« Notre objectif premier est de bien comprendre le transfert des micropolluants au sein du petit cycle de l’eau, du réseau à la station d’épuration jusqu’à la rivière », explique Vincent Rocher, responsable du service expertise et prospective au syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (Siaap). Le syndicat suit ainsi les micropolluants du bon état chimique et les micropolluants émergents dans les eaux de surface via son réseau de mesure en Seine, MeSeine. « Notre stratégie R&D comprend trois volets. Nous cherchons d'abord évaluer la contribution de l’assainissement à la contamination globale des cours d’eau par les micropolluants. Nous voulons ensuite caractériser le flux de micropolluants transitant dans nos réseaux d’assainissement. Enfin, nous travaillons à l’amélioration de nos connaissances sur l’efficacité des systèmes de traitement vis-à-vis des micropolluants », poursuit le responsable du Siaap.Dans ce cadre, le syndicat a déjà testé l’efficacité des filières conventionnelles. Ses six usines sont en majorité composées d’un traitement primaire, d’un traitement biologique éventuellement suivi d’un traitement de décantation physico-chimique pour l’élimination des orthophosphates. « Tout dépend vraiment des propriétés des micropolluants. Par exemple, le parabène, très biodégradable, est éliminé à plus de 99 % par nos usines. En revanche, la plupart des pesticides, très hydrophiles, peu volatiles et peu sensibles à la dégradation par les biomasses épuratrices, passent entre les mailles des filières conventionnelles », illustre Vincent Rocher.En 2013, le Siaap a poursuivi ses investigations en étudiant l’efficacité des traitements tertiaires sur une liste de 113 micropolluants. Deux pilotes ont été testés de six à douze mois : la technologie Actiflocarb de Veolia qui combine un décanteur physico-chimique avec l’ajout de charbon actif et le procédé d’ozonation catalytique du groupe Suez, Toccata. Enfin, le procédé Carboplus du groupe Saur (Stereau) basé sur un réacteur à lit fluidisé de charbon actif est encore en fonctionnement. Pour ces trois technologies, le projet a permis d’évaluer les performances vis-à-vis des micropolluants et des macropolluants, de définir les conditions d’exploitation optimales et les bases de dimensionnement et d’appréhender les questions de coût d’exploitation. « Ces traitements tertiaires se sont montrés efficaces pour les micropolluants, mais également pour les macropolluants (carbone, azote et phosphore) et pour certains paramètres, comme la couleur des effluents. Ils jouent donc aussi un rôle intéressant comme étape d’affinage des traitements conventionnels. »De ce programme de recherche toujours en cours, le Siaap ne cherche pas à tirer de solutions définitives. En revanche, il souhaite se familiariser avec ces procédés majoritairement issus des filières de traitement de l’eau potable. Leurs performances sont également évaluées au regard de la toxicité sur le milieu des rejets en s’appuyant sur des modèles biologiques. « Nous nous sommes notamment intéressés à l’évolution de la perturbation endocrinienne entre l’entrée et la sortie du prototype Actiflocarb en utilisant les têtards de l’entreprise Watchfrog spécialisée sur la biosurveillance des milieux aquatiques. Cette démarche est stratégique pour l’avenir, car nous savons bien que la présence de micropolluants peut dépasser celle de nos listes. L’efficacité des traitements doit donc aussi être évaluée au regard de la toxicité résiduelle des rejets sur le milieu », conclut Vincent Rocher.Alexandra Delmolino