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Assainissement : quel avenir pour l’assistance technique départementale ?

PUBLIÉ LE 12 AVRIL 2017
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Le magazine des professionnels de l’eau et de l’assainissement.
L’assistance technique départementale est, depuis 2009, une compétence obligatoire des Départements, accordée pour raisons de solidarité aux collectivités éligibles sans mise en concurrence préalable. Elle est encadrée par le décret n° 2007-1868 du 26 décembre 2007 pris en application de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006, traduit dans l’article L.3232-1-1 du CGCT. L’assainissement collectif représente la mission historique des services d’assistance technique via des missions d’aide à l’exploitation des stations d’épuration. « Quand l’assainissement collectif s’est démocratisé en France dans les années 1970, il a fallu des agents sur le terrain pour caler le fonctionnement des stations d’épuration dans toutes les petites communes rurales qui s’équipaient. C’est dans cet objectif qu’ont été créés par l’État les premiers services d’assistance technique à l’exploitation des stations d’épuration (Satese) transférés aux départements dans les années 1990 par les lois de décentralisation », commente François Liponne, responsable du bureau de la qualité de l’eau et du Satese au conseil départemental de l’Allier et actuel président de l’association nationale des Satese (Ansatese). En fonction des territoires et selon les besoins exprimés par les collectivités, les missions d’assistance technique se sont élargies progressivement. Elles sont actuellement assurées par un effectif de près de 1?000 ETP dont 52 % affectés à l’assainissement collectif (Satese), 17 % à la protection de la ressource, 17 % encore aux milieux aquatiques (Aster, Cater) et 7 % à l’assainissement non collectif (Satanc). « Aujourd’hui, derrière l’acronyme Satese, il faudrait traduire service d’assistance technique pour l’épuration et le suivi des eaux. Cette nouvelle terminologie illustre le sens de l’évolution de nos missions et le fait que l’accompagnement des collectivités ne soit plus uniquement centré sur le conseil au fonctionnement des installations d’épuration », précise François Liponne. Les agents départementaux assurent désormais un suivi plus global des systèmes d’assainissement, la gestion des services et l’accompagnement des projets ainsi que de l’assistance aux services de contrôle des installations d’ANC, à la définition des mesures de protection des aires d’alimentation des captages d’eau potable et à la définition d’actions de protection des milieux aquatiques et des zones humides.Le périmètre de l’assistance technique départementale est limité aux communes et à leurs groupements qui « ne bénéficient pas de moyens suffisants pour l’exercice de leur compétence », soit globalement les communales rurales, les plus pauvres et dont la population n’excède pas 15?000 habitants pour les groupements de communes et 5?000 habitants pour les communes. En 2015, la loi Notre l’a élargi à trois nouveaux domaines d’intervention : la voirie, l’aménagement et l’habitat. Dans le même temps, elle a fixé à 15?000 habitants la taille minimale des nouveaux EPCI à fiscalité propre (FP) créés au 1er janvier 2017 et a instauré le transfert des compétences eau et assainissement vers ces EPCI d’ici à 2020. De facto, elle rend caduque l’intervention des Satese dans le cadre du décret de 2007. D’après une étude réalisée en 2016 par l’Ansatese, seuls 30 % des EPCI resteraient éligibles à l’assistance technique dans l’état actuel du décret. L’Ansatese et l’assemblée des départements de France sont donc montées au créneau, plaidant auprès du ministère de l’Environnement pour un relèvement du seuil d’intervention à 50?000 habitants, qui permettrait de conserver environ 80 % d’EPCI éligibles. Mais d’après la FNCCR, le ministère se serait positionné à un seuil de 25?000 habitants actuellement en consultation. Qu’en sortira-t-il officiellement ? Tout dépendra des arbitrages interministériels. La publication d’un décret serait attendue d’ici à juin 2017. S’il se confirme, ce nouveau seuil d’éligibilité réduirait significativement le nombre de collectivités éligibles. En effet, d’après les chiffres de l’Ansatese, seuls 66 % des EPCI-FP présentent un cumul de population inférieur à 30?000 habitants.Pour les collectivités éligibles à l’assistance technique départementale, une convention d’adhésion est signée avec une participation financière obligatoire des bénéficiaires et des financements du Département et de l’agence de l’eau. « Généralement, la participation financière des collectivités éligibles varie de 0 à environ 40 % du coût réel, entre les financements des agences et du Département. L’éligibilité à l’assistance technique est un moyen d’obtenir un retour sur les territoires des contributions financières des consommateurs aux agences de l’eau. Si les collectivités ne sont plus éligibles, elles auront à assumer entièrement le coût des services rendus par les Satese dans le cadre de prestations concurrentielles. Ou, si les Satese disparaissent, en faisant appel à des prestataires privés ou en reprenant ces activités en interne », analyse François Liponne. Les prestations réalisées par les Satese sur le champ concurrentiel pour les collectivités non éligibles ou pour développer des missions de type AMO sont fixées au prix coûtant. À l’heure actuelle, près de deux tiers des Satese proposent leur assistance en secteur éligible et en secteur concurrentiel. C’est le cas du service de l’eau potable et d’assainissement (SEA) du Finistère, 25 agents, en activité depuis 1973. Celui-ci ne garderait ainsi que 7 % d’EPCI éligibles au seuil des 15?000 habitants. « Notre département a la volonté de conserver des actions globales sur l’eau et l’assainissement. Il attribue encore 4 millions d’euros par an de subventions au secteur et souhaite maintenir son assistance technique aux collectivités éligibles et non éligibles. Finalement le plus gros risque pour nous serait que les nouveaux EPCI décident de se passer de nos services, mais ce n’est pas ce qu’on entend. Nous sommes donc confiants », estime Christian Barbier, responsable au SEA. Département de montagne et de faible densité de population, le Jura a une situation particulière vis-à-vis de la loi Notre. Il bénéficie d’une double exemption qui ramène la taille limite des nouveaux EPCI à 8?000 hab. « Cela nous permettra de conserver près de 80 % des collectivités éligibles à l’assistance technique, soit 176 équipements correspondant à 116 bénéficiaires, précise Philippe Albert, responsable de ce service d’assistance technique départemental de 9 agents. Cependant, il est possible que certains EPCI dotés de la compétence eau et assainissement envisagent de mobiliser leur technicien Spanc pour des missions en assainissement collectif. D’où l’importance pour nous d’évoluer et de nous adapter à leurs besoins. » Outre ses missions de conseils à l’exploitation des réseaux et des stations d’épuration, le Jura développe d’autres missions d’assistance technique comme l’aide à la rédaction des RPQS en assainissement ou le conseil aux agents des EPCI sur les formations nécessaires. Son voisin, le Satese de l’Ain (5 ETP), situé dans un département rural, avec 60 % de son parc épuratoire d’une capacité inférieure à 500 EH, ne rentre pas dans les cases de l’exemption. Il perdrait ainsi en l’état actuel du décret les trois quarts de ses collectivités éligibles. « Il y a environ 500 Step dans l’Ain et presque autant de petites régies communales de l’assainissement que nous accompagnons, avec un service quasi gratuit pour les petites communes de moins de 2?000 habitants. Et vu le travail engendré par la loi Notre pour unifier le parc technique et le prix de l’eau des nouveaux EPCI créés, on peut se demander pourquoi fragiliser les Satese au moment où leur rôle est aussi important », déplore Franck Courtois, directeur de l’environnement du département de l’Ain. Dans ce contexte incertain, les Départements pourront-ils maintenir une assistance technique départementale en régie – schéma largement majoritaire aujourd’hui – pour un nombre réduit de collectivités éligibles et sinon, comment exercer cette mission. A ce niveau, la situation ne semble pas forcément claire et arrêtée, notamment quant à l’impact de la suppression de la clause générale de compétence par la loi Notre dont les Départements pouvaient se prévaloir pour agir vis-à-vis des collectivités non éligibles. Pour Éric Landot, avocat fondateur du cabinet Landot & associés, expert en droit des collectivités locales, « les Départements peuvent, avec une sécurité juridique raisonnable, quoique non absolue, agir en régie pour des non-éligibles jusqu’à 20 % au maximum de leur volume d’activité. Avec la suppression de la clause générale, ils pourront continuer de le faire dans cette limite, non plus au motif de la clause, mais au nom de l’équilibre du service ». Pour les Départements qui chercheraient à maintenir leur mission d’assistance via un nouveau modèle leur permettant d’intervenir pour leurs membres sans mise en concurrence, en « in house », deux possibilités sont ouvertes. La première est de déléguer cette mission d’assistance technique à un syndicat mixte ouvert (SMO) dont le Département est membre comme l’autorise l’article 3232-1 du CGCT. Son fonctionnement souple lui assure un grand nombre de missions d’ingénierie en « in house ». « En droit européen, le SMO permet de s’affranchir des limites de seuil d’éligibilité. Ce qui n’est pas encore le cas en droit français », précise Éric Landot. Ce qui implique une différence de coût des prestations d’assistance technique entre membres éligibles subventionnés par le Département et membres non éligibles. L’un des rares Satese créés sous forme de SMO en France, le Satese 37 intervient depuis 1973 en Indre-et-Loire sur la quasi-totalité du département à travers l’adhésion de 210 collectivités. Dans l’état actuel du décret, deux tiers des EPCI ne seraient plus éligibles à son intervention. Ce que craint en outre ce syndicat avec la loi Notre, c’est le départ volontaire des EPCI membres qui prendront progressivement la compétence assainissement d’ici à 2020. « La loi Notre va déstabiliser des structures comme la nôtre qui ont fait leur preuve pour créer de multiples services d’assainissement dans les communautés de communes. Avec pour conséquence d’augmenter le coût du service et le nombre de collaborateurs. C’est à l’opposé des objectifs de mutualisation positive qu’on nous vante ; on marche vraiment sur la tête », lance Joël Pelicot, président du Satese 37 et du comité de bassin Loire-Bretagne qui pointe un autre risque dans la mise à mal des Satese, « Aujourd’hui, les Satese se chargent de transmettre aux agences de l’eau toutes les données d’autosurveillance au format Sandre. Si demain, ils n’assurent plus ce rôle, il faudra aller à la pêche aux données et surtout, les collectivités deviendront juges et parties de leurs contrôles. »L’agence technique départementale (ATD) est une seconde option qui semble à certains plus hasardeuse, car le CGCT ne la mentionne pas au même titre que le SMO. « Il n’y a pourtant aucune contre-indication juridique à intégrer l’assistance technique dans une ATD. C’est une institution départementale sans verrous qui peut fonctionner en in house du moment qu’on respecte quelques conditions, affirme Éric Landot. En commençant par son mode de gestion, le seul autorisé est l’établissement public ”participatif”. Elle nécessite aussi une forte participation des bénéficiaires et doit prévoir des contrats qui donnent au bénéficiaire de la prestation un vrai contrôle pour l’exécution de sa mission par l’ATD. »Les ATD ont majoritairement été créées par les Départements pour parer au retrait de l’ingénierie d’Etat via la suppression de l’Atesat dans différents domaines. Dans l’eau et l’assainissement, certaines ont commencé par se doter d’une mission d’AMO, la question se posant désormais de reprendre dans leur giron l’assistance technique départementale. En Dordogne, l’ATD 24 s’est dotée en 2014 d’un service d’AMO sur l’eau, l’assainissement, les eaux pluviales et en a profité pour intégrer un service d’assistance technique (Satese). « Puisqu’entre ces deux missions la paroi est très poreuse, il nous semblait plus efficient de les piloter conjointement, analyse Marc Boucher, chef du service assainissement à l’ATD de Dordogne. Chaque service conserve cependant ses caractéristiques, les agents du Satese ayant une culture très technique (suivi de Step, diagnostics d’installation, aide à la définition du programme de travaux) alors que l’AMO demande plus de polyvalence (marchés publics, ingénierie financière, aspects juridiques…). Mais mon expérience de onze ans passés comme technicien de Satese me fait dire que l’assistance technique ne perd pas son âme dans une ATD. Au contraire même, elle est valorisée et nous profitons de moyens mutualisés de la structure », poursuit Marc Boucher. L’ATD Meurthe-et-Moselle Développement 54 fait de l’AMO en eau et assainissement depuis sa création en 2014. Le Satese 54 est encore aujourd’hui géré en régie par le Département, mais l’ATD est en passe de devenir la porte d’entrée unique de l’ingénierie départementale. « L’assistance technique départementale est en pleine évolution structurelle et va devoir s’adapter à la demande des EPCI qui vont s’approprier en partie la compétence assainissement. Nous devons donc développer une expertise technique de très haut niveau que nous leur proposerons à la carte. Cela doit être notre valeur ajoutée à l’échelle départementale », estime Olivier Caillat, animateur au sein de l’ATD 54 qui précise que leur rôle est complémentaire de celui des bureaux d’étude privés. « Nous travaillons souvent ensemble sur des projets, chacun à sa place. Nous intervenons en AMO, voire en amont, par des conseils et des expertises pour les collectivités sur leurs dossiers d’étude et de travaux, les bureaux d’étude assurant la maîtrise d’œuvre. » Même retour de l’ATD de Dordogne. Pour Marc Boucher, le positionnement de l’ATD en AMO impulse au contraire une dynamique sur le territoire. « Les missions que nous réalisons n’intéressent pas tellement les bureaux d’étude ; elles sont trop chronophages. Aussi, ils semblent plutôt satisfaits que nous fassions sortir des projets. »On peut prédire que si l’assistance technique départementale était réellement amenée à disparaître demain, le relais ne viendrait pas du privé. Et si les EPCI ont officiellement les compétences pour internaliser cette mission, auront-ils concrètement le budget et l’organisation pour le faire ? Difficile de répondre globalement, tout dépendra de la situation particulière des territoires, mais de nombreuses collectivités restent attachées aux Satese. La communauté de communes du pays de Landerneau Daoulas (22 communes) a pris la compétence assainissement collectif en 2013. Et Landerneau, sa ville centre de 15?000 habitants, a toujours travaillé avec le Satese du Finistère. « Et nous continuerons de faire intervenir le Satese, car leur expertise technique et leur vision départementale sont uniques, juge Bruno Monnier, responsable du service assainissement collectif à la communauté de communes. Aucun agent en interne ne pourrait le remplacer. Il valide également nos données d’autosurveillance au format Sandre et nous représente auprès de la police de l’eau avec beaucoup plus de légitimité que nous n’en aurions. Nous formons vraiment un binôme, la collectivité pour la gestion quotidienne et le Satese pour l’expertise indépendante. » Alexandra Delmolino
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