En région parisienne, la Bièvre n'a aujourd'hui de cours d'eau presque que le nom. Cette rivière emblématique de 36 km a longtemps alimenté Paris et se jetait dans la Seine au niveau du pont d'Austerlitz. Très vite utilisée comme égout, elle a fini par être enterrée sur ses 11 derniers kilomètres. Pourtant, depuis de nombreuses années, des associations portent plusieurs projets de réouverture. Mais les difficultés techniques et financières sont telles que se balader sur les bords de Bièvre à Paris reste encore une belle utopie.Première particularité, si la Bièvre est un cours d'eau au titre de la Directive cadre sur l'eau, elle circule aussi dans un collecteur d'eaux usées et fait donc partie du réseau d'assainissement francilien. Son cours est actuellement dévié à partir de Cachan pour rejoindre une station d'épuration laissant le collecteur vide entre Cachan et l'entrée de Paris sauf par temps de pluie.« Dans le cadre du contrat de bassin, nous avons préféré déconnecter dans un premier temps un maximum de branchements en amont pour pouvoir renaturer avec une qualité d'eau correcte. Et cela prend du temps », détaille Laurent Lidouren, directeur du Syndicat mixte du bassin versant de la Bièvre (SMBVB). Il coordonne le contrat de bassin signé en 2010 par les nombreux acteurs locaux, la Bièvre traversant cinq départements. En 2003, un premier tronçon est découvert à Fresnes sur une centaine de mètres. « Il s'agissait de montrer que la réouverture était possible et donner l'impulsion aux autres projets », précise Elsa Svandra, directrice environnement à la Communauté d'agglomération du Val-de-Bièvre (CAVB) qui a initié le projet. Aujourd'hui, deux réouvertures portées par le conseil départemental du Val-de-Marne (94) se concrétisent. 630 m de Bièvre à l'air libre viennent d'être inaugurés à l'Haÿ-les-Roses pour un coût de 9,2 millions d'euros, financé en partie par l'agence de l'eau Seine-Normandie et le conseil régional d'Île-de-France. Le même linéaire sera découvert dans le parc du Coteau de Bièvre entre Arcueil et Gentilly d'ici 2018 pour 11 millions d'euros.« En amont de ces deux projets, nous avions réalisé une étude sur les potentialités de réouverture sur tout le tracé de la Bièvre dans le département. Il est apparu que sur 8 km val-de-marnais, il serait techniquement envisageable d'en rouvrir près de 7. Mais cela nécessiterait de déplacer des voiries et impliquerait des coûts financiers considérables. Ces travaux ne sont donc pas encore envisagés », détaille Delphine Pelletier, chargée de mission Trames vertes et bleues au conseil départemental 94. En effet, une réouverture faite dans les règles de l'art nécessite une emprise au sol non négligeable dans cette zone fortement urbanisée. « Ouvrir un canal en béton n'a pas d'intérêt écologique. Il faut au minimum reméandrer et retrouver une ripisylve, un milieu qui se gère seul », insiste Laurent Lidouren. L'agence de l'eau Seine-Normandie exige une renaturation en pente douce et un contact terre/eau nécessitant de retirer toute la canalisation. Deux projets de la CAVB à Cachan et à Gentilly ont été mis à l'arrêt dans l'attente de trouver des solutions techniques satisfaisantes.D'autres possibilités d'ouverture sont évoquées dans l'étude du conseil départemental mais il faut relancer le processus de concertation politique à l'arrêt dans l'attente du projet du Grand Paris. Du côté de Paris, les études de faisabilité ont été menées mais sont restées sans suite. Seul subsiste le tracé symbolique de la Bièvre en surface. L'impact immédiat des réouvertures sur la qualité de l'eau reste limité. « Passer d'une canalisation à un lit et des berges naturelles permet un gain en termes de biodiversité et d'oxygénation de l'eau. La qualité s'est considérablement améliorée, mais des efforts restent encore à faire pour atteindre les objectifs européens. La réouverture permet aussi de sensibiliser les riverains et de redonner au cours d'eau sa place dans la ville », explique Delphine Pelletier. Et ainsi de restituer son rôle patrimonial à la Bièvre. Le Sage Bièvre, porté par le SMBVB depuis 2007, devrait bientôt être adopté. Il ambitionne d'atteindre 3 à 4 km de réouverture dans le cadre du prochain contrat de bassin 2016-2021.Pauline Rey-Brahmi