Comment alimenter des capteurs lorsqu'on ne souhaite pas les raccorder au réseau électrique et qu'on veut éviter les piles ? En récupérant l'énergie présente dans l'environnement, que ce soit sous forme de chaleur, de rayonnement ou de mouvement mécanique. Plusieurs laboratoires travaillent sur ce sujet et des sociétés vendent d'ores et déjà des dispositifs utilisables.
Ainsi, Schneider Electric commercialise depuis juin dernier son premier bouton-poussoir sans pile, dans la gamme Harmony XB5R. L'impulsion apportée par la pression (énergie mécanique) est transformée en électricité, comme dans une dynamo de vélo. Une technologie simple, mais qu'il a fallu miniaturiser. Ici, l'énergie produite (3 mW) est utilisée pour générer un signal radio, et donc commander jusqu'à 25 mètres une porte-rideau, des convoyeurs, etc. « C'est un premier produit pour cette technologie sans pile et sans fil, mais elle peut se déployer dans tous les secteurs industriels », souligne Benoît Tupler, gérant de l'offre Harmony XB5R.
Cette technique est également au catalogue de la société allemande Enocean. Elle y cohabite avec des cellules photovoltaïques de quelques centimètres carrés reliées à des supercondensateurs pour stocker l'électricité. Ces cellules peuvent capter le rayonnement solaire, mais aussi la lumière artificielle. Et, depuis novembre 2010, la société a développé des systèmes utilisant la différence de température entre deux endroits : c'est l'effet Peltier. Ils peuvent être placés sur un radiateur, une vitre, une conduite d'eau chaude... « Ces dispositifs récupèrent une plus grande quantité d'énergie que les deux autres, pour alimenter non seulement des capteurs, mais aussi des mini-moteurs, indique Emmanuel François, directeur d'Enocean pour l'Europe du Sud. La première application sera mise en oeuvre sur une vanne thermostatique pour radiateur. »
Autre approche, le français Arveni mise sur l'effet piézoélectrique, une propriété de certains matériaux d'engendrer du courant sous l'effet d'une pression. Cet effet, connu depuis plus de cent ans, est de plus en plus utilisé. À Toulouse, un trottoir capte l'énergie des passants pour alimenter un lampadaire. De son côté, Michelin envisage d'en installer dans ses roues, afin de détecter le sous-gonflage des pneus. Ailleurs, la société israélienne Innowattech a équipé une route avec des générateurs piézoélectriques afin de produire de l'électricité au passage des voitures.
Une application qui laisse sceptique Pierre-Damien Berger, chercheur au CEA de Grenoble : « ce système freine les voitures, on perd plus d'énergie qu'on en récupère ». Lui-même a développé un dispositif utilisant l'énergie des vibrations. Deux électrodes en silicium, creusées de sillons du diamètre d'un cheveu et recouvertes d'un matériau diélectrique, se déplacent l'une par rapport à l'autre sous l'effet d'une vibration. Cela génère un mouvement des charges électriques, donc un courant. Le moteur des avions, trains ou voitures pourrait en être équipé pour alimenter leurs capteurs et petits équipements. Des moteurs industriels permettraient aussi d'améliorer leur maintenance. L'objectif est soit de supprimer des câblages, soit d'introduire des capteurs là où ce n'est pas possible aujourd'hui.
Le potentiel des dispositifs de récupération d'énergie est énorme. Une application majeure concerne le bâtiment, notamment basse consommation, qui utilise des capteurs de CO2, de température ou de présence pour optimiser la dépense énergétique liée à la ventilation. L'industrie est aussi largement concernée, pour ses procédés de production internes aussi bien que pour ses produits. Ainsi, une voiture moderne contient plusieurs kilomètres de câbles, qui participent à l'augmentation de son poids.