En France, l'épandage agricole direct, qui privilégie proximité et faible coût économique, concerne 50 % des tonnages des boues d'épuration. Pour sécuriser la filière agricole, près de 30 % sont compostés avant épandage. Réalisé directement sur le site ou dans des centres de compostage, ce traitement de fermentation après mélange avec des déchets verts stabilise les boues et diminue leur volume. Lorsque le compost est produit selon les standards de la norme NFU 44-095, il n'est plus un déchet mais un produit. Opter pour le compostage est deux à trois fois plus cher que l'épandage direct, mais ce coût reste inférieur aux coûts d'incinération ou d'enfouissement.
Dans les grandes stations d'épuration, l'incinération constitue un traitement ultime d'élimination et une voie de valorisation. La tendance est d'alimenter les fours avec des boues auto-thermes (préséchées ou fortement déshydratées) pour maintenir la température du four sans apport énergétique supplémentaire. Les constructeurs favorisent aussi la valorisation énergétique avec des procédés équipés de cogénération en sortie. Face au choix de l'exutoire, chaque collectivité devra donc opter pour la solution économique optimale selon la capacité de sa station et le potentiel agricole local. Dans tous les cas, les boues d'épuration en agriculture sont mieux acceptées grâce au système de traçabilité introduit par l'arrêté de 1998 avec obligation de plans d'épandage et d'analyse des lots de boues en amont. « Les exploitants devront bientôt alimenter une nouvelle application nationale baptisée Sillage avec leurs données sur l'épandage des boues d'épuration », pré-cise Hervé Lefebvre, responsable zone déléguée ouest chez Valbé (Saur). Intégrée au système d'information sur l'eau, elle sera opérationnelle d'ici à la fin 2015.
Pour sécuriser le plus possible la gestion des boues, les collectivités sont également tenues d'avoir identifié une filière de valorisation de secours. C'est dans cette logique que certaines grosses stations d'épuration ont été conçues avec des filières de valorisation multiples. « La station de Marquette-lez-Lille, d'une capacité de 620 000 EH, que nous avons livrée en 2013, illustre bien cette stratégie car elle combine méthanisation, lyse thermique et séchage thermique pour une valorisation en épandage agricole ou une incinération », explique Malik Djafer, responsable boues et énergie à la direction technique de Veolia Environnement.
La méthanisation ou digestion anaérobie des boues permet alors non seulement de réduire les volumes de boues, mais également de produire de l'énergie sous forme de biogaz. Ce biogaz peut être converti en chaleur et en électricité par cogénération ou purifié en biométhane. « Aujourd'hui dans les Step de 60 000 à 150 000 EH, il y a un réel enjeu sur la valorisation énergétique des boues. L'objectif est de maximiser la production d'énergie », poursuit Malik Djafer. D'où l'intérêt d'intégrer dans les filières eau des décanteurs primaires qui produisent des boues deux fois plus méthanogènes que les boues biologiques.
Si l'électricité produite à partir du biogaz bénéficie d'un arrêté tarifaire de 2011, les arrêtés qui autorisent l'injection du biométhane dans le réseau de gaz naturel sont plus récents. Ils ne datent que de juin 2014. Mais l'instauration de tarifs d'achat incitatifs pour l'injection pourrait inciter les stations d'épuration à s'équiper. « Le revenu lié à la vente du bio-méthane issu des usines de traitement des eaux usées est actuellement de trois à quatre fois supérieur à celui de l'électricité produite par cogénération du biogaz », argumente Christelle Métral, chef de marché méthanisation et biogaz à la direction du développement France chez Suez. Le groupe compte parmi ses références plus de 84 % des capacités françaises de digestion. « La France compte environ 420 stations de plus de 30 000 EH. Seulement 15 % d'entre elles sont équipées de méthaniseurs. Le potentiel de développement est important. On estime le gisement de biogaz valorisable en biométhane à 1,53 TWh/an, soit l'équivalent de production de 400 éoliennes », juge la responsable, qui table sur un retour d'investissement de moins de dix ans.
Dans cette mouvance, la codigestion pourrait également se développer dans de grosses stations de plus de 100 000 EH, qui rentabiliseraient ainsi plus vite leurs installations. À Grenoble, la station Aquapôle (500 000 EH), qui se heurtait en 2010 aux limites de capacité de son four d'incinération, a fait le choix de la méthanisation. « Nous devions recourir de manière croissante au compostage. La méthanisation est donc apparue comme la meilleure option pour réduire de 30 à 35 % la teneur en matière sèche des boues à incinérer », souligne Carlos Rivière, responsable des investissements eau et assainissement à Grenoble-Alpes Métropole. Cette dernière a intégré cet équipement au plan de modernisation de la station, voté en 2010. « Nos élus ont fait le pari politique d'injecter le biogaz lorsque cela serait autorisé », précise-t-il. Alors qu'une partie du biogaz produit remplace le fioul utilisé par l'incinérateur, le reste sera vendu à Aquabiogaz (GEG-Suez), qui exploitera à partir de mi-2016 l'unité de purification et d'injection du bio-méthane (200 m3 /heure) dans le réseau.