remettre en service le réservoir le lundi suivant », explique Jean-Charles Cribiu, adjoint au chef de service réservoirs et postes de traitement chez Eau de Paris. Mais si la capitale a les réserves en eau disponibles pour immobiliser une cuve sur les 48 heures de délai nécessaires à l'obtention des résultats des analyses bactériologiques, la majorité des petites collectivités ne peut pas se permettre d'attendre pour relancer la distribution à plein. « Sur les réservoirs de petite capacité, nous privilégions la continuité de l'alimentation en eau des abonnés, et nous adoptons donc des procédures d'urgence décrites dans le guide. Dans le cas d'une désinfection au chlore, nous augmentons alors les taux de chlore injectés, et nous réduisons un peu le temps de contact. En revanche, nous contrôlons toujours l'efficacité de l'opération via l'analyse de la consommation de chlore de la tranche d'eau avant vidange », souligne Jean-François Renard, expert distribution de l'eau à la direction technique de Lyonnaise des eaux, qui assure en interne la majorité des opérations d'entretien sur près de 5 000 réservoirs en France.