Pas plus que les autres Etats-membres, la France n’a été en 2015 au rendez-vous de l’objectif de bonne qualité des masses d’eau, dont le manquement généralisé est acté par la Commission. Alors que se pose la question d’une éventuelle révision de la directive-cadre de 2000, Paris défend une position conservatrice.
Seulement 40 % des cours d’eau européens atteignent un bon état écologique et 38 % un bon état chimique, selon les données publiées par l’Agence européenne de l’environnement en 2018. Aucun Etat-membre n’affichait 100 % de bon état en 2015, comme le projetait la directive cadre sur l’eau (DCE) de 2000, et aucun ne tiendra non plus la date dérogatoire de 2027, assure d’ores et déjà le député (LREM, Somme) Jean-Claude Leclabart1, lors d’un colloque organisé, le 14 novembre à l’Assemblée nationale, par le Cercle français de l’eau. « Au vu du travail à fournir, 2027 reste un horizon très ambitieux », confirme à la Commission européenne Veronica Manfredi. La directrice de la qualité de la vie à la direction de l’Environnement estime à 100 milliards d’euros les investissements requis sur les dix ans à venir à l’échelle européenne, avec un rattrapage significatif attendu sur l’assainissement chez les treize derniers adhérents à l’Union.
De l’optimisme au réalisme
La France a péché par « optimisme sur l’état initial des masses d’eau et sur le rythme de leur amélioration », relativise Brice Huet, directeur adjoint de l’eau et de la biodiversité. Le ministère de la Transition écologique et solidaire s’apprête à adresser aux comités de bassin une circulaire, invitant à définir « des objectifs ambitieux et réalistes ». Deux termes qui semblent antinomiques au vu du dérapage sur la DCE, dont le dessein de reconquête de la qualité des milieux aquatiques en quinze – voire vingt-sept – ans est unanimement jugé inaccessible a posteriori.
Si Paris fut « moteur dans la rédaction du texte de 2000 », dans une Europe comptant 15 Etats-membres, « le climat actuel ne permettrait pas d’obtenir des avancées », juge Brice Huet. Il y aurait même « beaucoup à perdre (gestion par bassin, récupération des coûts) » et l’enjeu est que « la dynamique (soit) conservée ». Une fois achevé le bilan de la mise en œuvre de la DCE par la Commission, celle-ci pourrait décider d’engager sa révision, qui prendrait « un an et demi à deux ans », indique Veronica Manfredi. Maintenir en l’état le texte ferait perdurer un vide sur les liens entre l’eau et le dérèglement climatique, « angle mort » de la DCE selon Jean-Claude Leclabart.
Un thermomètre trop sensible ?
En France, 36 % des masses d’eau sont impactées par l’activité agricole, 21 % par une épuration insuffisante et 21 % subissent la pression hydromorphologique, détaille Veronica Manfredi. Pour autant, le pays « n’a pas à rougir de sa politique », réagit Adrien Morenas, qui préside la mission d’information sur la ressource en eau de l’Assemblée nationale. Si la carte des masses d’eau superficielles de l’Hexagone est peu flatteuse, c’est parce qu’une mauvaise performance sur un critère suffit à étiqueter le cours d’eau en « mauvaise qualité ». Le député (LREM, Vaucluse) décrie ce système du « one out, all out », qui « ne permet pas de mesurer l’efficacité des investissements ».
1 : Qui publiera, le 11 décembre, un rapport d’évaluation sur l’application de la DCE