Réseau d’échanges et d’expertise spécialisé, l’Association française des ingénieurs et techniciens de l’environnement (AFITE) se mobilise sur tous les grands dossiers d’actualité (Plan Eau, emploi...). Rencontre avec son président, Sylvain Boucher.
Qu’est-ce que l’AFITE ? Comment l’association a-t-elle évolué depuis sa création au regard des enjeux environnementaux ?
L’AFITE (Association Française des Ingénieurs et Techniciens de l’Environnement), fondée en 1979, regroupe les professionnels ayant une activité en lien avec l’environnement œuvrant dans les entreprises, les territoires, et les structures publiques. L’AFITE a pour objectif de réunir et d’informer les acteurs de l’environnement. Elle organise régulièrement des visites, des colloques ou petits déjeuners sur des sujets d’actualités et anime des commissions thématiques réunissant professionnels, experts et représentants de l’administration. Elle s’attache à promouvoir l’innovation et la mise en œuvre de technologies nouvelles et de processus respectueux de l’environnement et du développement durable.
Comment l’association a-t-elle évolué depuis sa création ?
L’origine de l’AFITE remonte à 1979, à la suite d’une décennie qui a vu naître les grands principes et les acteurs de l’environnement, avec notamment la création du ministère de l’environnement en 1971, puis en 1976, la loi sur les installations classées (ICPE) et la loi relative à la protection de la nature. Les industriels ont dû se réorganiser pour répondre aux nouvelles contraintes réglementaires et les personnes en charge de ces sujets ont ressenti le besoin de se regrouper afin d’échanger avec leurs homologues sur les nouvelles exigences réglementaires et administratives et les moyens techniques et organisationnels pour y répondre.
Aujourd’hui, la vocation de l’association est restée la même, mais les sujets traités sont beaucoup plus vastes et plus complexes.
De quelles façons les membres de l’AFITE proposent-ils leur expertise ? Comment fonctionne le réseau ? Et sur quels sujets/projets travaillent-ils préférentiellement ?
L’association est un réseau d’échanges qui a pour vocation de créer des occasions de rencontres et d’échanges entre les praticiens, les experts et les pouvoirs publics, sur les questions d’actualité, les évolutions réglementaires ou encore les innovations technologiques ou organisationnelles. Elle permet d’établir des contacts privilégiés entre ses membres et les instances gouvernementales et professionnelles, françaises et européennes.
Les travaux récents de l’association portent notamment sur la décarbonation, la finance durable, le suivi du Plan Eau et la prise en compte de la biodiversité dans les entreprises.
Vous avez organisé récemment un rendez-vous sur l’eau. Que dire aujourd’hui du Plan Eau ? Et quelles sont les urgences auxquelles répondre, selon vous ?
Dès l’annonce du Plan Eau par le président Macron le 30 mars 2023, l’AFITE a décidé d’étudier et de suivre les articles les plus importants parmi les 53 que compte ce plan. Les études et rapports d’informations du sénat nous ont paru pertinents pour mener à bien ce travail. C’est pourquoi nous avons organisé jusqu’à présent 2 petits-déjeuners débat au Palais du Luxembourg, en novembre 2023 et octobre 2024, avec la participation de deux vice-présidents de la commission sénatoriale de l’aménagement du territoire et du développement durable et de grands professionnels de l’eau.
Ces réunions ont permis d’aborder divers sujets : gouvernance, droit d’usage, ressources en eau, REUT, financement...
Les points importants, positifs ou négatifs, qui ressortent de ces deux premières réunions sont nombreux. Tout d’abord, le financement de 475 millions d’euros supplémentaires par an pour les agences de l’eau est très insuffisant au vu des mesures à prendre. Ce sont 10 à 20 fois plus qui sont nécessaires pour atteindre les enjeux du plan. Il paraît nécessaire d’augmenter le prix de l’eau qui est dérisoire comparé à de nombreux pays et surtout aux autres dépenses des ménages,Cela implique une "éducation" du public sur les coûts réels et une lutte contre l’adage que l’eau est gratuite.
Cependant, si l’eau arrive en haut de l’agenda politique cela est porteur de beaucoup d’espérances, La gouvernance est capitale : les régions et les départements, même s’ils n’ont pas compétence à distribuer l’eau, doivent se mobiliser, exprimer leurs choix et structurer la politique de l’eau en s’appuyant sur le bel outil que sont les agences de l’eau et les comités de bassin. Aucune commune ne doit rester isolée, les regroupements sont donc urgents et la loi NOTRE doit être adaptée.
Le développement de la REUT est un objectif important qui s’est longtemps heurté aux freins réglementaires et nécessite un changement de mentalité des administrés. Le droit d’usage concernant l’agriculture pose la question de savoir si on peut continuer à avoir les mêmes cultures sur tout le territoire : la réponse est clairement non. La grande crainte est que l’alternance d’épisodes de sécheresse, de pluie, voire d’inondations, fasse que chacun reste sur ses positions. Il reste donc un travail considérable à réaliser.
Enfin, quels sont les "métiers verts" aujourd’hui "en tension" (et pourquoi) ? Et quelles compétences les entreprises et les collectivités auront-elles besoin particulièrement dans les années à venir ?
Les métiers de l’économie verte représentaient, d’après les chiffres officiels, 4,2 % de l’emploi total national en 2021 (en équivalent temps plein). Comme c’est le cas pour l’ensemble du marché du travail, la plupart des secteurs du domaine sont en tension. Les difficultés de recrutement sont sans doute plus élevées encore que dans d’autres secteurs car la demande est en forte croissance du fait du développement rapide du secteur, et les aptitudes requises ne correspondent pas aux compétences des chercheurs d’emplois. L’inadéquation entre les formations et les compétences requises par le marché du travail est en partie liée à l’évolution rapide de ces métiers, mais également à un manque de communication et d’échanges entre le monde professionnel et le monde de la formation initiale. A cela s’ajoute, en particulier pour les emplois peu qualifiés, un problème de déficit d’image de certaines filières (déchets, curage, assainissement…).
Pour pallier ces difficultés, de nombreuses fédérations professionnelles proposent des formations qualifiantes, en adéquation avec les besoins de leurs membres et proposent de nombreuses initiatives et opérations pour valoriser leurs métiers.