Qu'y a-t-il de nouveau ? L'association Négawatt a présenté son scénario le 25 janvier à Paris, puis le 26 à Bordeaux lors des Assises européennes de la transition énergétique.Ses principes n'ont pas changé. Négawatt s'appuie toujours sur son fameux triptyque : sobriété, efficacité énergétique et énergies renouvelables. Sa méthode reste la même : partir des besoins en énergie, adopter une approche systémique, privilégier des technologies assez matures… Mais son nouveau scénario présente tout de même plusieurs nouveautés.Climat et qualité de l'airNégawatt place au coeur de sa démarche des objectifs ambitieux en termes de recyclage des déchets, de rénovation énergétique des bâtiments, de développement des transports propres... Retrouvez ici son analyse détaillée. « Cinq ans après la version précédente, notre scénario reste une référence pour un grand nombre d'acteurs. Il s'est montré robuste. Avec cette nouvelle version, il ne s'agit pas de le remettre en cause. Mais d'actualiser les données, de réviser les hypothèses, d'approfondir et d'élargir l'analyse », souligne Yves Marignac, porte-parole de Négawatt.Comme les versions précédentes, le nouveau scénario aboutit en 2050 à une France sobre en énergie et alimentée à 100 % par des sources renouvelables. Mais l'association a pris soin d'approfondir l'analyse des impacts de la transition énergétique en termes de lutte contre le changement climatique, de coûts et de retombées socio-économiques… Elle a aussi davantage étudié les enjeux liés aux matériaux. Par exemple, dans le secteur du bâtiment. Pour la première fois, elle s'est penchée sur la qualité de l'air.Des potentiels à la hausseDans son nouveau scénario, Négawatt a réévalué à la hausse le potentiel de production d'électricité éolienne et photovoltaïque. A l'inverse, l'association se montre plus prudente qu'il y a 5 ans sur l'utilisation de la biomasse. Le nouveau scénario tient aussi compte des retards pris dans la politique énergétique française. En particulier, dans la rénovation thermique des bâtiments.Électricité, gaz, transports… Négawatt mise toujours sur l'interconnection entre les réseaux grâce à la méthanation. Le principe ? L'électricité renouvelable en surplus est utilisée pour produire de l'hydrogène par électrolyse. Cet hydrogène est utilisé dans l'industrie, mais aussi pour produire du méthane. Celui-ci peut ensuite être utilisé de deux façons. Soit pour alimenter les centrales à gaz et produire de l'électricité. Soit directement sous forme gazeuse, notamment dans les transports. En effet, dans le scénario Négawatt, la majorité des véhicules routiers, camions et voitures, passe au gaz carburant. Les véhicules électriques sont plutôt utilisés en ville en autopartage. Ce couplage des réseaux constituait déjà un pilier des précédents scénarios Négawatt. Mais sa nécessité est renforcée dans cette nouvelle version.La neutralité carboneAu final, dans ce scénario, la France atteint le Facteur 4 avant 2040, c'est-à-dire une division par 4 de ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. « Nous atteignons même un Facteur 7 en 2050 », précise Yves Marignac. Pour l'alimentation, l'agriculture et la forêt, Négawatt s'appuie sur le scénario Afterres 2050 de l'association Solagro. Ce scénario vient lui-aussi d'être actualisé. Il mise notamment sur « un nouveau partage de l'utilisation des sols et de la biomasse », présente Christian Couturier, directeur du pôle Énergie de Solagro et président de Négawatt. Le scénario Afterres 2050 suppose aussi de faire évoluer les habitudes alimentaires et de « généraliser l'ensemble des pratiques de l'agroécologie aujourd'hui connue ».En couplant les scénarios Négawatt et Afterres 2050, la France atteint la neutralité carbone à l'horizon 2050. Elle continue certes d'émettre des gaz à effet de serre. Même si les émissions de CO2 du secteur énergétique chutent drastiquement, elles ne disparaissent pas totalement. Il reste aussi des émissions de méthane et de dioxyde d'azote dans l'agriculture. Mais les nouvelles pratiques dans l'utilisation des sols et des forêts génèrent des « puits de carbone », qui compensent les émissions résiduelles.La stratégie d'EDF« Tout cela nous donne une trajectoire française compatible avec une trajectoire mondiale limitant le réchauffement climatique à +1,8°C », résume Yves Marignac. Mais attention : il faut pour cela mettre en œuvre le scénario « dès maintenant ». A cause du cumul des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, un éventuel retard ne pourrait pas être rattrapé.A une nuance près. Et non des moindres. Le scénario Négawatt prévoit de commencer les arrêts de réacteurs nucléaires immédiatement pour ensuite les lisser jusqu'en 2035. Mais les procédures administratives seront trop longues. Seul EDF pourrait décider de stopper sans délais les premiers réacteurs. Mais ce n'est a priori pas sa stratégie actuelle.Thomas Blosseville