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Télérelève des compteurs : la concurrence rebat les cartes

PUBLIÉ LE 26 JUILLET 2016
LA RÉDACTION
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Entre le fonctionnement des protocoles de communication, des technologies réseau complexes et le décryptage des offres commerciales, peu de sujets paraissent aussi brouillés que le télérelevé des compteurs d’eau. Et ce, depuis les débuts du marché lancé il y a moins de dix ans en France par les opérateurs historiques de l’eau. Ce nouveau service est présenté par les délégataires comme une solution innovante du « Smart City », afin d’optimiser les services d’eau des collectivités, diminuer les fuites sur leurs réseaux et améliorer les rendements, mais aussi mieux gérer les consommations d’eau dans les bâtiments, alerter les usagers sur des fuites d’eau, tout en leur permettant de suivre leur consommation. En ligne de mire, les collectivités et de plus en plus, des contrats privés avec des gestionnaires de bâtiment.Le marché paraît alors prometteur aux grandes entreprises du secteur. Pour preuve, en 2008 d’après l’étude Bipe 2015, seuls 4 % du parc de compteurs gérés par les entreprises de l’eau sont télérelevés en France. Veolia et Suez structurent rapidement des offres globales et misent dès le début sur des solutions propriétaires. Ils maîtrisent l’ensemble de la chaîne de télérelève, du choix du compteur communicant au réseau de communication qui transmet la donnée jusqu’au système d’information qui les traite. Chacun dispose chez les principaux fabricants (Sappel, Itron, Sensus, Elster…) de ses propres modèles de compteurs et modules radio sous licence, de sa propre technologie radio et chacun opère avec des protocoles impénétrables pour ceux n’ayant pas acquis les droits. Veolia, via sa filiale m2oCity créée avec Orange en 2011, a choisi la bande de fréquence 868 MHz, d’abord avec une technologie Coronis, puis via sa filiale Homerider. Suez se place de son côté sur le 169 MHz, une fréquence plus basse qui favorise la portée des trames et allège les infrastructures de communication. Le 169 MHz, c’est également la fréquence retenue pour le déploiement des compteurs de gaz intelligent Gazpar dont Suez Smart Solutions (ex Ondeo Systems) est également l’intégrateur. « Aujourd’hui, 80 % de notre chiffre d’affaires sur la télérelève sont liés au déploiement d’une offre intégrée. Cependant, si les clients choisissent d’exploiter eux-mêmes leur réseau, nous pouvons leur vendre la licence sur le système d’information et les logiciels de supervision », précise Samuel Loyson, le directeur de Suez Smart Solutions qui a déjà installé 1,1 million de compteurs télérelévés en France contre 1,8 million chez Veolia.Cependant, si les grandes entreprises prédisent actuellement une évolution de la demande, plus marquée au sein des collectivités, ces offres globales n’ont pas encore séduit autant et aussi vite qu’espéré. Sur les 16 millions de compteurs qu’elles exploitaient en 2013, la télérelève ne concerne que 10 % du parc. « Au début, les collectivités n’ont pas toujours très bien saisi les enjeux des offres de télérelève que les délégataires ajoutaient souvent spontanément dans leur proposition ”en cadeau” sans en identifier le coût réel. Ces solutions propriétaires non interopérables ont ainsi rendu les collectivités « captives » et ont entravé la concurrence entre exploitants en fin de contrat », affirme Régis Taisne à la FNCCR. Pour le cabinet Espelia qui accompagne les collectivités dans le renouvellement de leurs contrats, le déploiement du télérelevé peut amener des bénéfices techniques réels aux services d’eau même si les offres manquent de lisibilité. « Il n’y a pas de chiffrage par exemple du gain sur le rendement de réseau. Nous incitons donc les collectivités à inscrire des objectifs de performance sur la télérelève dans leurs contrats, notamment sur l’amélioration de la performance hydraulique du réseau et sur le dispositif de télérelève en fixant le taux de panne maximum de 1 %, ou un taux de relève mensuel moyen compris entre 98 et 100 % et en n’oubliant pas d’intégrer le changement des émetteurs qui dysfonctionneraient », précise Alain Goubert chez Espelia. Quant au risque de se retrouver pieds et poings liés à un fournisseur, il est relatif, juge le cabinet. « Si la collectivité s’équipe stratégiquement au moment de la renégociation de son contrat de dix-douze ans par exemple, cela coïncide avec la durée de vie des compteurs et des émetteurs. Il n’y a donc pas de contrainte supplémentaire. En revanche, si elle installe un système de télérelève trois ans avant la fin de son contrat, elle devra en pratique soit garder son ancien délégataire, soit payer beaucoup plus cher pour changer tout son système», observe le consultant d’Espelia.La question du coût et du manque d’interopérabilité du télérelevé a ainsi orienté un bon nombre de régies à opter pour le radiorelevé, une alternative technique qui permet de relever à distance les compteurs des abonnés sans installer de réseau fixe. La radiorelève s’est ainsi développée aux dépens de la télérelève pour atteindre 9 % du parc exploités par les entreprises de l’eau en 2013. « La radiorelève permet de fiabiliser la relève et d’améliorer la facturation des abonnés. Elle apporte donc une première réponse intéressante et rentable. Cependant, nous commençons à accompagner quelques projets de télérelève à l'initiative de régies comme Mont de Marsan et la communauté de communes du Liancourtois qui veulent réellement améliorer le service rendu à l'usager et optimiser l'exploitation de leur réseau », précise Thomas Brélivet, cogérant de ID Eau Conseil, bureau d’études spécialisé dans le smart city. C’est un choix à faire. De son côté, le syndicat départemental Vendée Eau qui fait partie des pionniers de la télérelève déployée sur une partie de son territoire dès 2003-2004 a finalement choisi le radiorelevé pour compléter sa couverture dans ses derniers contrats passés en 2015. Dans tous les cas, les collectivités qui optent pour ces solutions de relève à distance doivent investir dans le parc de compteurs communicants qui représente la part la plus coûteuse de l’équipement (estimée entre 50 à 80 % du coût global). En revanche, le choix de la télérelève nécessite aussi d’investir dans l’infrastructure réseau. Au début, la majorité des collectivités étaient propriétaires du réseau local de télérelève installé par leurs délégataires, avec l’idée qu’elles maîtriseraient mieux le service dans ce schéma. Depuis, la tendance a évolué et m2oCity, puis Suez, ont développé des modèles opérateurs par lesquels les collectivités achètent un service de connectivité intégrée à l’offre globale. Un modèle plus léger qui colle à l’ère de l’internet des objets (IoT) et permet aux entreprises de proposer des solutions plus concurrentielles, en mutualisant leurs infrastructures réseau et les clients qui s’y connectent. Seul le groupe Saur qui structure aujourd’hui son offre de télérelève avec la start-up rennaise Kerlink spécialisée dans les solutions réseaux pour l’internet des objets proposera en priorité, au moins dans un premier temps, un modèle avec acquisition du réseau. « Nous devions nous positionner sur la télérelève pour répondre aux appels d’offres des collectivités. Aujourd’hui, nous terminons une phase pilote à Belle-Île-en-Mer (56) sur 6 000 points qui fournit un taux de remontée quotidien supérieur à 98 % et nous visons, avec notre partenaire Kerlink, 120 000 compteurs équipés par an pour les quatre ans à venir », précise Christophe Tanguy, directeur de la performance opérationnelle chez Saur. Plus récente que celles de ses concurrents, l’offre de Saur développée en 169 MHz a pu s’inspirer directement des travaux de standardisation de l’Afnor. « Concrètement, nous avons voulu favoriser une solution ouverte. Cela veut dire que si une collectivité ne souhaite pas renouveler son contrat avec nous, elle pourra conserver son infrastructure réseau et l’exploiter avec qui elle le souhaite. »Car cet enjeu d’ouverture des solutions vers une plus grande interopérabilité est aujourd’hui au cœur des préoccupations des acteurs du marché. Pour offrir des leviers aux collectivités qui cherchent à instaurer cette interopérabilité dans leur cahier des charges, la FNCCR a porté auprès de l’Afnor un projet de guide autour de la standardisation de la norme européenne Wireless MBus  (EN 13 757) qui définit une famille de protocoles de communication pour la télérelève des compteurs thermiques d’eau et de gaz. Une démarche très compliquée qui a réuni les fabricants de compteurs, de solutions radio, les opérateurs d’eau et les prestataires de service du secteur. Après une première tentative non aboutie en 2013 sur le secteur de l’eau du fait d'intérêts commerciaux divergents, un consensus a finalement été obtenu en décembre 2015 avec la publication d’un guide. Ces travaux permettront-ils pour autant une interopérabilité complète des systèmes ? La réponse est non. Pour cela, il aurait fallu conserver non seulement une seule fréquence, mais également un seul mode de communication. Or, le guide conserve 3 bandes de fréquences opérables (168, 433 et 868 MHz), mais a réduit de 13 à 6 le nombre de modes de communication associés. Ce qui permet aux différentes solutions radio existantes de coexister, mais restreint l’interopérabilité. De facto, la télérelève d’un module radio existant en 169 MHz ne peut se faire avec un réseau radio fonctionnant en 868 Mhz.Cependant, selon les experts associés à ces travaux, le guide de l’Afnor a réussi à faire bouger les lignes. Techniquement, il a rendu interopérables les couches hautes (6 et 7) du protocole de communication MBus : la couche de présentation liée à la sécurité et à l’encryptage des données et la couche d’application relative à la description des données métiers. Concrètement, il introduit par ce biais une liste de données obligatoires destinées à être traitées par tous les systèmes de télérelève, accompagnée d’une liste de données optionnelles. « Ainsi, quel que soit le fabricant ou l’opérateur, s’il suit ce guide, tout intervenant est capable d’interpréter les données », traduit Fabien Médard chef de projet Smart Object à la direction Smart Technologies de Saur qui a participé à ces travaux. Concernant la sécurité de ces données, un système de gestion et de passation de clés de cryptage a également été décrit. Enfin, sur les compteurs, le guide préconise des ajustements sur les batteries et les puces afin de garantir une durée de vie de quize ans et un paramétrage à distance. Autrement dit, ce protocole Afnor jette les bases d’un langage commun sur les données, sans pour autant brider l’innovation. « Le succès opérationnel du guide dépendra à la fois de la volonté et de la capacité des fournisseurs à mettre rapidement sur le marché des produits conformes – il semble que leurs bureaux d’études s’y activent déjà – et de l’introduction des spécifications du guide d’application dans les appels d’offres des collectivités maîtres d’ouvrage », analyse Régis Taisne à la FNCCR. « Avec ce guide, une sorte d’esperanto des compteurs communicants émerge », résume Éric Frotey, président de la commission de normalisation et responsable produits chez Itron qui va adopter les spécifications du guide à ses gammes. Suez rendra son infrastructure de télérelève compatible au protocole Afnor d’ici à la fin 2016. « D’ici à 2020, nous comptons télérelever un million de compteurs supplémentaires en France et ainsi doubler notre chiffre d’affaire. Ces compteurs seront équipés d’émetteurs ”Afnor Ready” en 169 Mhz, capables de transmettre les trames au format définies par le guide », souligne Samuel Loyson. Chez Veolia, m2ocity fait également évoluer ses technologies tout en prenant en compte le référentiel de l’Afnor. « Nous entrons dans une logique multitechnologie, explique Elise Feuillepain, directrice de m2oCity. L’idée c’est de mixer les protocoles et de bâtir des offres qui associent une base ouverte en LoRaWan et des couches applicatives optionnelles en protocole propriétaire Homerider. » Technologies radio bas débit longue portée, l’étalement de spectre (LoRa) porté par Bouygues et Orange font partie, avec l’Ultra Narrow Band, de la jeune société toulousaine Sigfox des tendances montantes du secteur de l’internet des objets (IoT). Ces solutions innovantes opérées en 868 MHz permettent d’alléger les infrastructures réseau, mais elles n’entrent pas dans les standards de la norme 13 757.Leur développement rapide a un peu pris de court les acteurs de l’eau, mais il pourrait bien rebattre rapidement les cartes du marché des compteurs d’eau télérelevés. Le protocole LoRa est désormais ouvert à tous les participants de la LoRa Alliance, sorte de think tank des utilisateurs, rejointe par m2oCity en 2015. Tandis que le réseau de Sigfox couvre déjà 92 % de la population française avec plus de 1500 antennes. À la suite du montage innovant retenu par le pays de Gex sur le télérelevé, Sogedo, le quatrième distributeur d’eau français s’est associé fin 2015 à l’opérateur Sigfox et à Smarteo Water, spécialiste de l’informatisation des réseaux d’eau, pour enrichir son offre du télérelevé des compteurs et du suivi des consommations en temps réel. L’intégrateur Smarteo Water qui représente en France le fabricant israélien de compteurs Arad ne travaille aujourd’hui qu’avec les technologies Sigfox et LoRa. « Nos compteurs permettent de passer d’un réseau à un autre (LoRa/Sigfox) sans changement de matériel et sans intervention sur le terrain. C’est le principe même de l’interopérabilité dans la téléphonie mobile repris par l’internet des objets pour les compteurs d’eau, soutient Loïc Charron, directeur commercial de Smarteo Water qui considère assez vains les efforts actuels de normalisation. La standardisation est déjà dictée par le marché de l’internet des objets. » En définitive, les collectivités qui rêvent aujourd’hui de smart water sont donc confrontées à un paysage plus ouvert, mais également plus complexe et concurrentiel. Reste, en outre, une question de fond que soulève la FNCCR sur l’appétence réelle des usagers pour ce type de technologie. « D’une part, le télérelevé demeure plus onéreux que le relevé classique pour une collectivité. On peut imaginer que son prix baissera sensiblement dans le futur avec l’entrée des nouveaux opérateurs télécom et que la question de l’adhésion des usagers se posera moins. Ceci dit, le suivi des consommations en ligne mis en place par les services d’eau est très peu consulté et les débats actuels autour de Linky ne vont pas dans le bon sens, conclut Régis Taisne. D’autre part, derrière ces technologies de communication et l’avènement des big data, il y a surtout un vrai enjeu pour garantir la liberté des consommateurs. C’est une question d’éthique qui demande une réflexion collective. »Alexandra Delmolino
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