L'autoroute de la mer est morte, vive l'autoroute de la mer ! Alors que la ligne de transport de camions par mer reliant Toulon à Rome lancée en 2005 (lire EM n° 1637, p. 25) a fermé au début de l'année, deux nouvelles lignes de bateaux spécialisés acheminant régulièrement des camions vont bientôt ouvrir entre la France et l'Espagne. La première, entre les ports de Saint-Nazaire et de Gijón, sera assurée par le GLD Lines, un partenariat entre le groupe français Louis Dreyfus Armateurs (LDA) et l'italien Grimaldi. La seconde, entre les ports de Nantes ou du Havre et celui de Vigo, dépendra de l'opérateur espagnol Acciona Trasmediterranea.
Pourquoi ces deux lignes réussiraient-elles là où la première a échoué ? « Le coefficient de remplissage sur la ligne Toulon-Rome était très satisfaisant, environ 60 %, mais insuffisant pour qu'elle soit rentable, explique Christophe Santoni, directeur général de LD Lines. Nous nous heurtons à la route : nous devons offrir des tarifs très bas, qui n'assurent plus la rentabilité du bateau. » La preuve était donc faite que le marché seul ne suffit pas à maintenir des autoroutes de la mer. C'est pourquoi les États sont intervenus pour favoriser ce mode de transport bien plus propre que la route, en lançant un appel d'offres gagné par LD Lines. « L'objectif de ces deux lignes est de parvenir en quelques années à un report modal de 100 000 poids lourds par an, de désengorger les axes routiers et de contribuer à l'augmentation de la part du fret non routier de 14 à 25 % d'ici à 2020 », explique le secrétariat d'État chargé des Transports.
Pour cela, la France et l'Espagne apporteront une subvention de 30 millions d'euros sur cinq ans à chaque ligne. En contrepartie, les deux candidats devront répondre au cahier des charges, qui prévoit une hausse régulière de la fréquence des départs pour parvenir à un service quotidien dès la cinquième année. « La fréquence est importante pour les transporteurs routiers, rappelle Christophe Santoni. Sur la ligne Toulon-Rome, nous n'avons pas eu les moyens d'acheter un second navire pour parvenir à un départ quotidien et rentrer dans le cercle vertueux : l'augmentation de la fréquence amène des clients, qui améliorent la charge des bateaux, donc leur rentabilité. » Au bout de sept ans, les compagnies devront être rentables et se passer de subventions. Bref, toutes les bonnes fées se sont penchées sur le berceau des autoroutes de la mer, reste à voir si les transporteurs seront séduits.