Au même titre que l’énergie, l’eau est un enjeu majeur de la transition écologique. Et si les défis de sa préservation et sa gestion sont déjà, en grande partie, intégrés et adressés, son lien pourtant direct avec les économies d’énergie est au mieux sous-évalué, au pire totalement ignoré, alerte dans cette tribune Sébastien Marlier, directeur général de BWT France. Consommer mieux et moins d’eau, d’autant plus une eau traitée et de qualité, a un impact direct et immédiat sur la consommation énergétique des processus industriels et de tous les bâtiments individuels, collectifs et tertiaires, développe-t-il.
Le principe des parallèles, c’est qu’elle ne se croise jamais. En matière de développement durable, c’est bien souvent ce qu’il se passe : chaque enjeu est bien trop souvent adressé en silo. Au mieux, les résultats positifs d’une stratégie environnementale sur une thématique précise sont perçus comme de simples effets de bord. Des effets de bord bénéfiques certes, mais qui ne sont généralement pas promus à leur juste valeur. Les réglementations, elles-mêmes principalement dédiées à un sujet ad hoc (et souvent même sectorielles), ne sont sans doute pas étrangères au phénomène.
C’est ainsi que la réglementation environnementale (RE) ou encore la loi de transition énergétique côtoient, sans se croiser ou presque, le Plan Eau ou encore les diverses réglementations liées à la réutilisation des eaux usées. Heureusement, certaines initiatives ont permis de reconnaître les effets induits d’actions environnementales. C’est le cas notamment de certains Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) reconnaissant la limitation des consommations énergétiques des chaudières industrielles par exemple, grâce à une meilleure qualité d’eau.
De la même façon, si la limitation du recours à des produits chimiques pour le traitement de l’eau est largement reconnue et encouragée, les bénéfices indirects (baisse de la production et du transport des produits chimiques par exemple) n’entrent pas forcément en ligne de compte dans les résultats des stratégies RSE des organisations. D’autant qu’ils sont difficiles à mesurer.
L’industrie, moteur de la transition écologique
S’il est un secteur particulièrement en avance sur la transition écologique en général, et sur les économies d’eau en particulier, c’est celui de l’industrie. En effet, quelle que soit la filière concernée, la recherche d’économie d’énergies, la réduction du recours à des produits chimiques dans les processus industriels et plus globalement l’amélioration de la qualité, levier de la transition écologique, sont systématisées depuis de nombreuses années. Au même titre d’ailleurs que les efforts de préservation de l’eau. Et si ces efforts répondent bien évidemment à des enjeux économiques (ralentissement ou arrêt de la chaîne de production en cas d’arrêté de sécheresse par exemple), ils n’en demeurent pas moins efficaces en termes de préservation de la ressource. Et accessoirement positifs pour les indicateurs extra-financiers des industriels.
Concrètement, l’eau est partout dans les usines : eaux de production, eaux d’utilités, eaux de rejets. En adoptant une démarche d’efficience hydrique dans le cadre d’une approche globale de réduction des consommations, de réutilisation et de recyclage des eaux, les industriels peuvent considérablement limiter leur empreinte hydrique.
En complément de traitements adéquats, limitant par exemple l’entartrage, la corrosion et l’encrassement des installations (chaudières vapeur, tours de refroidissement, circuits fermés…), ils en améliorent en outre les rendements, et donc optimisent leurs consommations énergétiques. Et au niveau industriel, les chiffres peuvent se révéler spectaculaires, avec plusieurs GWh d’énergies économisés annuellement sur un seul site, grâce, par exemple, à un traitement optimisé de l’eau.
L’eau, vectrice d’économies d’énergies
L’eau en tant que telle, et surtout sa préservation, comptent parmi les cibles prioritaires des entreprises en matière de RSE. Et pas seulement dans les processus industriels : des gains potentiels sont observables dans tous les usages, et notamment dans les bâtiments, quel que soit le secteur d’activité. En l’absence de réglementations contraignantes, comme c’est le cas dans les processus industriels, il est de la responsabilité des entreprises elles-mêmes, et de tous les exploitants de bâtiments, d’entreprendre les actions correspondantes.
Des entreprises qui doivent aussi mettre en œuvre les moyens pour que leurs collaborateurs puissent agir chacun à leur niveau, devenant ainsi acteurs de la réduction des consommations énergétiques. Le déploiement de fontaines à eau de boisson par exemple est une excellente initiative pour limiter l’utilisation de bouteilles à usage unique. À condition d’accompagner cette initiative d’une sensibilisation des utilisateurs, d’offrir à chaque collaborateur une gourde réutilisable, etc. Pour autant, et même si chaque geste compte, les volumes d’eau de boisson et d’eau sanitaire demeurent accessoires : les économies d’eau (et d’énergie) conséquentes sont ailleurs, et notamment dans le bâtiment.
Dans le collectif, le tertiaire et même au niveau de l’habitat individuel, la qualité des eaux est en effet un facteur clé de réduction de la consommation énergétique des bâtiments : le calcaire, la corrosion et les boues, générés par l’inadaptation ou l’absence de traitement d’eau, constituent des risques de surconsommation énergétique des circuits climatiques. Ainsi, un seul millimètre de calcaire induit une surconsommation énergétique des équipements de l’ordre de 8 %.
Assurer le bon fonctionnement des installations existantes par une eau de qualité permet donc de réduire la facture énergétique globale des bâtiments, quelle que soit l’énergie utilisée : fioul, gaz ou pompe à chaleur par exemple. Et ce, dans tous les types de bâtiments : bureaux, copropriétés ou maisons individuelles. Là aussi, les CEE reconnaissent le lien entre qualité d’eau et économie d’énergie, avec la possibilité de bénéficier d’aides pour le « désembouage d’un réseau hydraulique individuel de chauffage », en collectif comme en individuel.
Enfin, et grâce au déploiement de capteurs et autres systèmes digitaux, il est même désormais possible de mesurer précisément les quantités et qualités d’eau d’une installation, afin d’évaluer les économies d’énergie potentielles ou réalisées. Il est donc temps d’intégrer la gestion de l’eau à la stratégie de réduction de l’empreinte énergétique des entreprises, des collectivités et de tous les citoyens. Et ce d’autant que les solutions existent, sont généralement simples à déployer, et induisent des impacts positifs à effet immédiat.