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Tristan Mathieu : « L’assainissement collectif peut être une sentinelle de la contamination des Français au Covid-19 »

PUBLIÉ LE 3 JUIN 2020
PROPOS RECUEILLIS PAR SÉBASTIEN BATTAGLINI
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Tristan Mathieu : « L’assainissement collectif peut être une sentinelle de la contamination des Français au Covid-19 »
Cela fait plus de 80 ans que la Fédération Professionnelle des Entreprises de l’Eau (FP2E) veille aux intérêts d’entreprises de l’eau et de l’assainissement comme Veolia, Saur ou Suez, Aqualter ou encore Sogedo. Nous avons rencontré Tristan Mathieu, le délégué général de la FP2E pour savoir comment le secteur s’est comporté face à la crise du Covid-19.
 
Le Covid-19 a-t-il impacté le secteur ?
Oui, comme pour tout le monde, il a eu un impact fort. Si en matière d’eau potable, le virus était facile à traiter puisque les dispositifs de potabilisation sont conçus pour éliminer les pathogènes, à l’inverse on retrouve des traces de génome de Covid-19 dans les effluents. Certaines boues sont hygiénisées par des traitements comme la chaux qui permettent de se débarrasser du  virus et ainsi d’épandre sans risque. D’autres ne le sont pas et l’Anses a demandé de ne plus épandre ces boues. Les entreprises de la fédération ont alors su dialoguer entre elles pour transporter l’ensemble de ces boues vers les stations d’épuration disposant de systèmes d’hygiénisation.

Cette gestion des boues a-t-elle demandé une lourde logistique ?
En tout cas, une logistique supplémentaire pour le transport ou la zone de stockage. Aujourd’hui, nous travaillons sur des protocoles avec des laboratoires publics pour définir l’innocuité d’une boue et le type d’analyses à faire pour démontrer que son épandage est réalisable.
 
L’assainissement est-il une ligne de défense sanitaire ?
Mieux que ça encore puisque nous nous sommes aperçu que l’assainissement collectif peut être une sentinelle de la contamination des Français au Covid-19. Nous devrions être capable d’aller analyser dans les effluents, dans les boues de STEP, dans les eaux usées, si des traces de ce virus apparaissent et donc, de détecter des contaminations, de futurs clusters avant qu’ils ne se développent et avant même que les gens ne développent des symptômes.
 
Comment avez-vous maintenu les services pendant la crise ?
Il y a eu une solidarité sans faille entre les adhérents. Il a fallut être très vigilants à partir du moment où l’on trouve du génome de Covid-19 dans les effluents et que les agents peuvent être potentiellement au contact d’aérosols en contenant. Et cela tout en maintenant les services en fonctionnement 7/24 !
 
Vous parlez de sous-produits valorisables comme le phosphore et le biométhane. Est-ce que cela va permettre de baisser le coût de l’assainissement ?
C’est difficile à dire aujourd’hui. L’idée est séduisante d’avoir des rémunérations complémentaires pour les services d’eau et les opérateurs via ses externalités. Mais cela dépendra beaucoup des conditions de mise sur le marché. A titre d’exemple, pour illustrer ma prudence, prenons la situation avec le monde agricole actuellement : le monde de l’assainissement dit qu’il apporte des produits à valeur ajoutée permettant d’éviter les engrais chimiques tandis que le monde agricole affirme qu’il le débarrasse de ces boues et qu’il n’a pas envie de payer pour ça. Tant que les modèles économiques ne sont pas stabilisés, il est compliqué de se prononcer sur les retombées « commerciales » des sous-produits d’assainissement.
 
Ressentez-vous des freins à la REUT ?
Il y a une prise de conscience globale sur le fait que c’est une solution d’avenir. Longtemps la France a été en retard sur ces sujets, mais reconnaissons qu’elle n’a pas été le premier pays à être touché par des tensions sur la ressource. Nous ne sommes pas frileux mais sous l’angle de la ressource, notre pays est très chanceux. Toutefois, les tensions se font désormais ressentir de plus en plus durement. Aujourd’hui, moins d’1% de nos eaux usées sont réutilisées quand l’Espagne et l’Italie tournent autour de 10 %. Il n’y a pas de raison de se priver de cette ressource ! Alors, est-ce bien raisonnable d’arroser des tomates et des avocats avec cette eau ?  C’est déjà le cas pour ces deux aliments que nous importons d’Espagne ou d’Israël…
 
Auriez-vous un exemple de REUT très bénéfique ?
Le golf de Bonifacio, en Corse. Il est grand et très touristique. Le golf a récupéré les eaux traitées de la station pour son arrosage. Et cela représente pratiquement l’équivalent de la consommation du mois d’août de la ville ! Sans cela, il faudrait doubler la capacité de production d’eau alors que ces eaux usées sont rejetées, après traitement, dans la mer. Cela illustre parfaitement l’économie circulaire avec une ville qui reste attractive pour le tourisme, qui ne doit pas gérer d’éventuelles pénuries d’eau et qui ne prélève pas sur la ressource en récupérant une eau qui normalement est rejetée à la mer…
 
La REUT est-elle utile uniquement au sud ?
Absolument pas. Regardez la Bretagne. Le développement économique de la Bretagne et le changement climatique accroissent la pression de la région sur la ressource. Peut on refuser à la Bretagne sont développement économique alors que la REUT peut l’aider ? Je pense que non. La REUT n’est pas la solution universelle mais si elle est correctement mise en œuvre, elle peut être très utile à notre pays, voire indispensable !
Tristan Mathieu, délégué général de la FP2E / DR
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