Fischer-Tropsch pourrait sonner comme un mot magique aux oreilles des dirigeants soucieux de garantir leur indépendance énergétique et de s'affranchir du pétrole au cours capricieux ! C'est d'ailleurs dans
cet esprit, qu'en 1925, Franz Fischer et Hans Tropsch, deux chercheurs allemands, ont développé le procédé qui allait prendre leur nom, et qui opère la conversion catalytique d'un mélange gazeux de monoxyde de carbone et d'hydrogène en hydrocarbure liquide. Dès 1934, l'Allemagne, pays pauvre en colonies pétrolifères, possédait sa première unité de production de carburant, utilisant son abondante ressource en charbon, préalablement gazéifié. On résumait alors le procédé en un sigle, CTL (coal to liquid), ou GTL (gas to liquid) quand on partait de méthane. Rien de révolutionnaire, donc, à ressusciter aujourd'hui le Fischer-Tropsch à l'heure où l'on parle peak oil et envolée des cours du baril. Sauf que de nouvelles opportunités s'ouvrent avec la gazéification de la biomasse, en lieu et place de toute matière fossile. Après le CTL et le GTL, voilà donc le BTL.
La gazéification est d'ailleurs largement retenue dans les projets de centrales électriques à biomasse. Cela dit, expliquent les spécialistes du Fischer-Tropsch, les technologies actuelles (notamment à lits fluidisés) ne sont pas suffisantes pour envisager à très court terme d'en tirer des carburants. Car le Fischer-Tropsch est exigeant. L'avenir du BTL pourra en effet passer par une catalyse utilisant du cobalt, et non plus du fer comme dans le procédé d'origine. Cette catalyse permet d'obtenir un carburant de très bonne qualité, à fort indice de cétone, sans aromatiques ni soufre, dont la combustion émet peu de particules. Mais cette voie est très sensible aux impuretés des gaz. Envoyer du gaz de biomasse en réacteur Fischer-Tropsch, d'accord, mais pas n'importe lequel ! L'Institut français du pétrole, qui dispose d'un pilote de synthèse Fischer-Tropsch en Italie, travaille actuellement sur tous les paramètres du couple gazéifieur-réacteur. D'autres travaux sont aussi engagés pour améliorer la qualité du gaz de synthèse. Il s'agit d'éviter la présence de méthane ou la production de goudrons, coûteux à extraire et représentant une perte nette sur le rendement. C'est l'objectif poursuivi par les systèmes de gazéification à haute température, d'abord à 1 000 ou 1 300 °C (procédés qui arrivent au stade industriel), puis à plus haute température, comme ceux envisagés par le CEA ou Europlasma. Le but est d'augmenter le rendement massique des gazéifieurs (lire p. 100), tout en veillant à bien préparer le gaz (rapport H2/ CO précis) et à limiter les consommations énergétiques. Enfin, moins technique mais tout aussi primordial, la taille très importante des unités impose une réflexion sur leur approvisionnement. Une étape préliminaire de densification énergétique de la matière (par torréfaction ou pyrolyse) est donc à prévoir. Tout cela explique combien le défi du BTL est difficile. En 2030, l'Europe pourrait accueillir une trentaine d'unités de ce type.