Depuis quand l’Espagne s’intéresse-t-elle à la Reut ?
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Les eaux réutilisées sont issues principalement des stations de l’agroalimentaire pour un usage en irrigation. Le nouveau décret royal 1085/2024 adopté le 22 octobre 2024, encourage les acteurs à aller encore plus loin avec la mise en œuvre de plan de gestion pour promouvoir la Reut aux usages urbains, l’objectif étant de doubler les volumes réutilisés dans les années à venir.
Esteban Serrano León : Le recours à la réutilisation n’est pas homogène sur notre territoire (14 % en moyenne) et concerne pour le moment les zones où le stress hydrique est le plus prononcé. 90 % de l’eau totale réutilisée est concentré à Murcie, en Andalousie, dans la communauté valencienne, aux îles Canaries et Baléares et dans des grandes villes comme Madrid ou Barcelone. Les deux parcs emblématiques de la capitale par exemple sont irrigués exclusivement à partir d’eaux usées traitées. Dans la région de Murcie d’où provient une grande partie de nos exportations de fruits et légumes, près de 98 % des eaux usées sont réutilisées pour l’irrigation, à partir d’un modèle de gestion hydrique qui fonctionne bien.
En France, les arrêtés de 2022 et 2023 fixent un cadre pour la Reut. Que pensez-vous de ces textes ?
Alberto Justel Lera : La France a choisi de transposer la Reut dans plusieurs décrets qui fixent différents niveaux de qualité, comme en Espagne, mais dont la partie bureaucratique est complexe et les exigences d’analyses et de contrôles sont plus lourdes financièrement pour les maîtres d’ouvrage. Tous ces facteurs n’encouragent pas à l’essor de la Reut. Les collectivités françaises sont habituées à prélever une eau brute à partir des rivières, sans aucun type de contrôle, elles redoutent encore d’investir dans ces nouvelles technologies réputées chères.
Esteban Serrano León : La France n’a pas l’habitude de manquer d’eau. La politique d’austérité ne joue pas non plus en faveur de la Reut auprès des collectivités. En revanche, la Deru 2 pourrait participer au développement de nouveaux projets chez les industriels du fait des exigences de qualité de rejets de plus en plus strictes.
Est-ce que la Reut coûte cher ?
Alberto Justel Lera : Dans un pays qui manque d’eau, la ressource n’a pas de prix. Chez nous, ce sont d’abord les besoins en agriculture qui ont justifié ces investissements. Pour prévenir l’aridification du sud de notre pays, nous avons déjà construit une dizaine d’usines de dessalement d’eau de mer, la Reut restant toutefois la solution la plus économique en termes d’investissement et de coûts de fonctionnement.
Esteban Serrano León : En France, le prix de l’eau est plus élevé qu’en Espagne du fait de la dispersion de votre habitat et de votre patrimoine de réseaux à entretenir. Notre modèle de financement ne permet pas cependant de faire des comparaisons objectives. En Espagne, c’est la collectivité qui fixe un prix « politique » de l’eau, le reste étant financé à partir des impôts. Dans certaines municipalités, l’eau est même considérée comme gratuite car les coûts sont entièrement reportés dans les impôts sans communication claire de la part des communes. Chez Aqualia, nous défendons un modèle tarifaire qui révèle le coût réel de l’eau car c’est le seul moyen de promouvoir l’économie de la ressource.
Les impacts liés au réchauffement climatique nous concernent tous. D’ici 2045, les États membres devront aussi appliquer un traitement supplémentaire pour éliminer les micropolluants pour toutes les stations de plus de 150 000 EH ou à partir de 10 000 EH sur la base d’une évaluation des risques. Comme pour la Reut, ces décisions impliquent une vision à long terme de la politique de l’eau. Avant l’homme attendait la technologie, aujourd’hui c’est la technologie qui attend l’homme.