La mise en place des zones à faibles émissions n’est pas un long fleuve tranquille. Les assouplissements consentis par le gouvernement et l’instauration d’instances de concertation permettant aux professionnels de faire entendre leur voix aboutissent à des calendriers plus réalistes. Mais tous les obstacles sont-ils levés ?, s’interroge dans cette tribune Fabien Bréget, PDG de Nomadia.
En cours de déploiement dans 11 métropoles, le dispositif ZFE doit être étendu d’ici 2025 aux agglomérations de plus de 150 000 habitants ne satisfaisant pas aux normes de qualité de l’air. Pour les particuliers comme pour les professionnels, les interdictions de circulation de certaines catégories de véhicules traduisent la mise en œuvre des zones à faibles émissions. Le calendrier des interdictions est donc au cœur des enjeux et de leur acceptabilité sociale.
Un calendrier assoupli, mais toujours compliqué
Le calendrier fixé – par la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 et la loi climat et résilience de 2021 – a été jugé trop ambitieux au vu du parc automobile français, notamment de la place qu’y occupent les véhicules diesel et/ou classés Crit’Air 3 et Crit’Air 2 qui font l’objet des prochaines interdictions dans les 11 ZFE existantes.
Devant l’opposition des citoyens, la mobilisation des professionnels et les difficultés rencontrées par les élus chargés de la mise en œuvre des ZFE, le gouvernement a desserré le calendrier en soulignant l’amélioration de la qualité de l’air dans la plupart des métropoles. Une nouvelle typologie a été établie, distinguant les territoires dépassant régulièrement les seuils réglementaires de qualité de l’air et ceux qui ne les respectent pas. Les premiers sont rebaptisés « territoires ZFE » et soumis à un calendrier contraignant ; les seconds, rebaptisés « territoires de vigilance », bénéficient d’une plus grande latitude.
L’exclusion des véhicules Crit’Air 3 au 1er janvier 2025 ne concerne donc plus que le Grand Paris et le Grand Lyon. Bien qu’exemptées, Strasbourg, Montpellier et Grenoble ont annoncé leur intention de bannir les véhicules Crit’Air 3 dès 2025. Les négociations pourraient les faire revenir sur leurs positions et les conduire à repousser l’interdiction à 2028 ou 2030. L’interdiction des véhicules Crit’Air 2, qui correspond à l’élimination de tous les véhicules diesel, est, quant à elle, laissée à l’appréciation de chaque collectivité. Il est probable que les agglomérations qui envisageaient de les exclure avant 2028 fassent machine arrière.
Des problèmes persistants pour les professionnels itinérants
Le recul des échéances d’interdiction a été présenté comme une victoire par les associations de citoyens et les politiques détracteurs des ZFE. Les défenseurs de l’environnement y ont vu au contraire un renoncement.
Pour les professionnels, l’aménagement du calendrier des ZFE est loin de tout résoudre. Les ZFE n’ont pas été pensées dans l’optique des professionnels dont le métier les oblige à se déplacer — en voiture, utilitaire ou poids lourd — dans les périmètres réglementés. Leur mobilisation tend à imposer une distinction entre « ZFE logistique » et « ZFE particuliers », soulignant des enjeux et modalités de mise en œuvre bien distincts.
Les professionnels n’investissent pas dans un véhicule propre en fonction des dates butoirs, contrairement aux particuliers. Pour ceux qui s’engagent en avance, cela implique une mise en concurrence avec des acteurs vendant un service similaire, mais s’appuyant sur des carburants moins onéreux. Face à cette incapacité du marché à valoriser les investissements vertueux, les professionnels expriment 3 attentes, à savoir s’en tenir aux dates annoncées, tenir compte de l’offre de véhicules lors de l’établissement des calendriers, et enfin, des avantages proposés par la collectivité pour ceux qui investissent.
L’harmonisation des règles est en cours
Le fait de laisser aux collectivités la liberté de définir le calendrier, le périmètre et les règles de leur ZFE a abouti à une situation illisible avec de multiples dérogations posant des problèmes opérationnels aux professionnels itinérants. L’Union TLF, regroupant 2 000 entreprises de transport et de logistique, a rappelé que, par nature, les transporteurs se déplacent dans plusieurs territoires et d’appeler à une harmonisation des règles ZFE au niveau national. C’est une des missions du comité ministériel pour la qualité de l’air en ville mis en place fin 2022, auquel les syndicats professionnels, les collectivités et la DGITM ont été associés. Ce travail collectif a permis aux parties prenantes de s’accorder sur les constats concernant les réalités opérationnelles des transporteurs, la production industrielle de véhicules et les taux de renouvellement des flottes.
Les transporteurs sont prêts à jouer pleinement le jeu des ZFE, à condition d’être accompagnés dans la transition de leur flotte. D’où leur demande d’une simplification des aides à travers l’instauration d’un guichet unique.