Il fallait y penser, mais l'idée de Bernard Jacquot, le président du syndicat intercommunal des eaux de Rodalbe et environs (Siere), en Moselle, de valoriser les calories d'une eau pompée à 28 °C sur l'un de ses deux forages fait son chemin. Le bénéfice serait double : d'une part, faire baisser la température de l'eau distribuée au niveau réglementaire de 25 °C (au moins une partie de l'année), et d'autre part, vendre la chaleur récupérée à cinq bâtiments situés à moins d'un kilomètre du forage de Morhange.L'agence de l'eau Rhin-Meuse, qui a retenu ce projet parmi les lauréats de son appel à projets Eau durable & énergie, lancé en collaboration avec l'Ademe, a commencé par financer une étude de faisabilité. « Le projet est assez exceptionnel, car le Siere est un syndicat rural de 30 communes et 11 300 habitants, mais son président s'est posé les bonnes questions », explique Claire Martin, chargée d'affaires collectivités à l'agence de l'eau. Le Siere s'est appuyé sur Matec, Moselle agence technique, émanation du conseil départemental, en assistance de maîtrise d'ouvrage, pour la faire réaliser par Novertec-Astuces Conseils. Les résultats de cette première approche montrent que le projet est réalisable. « Si techniquement, il ne pose pas de difficultés particulières, il fallait identifier les besoins de chaleur des cinq bâtiments qui pourraient en bénéficier en fonction de leur isolation actuelle et de leur fonction, du siège du Siere aux bureaux d'une entreprise en passant par un gymnase, une école et une maison de retraite », précise Julien Arbillot, de Matec.Les conclusions montrent que le gisement annuel est de 4 700 MWh, avec 730 000 m³ d'eau pompés, pour des besoins énergétiques estimés à 1 506 MWh. Fort de cette validation, le Siere a lancé une deuxième étude plus poussée pour définir précisément le projet. « Il faut valider les chiffres, monter le financement qui est estimé à 758 000 euros HT et imaginer le montage juridique », commente Bernard Jacquot. Côté financier, le syndicat compte sur l'appui des partenaires qui l'ont accompagné dans la première phase : agence de l'eau, conseil départemental de Moselle, région Lorraine et Ademe. Avec un bémol, si l'agence de l'eau avait financé à 80 % l'étude de faisabilité, son apport sera cette fois limité à 65 %, du fait de la nature du projet qui ne touche qu'à la marge la qualité de l'eau distribuée. Mais c'est davantage sur le montage juridique que réside la grande inconnue. « La loi Notre est une épée de Damoclès pour notre syndicat qui est à cheval sur deux intercommunalités. De toute façon, il faudra changer de statut si on vend de la chaleur en plus de l'eau », s'inquiète Bernard Jacquot, qui ne sait pas à quelle sauce sera mangé le Siere. « Le projet peut être porté par un maître d'ouvrage public, privé ou mixte. Tout est ouvert », envisage Julien Arbillot. Si tout se passe bien, les travaux pourraient commencer fin 2018. DB