Des chercheurs de l’École polytechnique de Lausanne ont montré que la vitesse des échanges gazeux entre les ruisseaux de montagne et l’atmosphère était largement sous-estimée, interrogeant sur leur contribution aux émissions de gaz à effet de serre.
Dans une étude parue dans Nature Geosciences daté du 18 mars, des chercheurs du Laboratoire de recherche en biofilms et écosystèmes fluviaux (SBER) et de la Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (Enac) de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) ont remis en cause l’approche standard qui servait jusqu’à présent à calculer la vitesse des échanges gazeux entre les ruisseaux de montagne et l’atmosphère.
Les données qu’ils ont récupérées à l’aide de 130 capteurs installés dans des ruisseaux vaudois et valaisans les ont conduits à réévaluer cette vitesse d’un facteur 100. En cause, les ruisseaux de plaine qui servaient jusqu’ici de référence. Or, en montagne, les torrents coulent sur des pentes abruptes et des terrains accidentés. L’eau s’en trouve plus turbulente et les bulles d’air emprisonnées plus nombreuses, accélérant les échanges gazeux.
« Considérant que plus de 30 % de la surface de la Terre est recouverte de montagnes, les conséquences de cette découverte sont considérables », avance l’EPFL dans son communiqué. En se basant sur ces résultats, les scientifiques vont pouvoir concevoir de nouveaux modèles sur le rôle des ruisseaux montagnards dans les flux biogéochimiques mondiaux.
Afin de mesurer la vitesse des échanges gazeux, les chercheurs ont utilisé de l’argon comme gaz traceur, dont ils ont quantifié la perte en aval de la zone d’injection. Ils ont ainsi pu calculer la vitesse de cet échange, montrant qu’elle était en moyenne 100 fois plus élevée que dans les modèles élaborés par les cours d’eau de plaine.
« Nos conclusions ont des implications majeures. Elles suggèrent que nous avons sous-estimé les effets de tous les ruisseaux de montagne, petits mais abondants, dans nos modèles biogéochimiques. Cette étude ouvre ainsi un nouveau champ de recherche », déclare Tom Battin, directeur du SBER et auteur correspondant auprès d’Amber Ulseth, première auteure de l’étude.
« Son laboratoire étudie déjà les répercussions de cette recherche, notamment la mise au point d’un nouveau modèle pour prédire les émissions de CO2 des torrents de montagne à l’échelle mondiale », annonce l’EPFL. Du CO2 lié à la présence de nombreux organismes dans l’eau, des bactéries aux poissons, et dont les fonctions respiratoires consomment du dioxygène et libèrent du dioxyde de carbone.