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Conseil éclairé vaut bon contrat

PUBLIÉ LE 1er MARS 2016
LA RÉDACTION
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Le magazine des professionnels de l’eau et de l’assainissement.
À la différence des marchés publics que les collectivités maîtrisent bien, la mise en concurrence établie par la loi Sapin en 1993 pour l'attribution des délégations de service public (DSP) sur l'eau et l'assainissement est complexe à appréhender. La temporalité d'un contrat est, en effet, en décalage avec celle des mandats. Dans ces conditions, difficile pour les élus de se roder sur une procédure aussi lourde administrativement, rigoureuse, pour laquelle le risque de contentieux n'est jamais loin, et l'art de la négociation un prérequis. Devant l'enjeu technique et financier que représente pour les collectivités la signature de tels contrats, dont l'enveloppe totale atteint facilement les six chiffres, la présence d'un conseil est donc quasiment incontournable.   Le dernier rapport de l'Observatoire loi Sapin de l'Onema, publié en octobre 2015, montre que 93 % des collectivités interrogées y ont eu recours en 2012. Sur les 108 services passés à la loupe, l'Observatoire pointe la place renforcée du conseil privé, qui atteint 84 % des parts de marché contre seulement 16 % pour le conseil public, principalement auprès des petites collectivités. En cause, la suppression de l'ingénierie publique d'État sur les territoires. Cette mission, qui incluait maîtrise d'œuvre et assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) était en effet historique-ment assurée, dans les secteurs de l'eau et de l'assainissement, par les directions départementales de l'agriculture et de l'équipement (DDAF et DDE). Après sa mise en concurrence en 2007, l'État a orchestré sa disparition à partir de 2010, laissant aux directions départementales des territoires (DDT) jusqu'à la fin de l'année 2015 pour boucler les dernières missions d'assistance à la gestion des services publics (GSP). « Les grandes villes ont basculé très tôt vers le conseil privé, dès le début des années 1990, pour faire face à des fins de contrats et à des renégociations qui se complexifiaient. Les collectivités moyennes et de grands syndicats ruraux ont suivi, certains préférant réinternaliser l'ingénierie à l'échelle intercommunale. In fine, le plus souvent, seules les plus petites collectivités se sont trouvées orphelines de l'ingénierie publique à partir du milieu des années 2000 », explique Régis Taisne, adjoint au chef du département de l'eau à la FNCCR.   Le retrait de l'ingénierie publique d'État laisse donc place au conseil privé, ainsi qu'à de nouvelles structures d'ingénierie territoriale créées en relais sous l'impulsion des collectivités (syndicats départementaux, agences techniques des conseils départementaux). Avec un risque de déshérence sur certains territoires qui ne se sont pas organisés. C'est le cas en Maine-et-Loire. « Pour le moment, la création d'un syndicat départemental ne tente pas les élus. Certaines petites collectivités ont du mal à trouver un bureau d'études intéressé par relancer leurs procédures de DSP, marchés jugés assez peu rentables. Pourtant, en 2019 et 2020, il y aura deux vagues de renouvellement à gérer, soit une vingtaine de contrats à renégocier », observe Géraldine Gellé, adjointe au service de l'eau de la DDT du Maine-et-Loire et ex-animatrice du Groupe national de gestion des services publics (GN-GSP). Ce réseau réunissait, jusqu'à il y a un an, des experts des services départementaux du ministère de l'Agriculture autour des questions juridiques sur la gestion des services. En sont sortis des modèles de cahier des charges et de règlement de service unanimement reconnus. « Le référentiel de contrat du GN-GSP a permis d'armer les collectivités. Une très grande majorité d'entre elles l'utilisaient. Les règles établies étaient extrêmement précises sur certains points tels que les flux financiers entre le délégataire et le déléguant, avec un vrai travail de pédagogie opéré en amont par l'assistance à maîtrise d'ouvrage publique pour que les maîtres d'ouvrage s'approprient les enjeux de la négociation et fassent des choix éclairés, précise Éric Brejoux, directeur de l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement à l'Onema et ancien membre du GN-GSP. Nous allons d'ailleurs remettre ce référentiel à disposition sur le site Sispea. »   Forts de leurs expériences passées en service déconcentré, certains acteurs publics du Grand Ouest tentent de perpétuer cette compétence de conseil. « Parce qu'il y a quand même un réel vide depuis la disparition des DDAF », précise Joël Rivallan, ex-pilote du groupe national, actuel directeur du syndicat départemental d'eau potable des Côtes-d'Armor, et qui a repris depuis quatre ans la mission de conseil en DSPGSP. « Sur le département, 95 % des collectivités nous sollicitent. Nous suivons une bonne cinquantaine de contrats sur l'eau et l'assainissement, avec en moyenne cinq à six contrats remis en concurrence chaque année », précise le responsable. Idem en Charente, où le syndicat départemental Charente Eaux s'est créé en 2014. « Le conseil donne de la cohérence aux contenus des contrats et favorise un niveau de prestation homogène, souligne Philippe Lolmede, son directeur adjoint. Nous avons, par exemple, poussé tous les contrats à inté-grer la réduction des pertes d'eau dans les réseaux. À ce niveau, nous pouvons insuffler une dynamique locale et assurer un rôle de régulation face au délégataire. Alors qu'un bureau d'études n'aura pas cette vision territoriale. »   Les bureaux d'études spécialisés en ingénierie contractuelle mettent en avant leur expertise pointue. « Notre valeur ajoutée, c'est de prodiguer un conseil pluridisciplinaire intégrant ingénieurs, financiers et juristes », juge Nicolas Crinquant, direc-teur environnement au cabinet Espelia (ex-SP 2000) dont l'équipe eau, formée de 15 consultants, négocie une quarantaine de DSP par an. Spécialiste des questions de renouvellement, G2C Ingénierie, filiale du groupe Altereo qui accompagne une vingtaine de mises en concurrence par an, structure également son conseil sur les aspects financiers et juridiques. Sur de gros contrats ou pour travailler en complémentarité, des groupements d'AMO peuvent associer un bureau d'études techniques, un cabinet financier et un cabinet d'avocats. Créée il y six ans sur l'aménagement numérique, la société de conseil financier Cap Hornier a élargi ses missions depuis quatre ans au secteur de l'eau et de l'assainissement. « C'est l'un de nos axes de développement, précise Laurent Pelisson, président de la société. Sur un renouvellement de contrat à périmètre constant sans volet concessif, nous intervenons seuls, sans faire appel à un ingénieur. »   La disparition de l'ingénierie publique s'est également traduite par un boom du marché du conseil privé. « De nombreuses petites structures de conseil unipersonnelles ont vu le jour. De profil très spécialisé, souvent technique, elles se positionnent localement de manière compétitive. Les collectivités, qui ont encore tendance à retenir leur AMO essentiellement sur le critère du prix, s'exposent à des risques. Car un contrat issu d'un conseil moins expert passera plus difficement l'épreuve du temps », prévient le responsable d'Espelia. Par exemple, le coût moyen d'une AMO en DSP varie entre 4 600 et 6 000 euros pour les petites collectivités. Les écarts se creusent pour les plus de 20 000 habitants, de 8 500 euros pour un conseil public jusqu'à plus de 40 700 euros dans le privé. Et l'augmentation récente du seuil de mise en concurrence des AMO par les collectivités – passée de 15 000 à 25 000 euros – assouplit les règles de consultation et pourrait favoriser le choix de petits bureaux d'études locaux. « Les collectivités n'ont pas toujours conscience de l'importance du conseil. Les moyens qu'elles y consacrent pourraient être utilement renforcés, car chaque contrat devrait être conçu sur mesure, analyse Tristan Mathieu, délégué général de la FP2E. Pour les entreprises, la valeur ajoutée d'un bon AMO, c'est de bien connaître les délégataires et de tirer le meilleur de l'innovation au meilleur rapport qualité-prix. »   L'enjeu du choix du conseil échappe en effet à de nombreuses collectivités. « Sur quels critères retenir leur AMO ? Beaucoup de petites communes sont désarmées. Pour parer à la fin de l'assistance des DDT, le GN-GSP avait élaboré un modèle de cahier des charges pour les aider à trouver un nouveau prestataire. Mais l'assistance au suivi des services est un domaine complexe et difficile à quantifier dans une procédure de consultation », rapporte Géraldine Gellé, de la DDT du Maine-et-Loire. Le critère du prix, le plus évident, ne devrait pas occulter d'autres paramètres comme les références du bureau d'études, le temps de présence du cabinet et sa disponibilité, la qualité de la note méthodologique ou le CV des intervenants. À ce sujet, la FNCCR appelle à la vigilance. « Même des bureaux d'études de renommée peuvent envoyer des consultants juniors sans expérience. Il faut donc être attentif sur toute la ligne. Idem sur l'expérience pratique des AMO : il faut bien s'assurer qu'outre la passation de DSP, le bureau d'études a des références de changement de délégataire ou de retour en régie », estime Régis Taisne. La FNCCR, en collabora-tion avec l'Association des maires de France, vient d'ailleurs de réaliser un nouveau guide de l'affermage qui reprend tous les aspects du choix d'un assistant-conseil. L'importance de l'indépendance des bureaux d'études vis-à-vis des entreprises délégataires y est également rappelée. Pour la garantir, Espelia s'est ainsi fixé deux règles de base : ne travailler qu'avec des collectivités et jamais en maîtrise d'œuvre. Des gages de neutralité que tous les cabinets ne s'imposent pas.   Mais le choix d'un assistant-conseil n'est que le préalable d'une longue procédure de douze à dix-huit mois, qu'il faut anticiper. Elle s'organise autour d'étapes clés pour l'élaboration d'un cahier des charges, l'analyse des offres et la négociation. Tout se joue alors entre la commission d'ouverture des plis compétente en matière de DSP au sein de la collectivité, de son conseil et des entreprises candidates. « Pour avoir une bonne lecture des offres, il faut en amont que la collectivité ait une estimation précise de ses besoins. Nous évaluons donc le juste besoin du service, c'est-à-dire les niveaux de charges cibles, via un audit technico-économique, explique Nicolas Crinquant. Cela permet ensuite d'avoir un fil rouge dans la négociation et de dire stop à partir d'un certain seuil tarifaire qui ne garantit plus le niveau d'exploitation nécessaire. » Le cahier des charges gagne ainsi à être préparé. Par un travail de pédagogie, l'AMO expose les différents critères de choix et pousse la collectivité à poser ses exigences en matière de performance. Quel rythme de renouvellement désire-t-elle ? Quelle assiette annuelle appliquer ? Autant de points sur lesquels le maître d'ouvrage doit pouvoir se placer. « Les collectivités introduisent des objectifs de performance plus contraignants dans les contrats (contrôle de branchements, fréquence d'hydrocurage, objectifs d'indice linéaire de perte en eau potable…) », observe Fabienne Guiguen, directrice de l'agence technique départementale de Mayenne (ATD'EAU 53), qui accompagne deux à trois procédures par an. Cette exigence se traduit d'ailleurs dans la typologie des contrats signés. Les concessions de longue durée ont laissé place à des affermages d'une durée moyenne de dix ans. Ainsi, la collectivité garde la main sur les investissements et confie uniquement l'exploitation au délégataire. « La relation délégataire-délégant s'est équilibrée. Les maîtres d'ouvrage ne confient plus leurs services les yeux fermés, et c'est tant mieux. Nous leur rappelons quand même qu'imposer des contraintes à leurs délégataires leur impose aussi des obligations en retour, notamment en termes de programmation du renouvellement », confirme Christian Laplaud, président d'Altereo.   Enfin, face à la guerre des prix à laquelle se livrent toujours les délégataires, le rôle de garde-fou du conseil est d'autant plus crucial. Et même si le phénomène semble se tasser, des baisses de 20 à 30 % de la part fermière sortent encore régulièrement. « Cette concurrence nécessite un conseil plus poussé sur l'analyse des offres et la comparaison des coûts », juge Philippe Lolmede. « Il faut être très vigilant sur le maintien de la qualité de service, notamment au niveau des effectifs mis à disposition des services par les délégataires », ajoute Joël Rivallan. « Face à l'engouement des collectivités pour le retour en régie, les délégataires ont affiché une posture ultra-compétitive, avec des tarifs très bas. Un bon nombre de contrats stratégiques a également été remis en concurrence ces dernières années, et les entreprises sortantes préfèrent parfois renégocier à perte que de laisser échapper un contrat au risque de toucher leur organisation mutualisée, analyse encore Nicoles Crinquant. Quitte à se rattraper plus tard avec un avenant bien placé. » « D'où l'importance pour les collectivités d'être suivies sur la durée du contrat », souligne Fabienne Guiguen à l'ATD'EAU 53, qui assure la mission complète de GSP pour ses membres.   Si le conseil, en se privatisant, a plus de mal à conserver le suivi des contrats que l'ingénierie publique, des évolutions sont encore à prévoir sous l'impulsion de la réglementation. D'ici à avril 2016, l'application de la directive Concessions, qui vise à plus de sécurisation des procédures, modifiera quelque peu les règles de mise en concurrence. Mais surtout la loi Notre, en marquant la fin des compétences communales en eau et en assainissement d'ici à 2020 au profit d'EPCI d'au moins 15 000 habitants, va générer une montée en compétences des collectivités. Ce qui ne veut pas dire qu'elles pourront se passer d'un conseil. En revanche, elles en attendront une expertise renforcée. Alexandra Delmolino
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