Partant du principe que « l’eau à boire ne peut être facturée au même prix que celle qui remplit la piscine privée », Eau du bassin rennais déploie depuis 2016 une tarification sociale et écologique. « A iso-recettes », assure son président, Yannick Nadesan, lors d’une table ronde sur l’accès à l’eau organisée, le 15 janvier à Paris, par le Cercle français de l’eau.
La facture d’eau peut-elle traiter de front les dimensions sociale et environnementale ? Nombre d’économistes et de gestionnaires de services en doutent. Le bassin rennais fait pourtant du prix du m3 un outil tout-en-un, au service de l’accès à l’eau1 comme de la gestion quantitative de la ressource.
Paliers et compensations
Dans le cadre de l’expérimentation ouverte par la loi « Brottes » d’avril 2013, le syndicat mixte (56 communes, 200 000 abonnés) applique une tarification progressive aux ménages disposant d’un compteur et d’une facture individuels.
Etendu graduellement de 2016 à 2019, le dispositif accorde 10 m3 gratuits puis élève le tarif par paliers selon les volumes consommés2. Pour ménager les familles nombreuses, un chèque-eau de 30 euros/an est attribué pour tout enfant à partir du troisième. En outre, une aide3 est versée aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, que l’eau soit réglée sur facture ou dans les charges locatives (selon un tarif unique dans ce dernier cas).
Budget équilibré, ressource tendue
« La surconsommation (au-delà de 100 m 3 /an) finance la gratuité des m3 couvrant les besoins fondamentaux (alimentation et hygiène) », explique le président Yannick Nadesan. A terme, l’élu n’exclut pas un différentiel de prix accentué pour les tranches de consommation élevée. Né en 2015 du regroupement de 17 entités, le syndicat dégage par ailleurs une marge de manœuvre de 3,5 millions d’euros par an, par rapport à la gestion antérieure.
Eau du bassin rennais (EBR) équilibre son budget tout soutenant la pose de compteurs individuels en immeuble et en baissant le coût de l’abonnement, qui convergera sur l’ensemble du territoire à 27 euros/an/abonné en 2025. Les économies au domicile sont encouragées. « Les petits matériels hydro-économes (type mousseurs) épargnent aisément 10 à 15 % d’eau, sans baisse de confort » note le directeur, Laurent Géneau. Seuls 20 % des ménages en sont équipés. « Si chaque abonné économisait 10 %, cela ferait la différence sur un bassin où la ressource est en tension depuis 150 ans », observe Yannick Nadesan.
Fin de la prime pour les « gros » consommateurs
EBR subventionne les efforts de sobriété des abonnés non domestiques (publics et privés), pour qui les tarifs dégressifs s’effacent depuis 2016 et auront rejoint en 2026 ceux appliqués aux ménages. « Un retour à la normal, juge Yannick Nadesan. Jusqu’alors, les foyers surpayaient l’eau qui était bon marché pour les autres usagers ». A l’échelle syndicale, il est aussi « mis fin à une distorsion de concurrence : le m3 pouvait auparavant varier du simple au double, selon la pression des acteurs économiques sur les élus locaux. La situation devient plus saine. »
Quelques sites agro-alimentaires verront la facture grimper de « plusieurs centaines de milliers d’euros par an ». Sans risque de défection pour EBR. « Leur activité dépend d’une eau disponible et de qualité, que livre le service public. Avec les sécheresses récurrentes, les forages privés ne sont plus viables. »
1 : reconnu comme droit fondamental en 2010 par l’ONU, dont le 6ème des 17 objectifs du développement durable définis en 2015 porte sur la garantie de l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et l’assurance d’une gestion durable des ressources en eau. 2 : de 11 à 100 m3 ; de 101 à 150 m3 ; au-delà de 150 m3 3 : 15 euros/an/foyer pour l’eau, auxquels s’ajoutent, sur la métropole de Rennes, 15 euros pour l’assainissement.