L'article 161 de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 a imposé la réalisation d’un descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d'eau potable, et fixé un objectif de respect d’un taux de référence de pertes d'eau dans les réseaux. L’enjeu est considérable : le taux moyen de rendement de ces réseaux est de 79 %, mais ce ratio dissimule une grande hétérogénéité. Ainsi, des réseaux perdent parfois plus de la moitié de l’eau transportée.Le décret du 27 janvier 2012 détaille ces obligations. Le descriptif doit inclure le plan des réseaux avec localisation des dispositifs de mesure, ainsi qu'un inventaire mentionnant les linéaires de canalisations, la période de pose, la catégorie d'ouvrage, des informations cartographiques, ainsi que les informations disponibles sur les matériaux utilisés et les diamètres des canalisations. Cet outil ou document patrimonial doit être régulièrement mis à jour. Il est considéré comme satisfaisant lorsque l’Indice de connaissance et de gestion patrimoniale (ICGP), un indicateur défini par un arrêté du 2 décembre 2013, est au moins égal à 40. « Nous atteignons un score de 104 sur 120, et nous estimons avoir, en effet, une très bonne connaissance de notre patrimoine, témoigne Pierre Savinel, directeur du Syndicat des eaux de la Veaune, dans la Drôme. Le service est exploité en régie directe depuis 1949. Il y a une faible rotation du personnel, ce qui constitue une manne de savoir. Il y a eu une décision fondatrice de créer un SIG, dès 1999, renseigné par GPS. Pourtant, nous ne sommes jamais à l’abri de surprises quand on ouvre le sol. »Pour soutenir les collectivités dans cette démarche d’inventaire patrimonial, l’Onema a publié un guide méthodologique rédigé par l’Astee et l’AITF. Les agences de l’eau subventionnent les diagnostics détaillés. L’échéance pour le respect de cette obligation, initialement fixée au 31 décembre 2013, a été reportée au 31 décembre 2014. Ce n’est donc finalement qu’en 2015 que les services n’ayant pas satisfait à cette contrainte se sont vu appliquer la sanction prévue : le doublement de la redevance pour prélèvement perçue par les agences de l’eau.Pour l’instant, aucun bilan n’a été communiqué à l’échelle nationale. Mais à titre d’exemple, sur le bassin Rhône-Méditerranée et Corse, 86 % des réseaux faisaient l’objet d’un descriptif détaillé au 31 décembre 2014, contre 70 % au 31 décembre 2013. « La tendance est à l’amélioration, c’est cela qu’il faut retenir », souligne Nicolas Guérin, directeur des données à l’agence RMC. Sur ce bassin, 14 % des réseaux ont donc été soumis au doublement de la redevance en 2015. La sanction a touché 375 services contribuables, sur 2 925.Sur le bassin Artois-Picardie, les inventaires patrimoniaux de 25 % des réseaux manquaient à l’appel à la date butoir du 31 décembre 2014 : l’application de la pénalité en 2015 a généré un montant de redevance supplémentaire de 500?000 euros. « Il faut dire que ce sont essentiellement de petits syndicats et des communes indépendantes qui sont à la traîne, note Olivier Thibault, directeur général de l’agence Artois-Picardie. Or, ces petits services ont vocation à disparaître d’ici à trois ans avec l’application des dispositions de la loi NOTRe. Il faut aussi souligner, pour ceux qui ont fait l’effort de structurer leur connaissance patrimoniale, que c’est un élément facilitateur et une valeur ajoutée précieuse dans le cadre du transfert de compétences. » Cette tâche difficile a son lot de découvertes étonnantes. Ainsi, beaucoup de collectivités ayant mené à son terme une démarche minutieuse de connaissance se sont rendu compte que la longueur de leur réseau était inférieure à ce qu’elles pensaient. Cela représente 400 km de tuyaux en moins pour le Syndicat intercommunal des eaux des Monts du Lyonnais et de la basse vallée du Gier, tout de même !Un deuxième volet des mêmes dispositions réglementaires concerne l’atteinte d’un rendement de référence qui varie de 65 à 85 % selon les zones. À défaut, un plan d’action doit être engagé dans les deux ans. Au 31 décembre 2016, en cas de rendement insuffisant et sans plan d’action, la redevance prélèvement sera doublée. À fin 2014, sur les bassins Rhône-Méditerranée et Corse, le rendement de 44 % des réseaux d’eau était inférieur au seuil. Mais un tiers des services concernés avait adopté un plan d’action. Au total, sur ce territoire, 30 % des réseaux ne remplissent donc pas les critères (ni rendement suffisant, ni plan d’action), tandis que 70 % répondent aux exigences par anticipation (56 % dont le rendement est satisfaisant, plus 14 % ayant un plan d’action). Sur le fond, d’après les experts, l’amélioration d’un très mauvais rendement est à la portée de tous. « Déjà, en détectant et réparant rapidement les fuites, on peut gagner dans la grande majorité des cas 10, 15 ou 20 points », estime Régis Taisne, adjoint au chef de service de l’eau à la FNCCR.Fabienne Nedey