L’ère de la défiance à l’égard de l’hydrogène, après l’accident du dirigeable LZ 129 Hindenburg dans le New-Jersey qui, en 1937 mit fin au transport transatlantique par zeppelin, est désormais révolue. Conscients des enjeux liés au dérèglement climatique, de nombreux pays, dont la France, entendent aujourd’hui développer l’hydrogène produit par électrolyse, qui n’émet ni gaz à effet de serre (GES) ni polluants atmosphériques.
PUBLICITÉ
En juin 2020, l’Allemagne annonçait un investissement de 9 milliards d’euros pour le développement de la filière. En septembre dernier, c’était au tour de la France de présenter sa stratégie nationale assortie d’une enveloppe de 7 milliards euros jusqu’en 2030, dont 2 milliards seront mobilisés dès le plan de relance.
Ces déclarations actent clairement une volonté commune de produire un hydrogène d’origine renouvelable, avec une période transitoire intégrant l’hydrogène « bas-carbone », pour réduire rapidement les émissions de GES et soutenir le développement d’un marché viable. Les axes retenus par les deux pays sont proches et s’inscrivent pleinement dans le programme hydrogène de l’Union européenne pour une Europe climatiquement neutre, présenté au mois de juillet, qui ambitionne de décarboner l’industrie (principale utilisatrice d’hydrogène), développer les mobilités lourdes et soutenir la recherche, l’innovation et la formation. Avec des modalités différentes, le choix technologique s’est porté sur la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau.
Outre le recours à l’électricité d’origine renouvelable, la France entend évidement tirer parti de son électricité décarbonée grâce au nucléaire pour produire de l’hydrogène « bas-carbone » tandis que l’Allemagne s’oriente vers le reformage du méthane qui nécessitera un stockage du CO2.
Afin de soutenir le développement de projets pilotes et l’émergence d’écosystèmes territoriaux pour des usages industriels et en mobilité de l’hydrogène, l’ADEME vient d’ouvrir deux appels à projets pour un montant de 625 millions d’euros.
Alors que les annonces se succèdent, espérons que le Gouvernement prendra le temps de la réflexion et de la concertation afin d’établir pour les porteurs de projet un cadre juridique stable.
L’amorce d’une simplification dans le domaine de la mobilité
Les initiatives réglementaires ont émergé dans le domaine de la mobilité : un cadre spécifique pour les stations de rechargement en hydrogène des véhicules a été mis en place, celles distribuant plus de 2 kg d’hydrogène par jour relevant désormais du régime de la déclaration (et un arrêté ministériel fixe les règles d’implantation, les distances minimales d’éloignement, etc.). Précisions bienvenues, compte tenu de l’objectif fixé par la PPE d’avril 2020 d’installer 100 stations publiques à hydrogène d’ici 2023.
Les porteurs de projets espèrent désormais que ce mouvement de simplification et de normalisation va se poursuivre, d’autant que le Gouvernement est habilité à définir par ordonnance un cadre pour la production, le transport et le stockage d’un hydrogène renouvelable et bas-carbone (art. 52 de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat).
Pour un régime dédié à la production par électrolyse et un cadre adapté aux établissements recevant du public (ERP)
La fabrication d’hydrogène est aujourd’hui soumise à autorisation dès la première molécule produite, en raison des quantités importantes manipulées et des risques cumulés avec les autres activités en milieu industriel.
Ce régime n’est pas adapté à la production par électrolyse qui présente des risques moindres (modules compacts et automatisés répondant à des normes strictes de conception et dont l’installation se limite quasiment au raccordement au réseau d’électricité et à l’eau courante). Il semblerait donc opportun d’instituer un régime dédié aux unités de production par électrolyse, décliné selon les quantités d’hydrogène fabriquées et présentes sur site (déclaration, enregistrement ou autorisation).
Par ailleurs, l’absence de cadre réglementaire approprié aux unités de production/distribution d’hydrogène dans les ERP pourrait constituer un frein à leur développement, notamment dans les établissements d’enseignement, au risque de contrarier l’objectif de recherche et de formation dans ce domaine. Ces lacunes normatives concernant les véhicules dans les parcs de stationnement, les automobiles dans les tunnels ou encore le transport de passagers sont pourtant connues depuis 20151.
Sécuriser les contrats de rémunération
Le Gouvernement a annoncé la mise en place d’un dispositif de soutien financier à la production d’hydrogène renouvelable et bas-carbone produit par électrolyse, de type « complément de rémunération ». Fortement inspiré de celui déjà éprouvé pour l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables, il concernerait tant l’investissement que le fonctionnement des installations, avec une attribution par appel d’offres annoncée pour 2022.
Consultée sur le projet d’ordonnance relative à l’hydrogène, la CRE convient qu’un soutien financier public est nécessaire mais elle privilégie un système de rémunération fonction de l’énergie produite et délivrée plutôt qu’une aide à l’investissement. L’état de maturité de la filière la conduit à considérer prématuré le recours à l’appel d’offres et à recommander des contrats de gré à gré, pour des projets ciblés et permettant d’ajuster la rémunération aux coûts effectifs des producteurs.
Plus de 15 ans ont été nécessaires dans le secteur éolien et solaire pour parvenir à produire et commercialiser l’électricité à des conditions de marché. Il importe de mettre à profit l’expérience ainsi acquise, afin d’assurer un cadre adapté, sûr et stable dans le temps offrant des conditions propices à l’émergence de la filière hydrogène française.
1 CGEDD & CGEIET, « Filière hydrogène-énergie », septembre 2015.