Souveraineté énergétique, création d’emplois, soutien aux agriculteurs... Romain Martin, spécialiste de la méthanisation au sein du bureau d’études Elcimaï environnement, défend dans cette tribune les bénéfices de la méthanisation.
Si le plus grand nombre est convaincu de l’urgence de développer les énergies renouvelables, les projets d’unité de méthanisation suscitent encore souvent les réticences, voire les oppositions des riverains concernés. Mauvaises odeurs, dévaluation de la valeur immobilière des biens alentours, surexploitation de terres agricoles au détriment des cultures alimentaires, risque d’explosion… les craintes avancées sont légion et la méconnaissance du sujet nourrit les fantasmes.
La filière méthanisation est au contraire un incomparable exutoire de proximité pour traiter et valoriser tous les déchets organiques locaux. Produit in situ, le biogaz peut quant à lui contribuer à la souveraineté énergétique tout en favorisant le dynamisme et l’économie circulaire d’un territoire. En juin dernier, après avoir pris en compte l’avis favorable du Conseil Supérieur de l’Énergie (CSE), le Gouvernement a publié plusieurs textes visant à dynamiser la filière méthanisation, à travers des évolutions du mécanisme de soutien à la production de biométhane, signe d’une volonté d’accélérer le développement pérenne des gaz renouvelables en France et d’atteindre les objectifs de décarbonation à horizon 2030.
La méthanisation est un processus naturel biologique de dégradation de la matière organique animale ou végétale en l’absence d’oxygène (anaérobie). Elle s’effectue naturellement dans certains milieux ou peut faire l’objet d’une mise en œuvre contrôlée dans des installations dédiées. Outre le biogaz produit (BioGNV), le résidu, le digestat est un produit organique dont on peut séparer une phase solide et une phase liquide. Cette dernière contient principalement de l’azote sous forme ammoniacale, directement assimilable par la plante, et peut donc être utilisée comme engrais en remplacement des engrais minéraux azotés. La fraction solide peut quant à elle être utilisée comme amendement organique, en favorisant la restructuration de l’humus et en contribuant à l’enrichissement des sols.
Aujourd’hui, des potentialités gigantesques ne sont pas exploitées. La filière méthanisation présente pourtant de nombreux bénéfices et mérite de changer d’échelle. En favorisant le traitement biologique des biodéchets par la méthanisation, en complément de tous les autres intrants (agricoles, industriels, boues de stations d’épuration…), ils deviennent un vecteur d’économie circulaire, source de production de gaz vert et de matières valorisables au profit d’un développement plus durable des activités humaines sur les territoires. Les biodéchets de l’industrie agro-alimentaire (abattoirs, brasseries…) sont une ressource de premier plan pour la filière méthanisation. Il est entendu que la préférence énergétique des industriels les porte vers le gaz, facile à moduler et à stocker. Le gaz vert est donc un débouché de choix.
Certaines usines du secteur ont d’ailleurs leur propre unité de méthanisation. La filière méthanisation est aussi un formidable levier d’économie circulaire territoriale, créateur d’emplois non délocalisables. Le monde agricole est contraint d’évoluer et de se prémunir de l’impact des aléas climatiques, de la fluctuation des prix, de l’évolution des réglementations... La méthanisation est pour lui un moyen de se diversifier, de réduire ses risques, et finalement une bonne raison pour les jeunes de se maintenir dans la ferme familiale. « La résilience d’une exploitation agricole augmente avec une unité de méthanisation » disait, à l’occasion du salon Expobiogaz 2023, Cécile Frédéricq, déléguée générale de France Gaz Renouvelables et copilote d’une enquête en la matière. Avec l’Association des Agriculteurs-Méthaniseurs de France (AAMF), elle a sondé 55 exploitants dont 90 % voyaient la résilience de leur exploitation augmenter, avec une baisse de la dépendance aux engrais minéraux grâce à la production du digestat, mais aussi une meilleure rotation culturale avec l’introduction de cultures intermédiaires.
Dénommées CIVEs, ces cultures sont une opportunité respectueuse de l’environnement, pouvant se contenter des digestats pour leur fertilisation. Il s’agit de variétés rustiques, peu exigeantes en eau et dont le système racinaire protègera les sols notamment contre le lessivage. Elles ont un rôle important à jouer pour la stratégie 2035-2050. Ajoutons que les véhicules agricoles, grands consommateurs de carburant, ont par ailleurs la possibilité de rouler au BioGNV.
N’ayons pas peur de la méthanisation. Au contraire, donnons-lui toutes les chances de se développer et d’offrir ses bénéfices. Elle s’est améliorée, industrialisée, dotée de procédés de contrôle et de labels. Ses financements sont de plus en plus facilités. C’est une voie d’avenir. Les efforts déjà engagés par les pouvoirs publics dans l’éducation à l’environnement, et notamment la sensibilisation à la sobriété, au tri et au remploi, sont à saluer et à poursuivre. Il est légitime d’associer les riverains aux projets et nécessaire de renforcer leur information par des journées portes ouvertes ou des formations par exemple. Ainsi chacun se sentira acteur de la transition énergétique.