Fin 2009, chaque palette de bière expédiée par le site de production des Brasseries Kronenbourg, à Obernai (67), ne parcourra plus que 160 km de route contre 575 auparavant. En termes d'émissions de gaz à effet de serre, cela représente une réduction de 14 885 tonnes de CO2 par an selon le modèle établi par le club Déméter logistique et environnement (voir encadré ci-dessous). Selon ces calculs, les émissions de la chaîne d'expédition du brasseur se seraient élevées à 3 5 727 tonnes l'année dernière : 2 356 pour le fer et 3 3 371 pour la route. « Plus nous limitons le nombre de kilomètres sur route, plus nous réduisons notre exposition à des évolutions tarifaires du gazole, à l'impact d'une taxe routière pour les poids lourds ou encore à la mise en place des quotas de CO2 dans le secteur des transports », souligne Régis Holtzer, le directeur de la logistique aval chez Kronenbourg. À cette équation s'ajoute un facteur multiplicateur : le premier brasseur français (1 600 salariés, 855 ME de CA, une bière sur trois vendue en France), expédie des produits lourds sur de longues distances car son site de production est plutôt excentré par rapport à son marché.
Du wagon au train
Si le brasseur est sensible à son impact environnemental - il méthanise déjà une partie de ses effluents, recycle les vapeurs d'eau et pratique l'écoconception pour ses emballages -, il n'a pas eu non plus vraiment le choix. La réorganisation de sa logistique aval a été précipitée par la nouvelle politique du fret SNCF qui a abandonné le wagon isolé en début d'année. Extrêmement coûteux pour l'opérateur ferroviaire (184 millions de pertes en 2007, soit 80 % du déficit de la branche fret), ce système était très avantageux pour les producteurs de bière, d'eau minérale et les constructeurs automobiles. Il permettait d'expédier un nombre réduit de wagons vers des points de distribution très dispersés. « Arrêter complètement nos expéditions par navettes ferroviaires en raison du renchérissement des tarifs aurait conduit à l'asphyxie de notre site de production, ainsi qu'à celle du réseau routier alsacien qui n'aurait pu supporter l'arrivée de 15 000 poids lourds supplémentaires chaque année », analyse le directeur de la logistique aval.
Des entrepôts régionaux
D'où la décision de revoir
complètement la chaîne logistique et d'accorder une part plus importante au rail. Alain Declercq, directeur du fret Est SNCF, l'opérateur historique qui a décroché l'appel d'offres, résume l'esprit de la démarche : « Les responsables de Kronenbourg ont convenu de l'intérêt de concentrer leur schéma de distribution sur des grands entrepôts régionaux et de massifier les chargements des trains depuis le site de production d'Obernai jusqu'à ces entrepôts. »
Ainsi, les Brasseries Kronenbourg ont programmé l'ouverture de quatre entrepôts régionaux de 10 000 à 35 000 m². Paris-Lognes et Bordeaux fonctionnent depuis le début d'année, Saint-Quentin-Fallavier (Isère) depuis début avril et Rennes entrera en service début 2009. Ces entrepôts sont alimentés par des navettes de 24 à 28 wagons, à raison de deux à quatre trains par jour selon la saison. Les palettes rejoindront ensuite les sites de la grande distribution par la route. Un investissement de 10 millions d'euros « qui va permettre de faire passer de 40 à 80 % la part du fer en sortie d'usine », analyse Régis Holtzer.