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ÉNERGIE

Pierre Trémolières : « Chez Accenta nous utilisons le sol comme une batterie thermique »

PUBLIÉ LE 3 MAI 2023
PROPOS RECUEILLIS PAR ABDESSAMAD ATTIGUI
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Pierre Trémolières : « Chez Accenta nous utilisons le sol comme une batterie thermique »
Pierre Trémolières, cofondateur d’Accenta. Crédit : Accenta
Méconnue du grand public, la géothermie de surface permet d’assurer le chauffage et le refroidissement des bâtiments en exploitant les propriétés du sol. Pierre Trémolières, cofondateur d’Accenta, revient sur les intérêts de cette solution pour la décarbonation des bâtiments et la réduction de la consommation énergétique des entreprises.

Disponible sur 90 % du territoire et capable de couvrir 70 % des besoins thermiques, pourtant la géoénergie ne représente que 1 % de la chaleur produite en France. Si la solution n’a rien de nouveau, l’entreprise Accenta a su améliorer les performances de la géothermie de surface afin de capter intelligemment la chaleur de l’été pour la restituer l’hiver, et vice versa. EM s’est entretenu avec Pierre Trémolières, cofondateur de cette entreprise qui œuvre depuis 2016 à la décarbonation du bâtiment.

EM : – Qu’est-ce qui est responsable des émissions carbone dans le secteur du bâtiment ? 

Pierre Trémolières : De la construction à son exploitation, le bâtiment est un secteur responsable des émissions de CO2. Dans l’exploitation, on évoque notamment le chauffage et la climatisation. Dans ce cas, la thermie du bâtiment est responsable de 75 % des émissions de CO2. Nous pouvons estimer que le chauffage et la climatisation représentent environ 10 % des émissions de CO2 annuelles de l’humanité.

– Vos promesses chez Accenta, c’est moins de 80 % des consommations d’énergie et moins de 95 % d’émissions carbone. Comment faites-vous pour les atteindre ? 

Accenta s’est créée sur les fondements d’un programme de recherche qui a duré trois ans avec de grands laboratoires. Nous avons amélioré le principe de la géothermie qui existe depuis longtemps. Avec la solution du géostockage, nous allons proposer un service moins cher et plus performant que  la géothermie.

Pour rappel, la France s’est engagée à une neutralité carbone à l’horizon 2050, et le monde du bâtiment a l’objectif le plus ambitieux de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Ce secteur doit se décarboner à 94 %. Pour y parvenir, il faut s’attaquer à la décarbonation du chauffage et de la climatisation. Nous avons réussi à pousser la performance de la géothermie de surface jusqu’à 95 %. En installant une solution de géostockage, nous sommes capables de faire la totalité du chemin demandé au bâtiment pour sa décarbonation. À la performance de décarbonation s’ajoute celle de l’énergie. En baissant jusqu’à 80 % les consommations d’énergie, nous sommes capables de réduire le budget de fonctionnement du chauffage et de la climatisation, et cela permet aussi d’envisager l’auto financement total ou partiel des chaufferies, ce qui permet de rendre plus digeste cette transition bas-carbone.

À tout cela s’ajoute la dimension de garantie de performance. Il faut être capable de démontrer qu’une solution est viable sur le long terme. Par exemple, pour accroître la performance énergétique des bâtiments, on fait appel à l’isolation thermique. Toutefois, l’isolation perd jusqu’à 40 % de sa performance en 15 ans. En revanche, avec les technologies qu’on utilise, notamment l’intelligence artificielle et le machine learning, on est capable d’asservir les systèmes de géothermie pour délivrer la même performance sur 10, 15, voire 30 ans. Avec ces systèmes, nous pouvons à la fois garantir l’équilibre économique des projets de géothermie et accompagner la transition énergétique sur de longues années.

– Comment fonctionne ce système de géostockage ?

Chez Accenta, on fait de la géothermie de surface sur des champs de sondes en circuit fermé, à ne pas confondre avec la géothermie sur aquifères qui va chercher les calories dans les nappes souterraines. Notre technologie ne s’arrête pas à l’extraction des calories naturelles dans le sol. Pour simplifier, nous allons capturer la chaleur de l’été, la stocker dans les mètres cubes de roche qui entourent la sonde géothermique, et nous allons déstocker cette chaleur en hiver pour la substituer au gaz et au fioul. À l’inverse, nous allons capturer le froid de l’hiver, le stocker dans le sol et le déstocker en été pour rafraîchir les bâtiments ou afin d’améliorer les rendements de la climatisation pour baisser la consommation d’énergie.

En résumé, nous utilisons le sol comme une batterie thermique sans extraire des métaux rares et sans engendrer aucun impact environnemental durant l’utilisation de cette terre qui est sous nos pieds.
 

– Y a-t-il une déperdition d’énergie entre le temps de stockage et de déstockage ?

C’est une technologie qui se différencie de tous les autres systèmes par une importante capacité de stockage. Les technologies utilisées dans une batterie lithium-ion permettent de stocker pour une journée ou quelques jours, tandis que le géostockage nous permet d’emmener l’hiver en été et l’été en hiver, ce qui veut dire que nous sommes capables de stocker sur six mois. Avant notre programme de recherche, il y avait une déperdition de l’ordre de 30 %. Avec notre stratégie de stockage pilotée par IA, nous sommes capables de stocker 100 % en été et d’en ressortir 98 % en hiver.

– Combien de temps demande l’installation et à combien s’élève son coût ? 

En ce qui concerne les coûts, c’est une solution qui revient moins cher que les stratégies actuelles de  rénovation globale du bâtiment qui n’ont pas d’horizon de rentabilité. Aujourd’hui, rénover un bâtiment pour réduire sa consommation et le décarboner coûte entre 500 et 1500 euros le m2. Résultat : les retours sur investissement sont quasiment longs, et en pratique vous allez économiser 35 % d’énergie. En revanche, notre système va coûter 100 à 150 euros le m2 et va contribuer à diminuer la consommation d’énergie de 70 à 80 % et le carbone de 95 %. 

Puis, lorsque vous faites une rénovation globale du bâtiment, vous devez déménager les habitants,  et ce sont des projets qui durent entre 2 et 3 ans avec une immobilisation du bâtiment pendant une  année. En moyenne, nous pouvons de notre côté déployer une chaufferie bas carbone en deux mois  et près de 4 mois pour de gros projets.
 
Opération de forage dans le cadre d’une réalisation d’un immeuble de bureaux pour le groupe Eren au sein de l’Académie de tennis Mouratoglou, Biot. Crédit : Accenta

– Sur quels chantiers travaillez-vous ? 

Nous nous sommes concentrés sur la décarbonation des grands bâtiments comme les bureaux, parce  que ce sont des sources d’émissions très importantes. Nous avons par exemple travaillé sur le siège  social d’Airbus à Toulouse qui est une réalisation emblématique de notre travail. C’est notre première réalisation : 36.000 m2 de bureaux pour lesquels nous avons réduit de 80 % la  consommation d’énergie et de 95 % les émissions de carbone. Nous avons également travaillé sur  les entrepôts, notre dernière réalisation en date avec la société Prologis.

Nous travaillons également sur des projets de logement collectif et de copropriété privée. Pour ces clients, qui sont coincés d’une part par la loi climat et résilience qui interdit la location de leur bien immobilier en raison de mauvaises notations en termes de performance (E, F et G), et d’autre part l’explosion des coûts énergétiques, notamment le gaz et l’électricité, nous intervenons en finançant l’installation de géostockage à leur place et en leur proposant de la géothermie sur des contrats longs. C’est ainsi que nous résolvons leur problème avec une solution compétitive.

– Récemment, la loi d’accélération des EnR a été votée. Est-ce que vous y trouvez votre compte ? 

La géothermie n’a pas été complètement intégrée dans la loi dite d’accélération sur les énergies renouvelables, qui est plus concentrée sur la production d’électricité, mais la filière a été davantage prise en compte dans un plan géothermie promu par les services du ministère de la Transition énergétique. C’est intéressant parce qu’ils se sont focalisés sur la simplification du déploiement de cette solution en écoutant les professionnels que nous sommes. En tant que délégué général adjoint  du cluster géoénergie de l’AFPG [Association française des professionnels de la géothermie, ndlr], je dois dire que le gouvernement nous a bien écouté pour l’élaboration de ce plan. C’est plutôt dans ce plan que nous avons trouvé notre bonheur, même s’il reste des choses à améliorer.

– Qu’est-ce qui fait que la géothermie a été longtemps délaissée par les pouvoirs publics  malgré son potentiel ? 

Il est stupéfiant de constater la manière dont nous avons négligé le levier considérable que représente la géothermie pour la décarbonation. Durant de longues années, l’ingénierie énergétique de ce pays ne s’est pas intéressée à cette source d’énergie. Le Haut-Commissariat au Plan a récemment dévoilé un excellent dossier de recommandations montrant que la géoénergie de surface,  sur sonde, peut représenter 100 TWh de production d’énergie renouvelable à l’horizon 2040. C’est un soulagement de constater que les agents de l’État prennent conscience de l’incroyable potentiel de la géothermie au profit de la décarbonation de la France. On espère que cela préfigure une évolution de la PPE, avec une refonte de la SNBC, et que le gouvernement reprenne les travaux du Haut-commissariat au Plan pour faire progresser la position de la géoénergie dans le mix énergétique français.

– Quels sont les objectifs pour ces prochaines années qui s’annoncent marquées par la  transition et la sobriété ? 

Nous vivons un contexte extraordinaire chez Accenta. Lorsque nous avons commencé à travailler sur ces sujets en 2016, nous n’étions pas nombreux à promouvoir cette énergie. Aujourd’hui, on explose en chiffre d’affaires, près de 300 %, on double nos effectifs chaque année, et nous avons une centaine de recrutements en cours pour cette année. Désormais, l’enjeu pour la filière est de répondre à la demande croissante due à l’effet combiné des lois contraignantes autour de la décarbonation et de l’explosion des prix des énergies fossiles. C’est un challenge très enthousiasmant pour la suite.
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