Le vocabulaire n'est jamais neutre. Derrière les mots se cachent des vérités qu'il faut apprendre à décrypter et surtout à suivre. Car la langue évolue beaucoup plus vite qu'on ne le croit. Ainsi, derrière la crise, la rigueur a fini par dire son nom et, derrière les déficits, les niches fiscales ont détrôné le bouclier. Le terme s'est imposé très vite dans le langage courant. Même le plus retiré des contribuables non imposables sait maintenant ce qu'est une niche fiscale : une combine légale pour payer moins d'impôts ! Mais, jusqu'à ces jours-ci, nous ne nous sentions pas vraiment concernés, persuadés de ne pas jouer dans la même cour, sûrs qu'il fallait des revenus certains et d'excellents conseils pour connaître et utiliser ces juteux instruments.
Or, nous découvrons que le crédit d'impôt développement durable tout comme celui lié aux installations photovoltaïques, est une niche fiscale. Nous avions naïvement cru qu'il s'agissait de fiscalité écologique ! Ainsi, l'achat d'une chaudière énergétiquement performante, la pose de doubles vitrages ou de panneaux solaires ont subrepticement mué des citoyens vertueux en d'affreux combinards. Nous avions investi en toute bonne conscience environnementale dans les équipements les moins énergivores, certains que la baisse de nos factures contribuerait à celle des émissions nationales de gaz à effet de serre. Nous pensions être des bons soldats de la croissance verte alors qu'en réalité nous creusions le déficit budgétaire !
Mais, curieusement, alors qu'il ne s'écoule pas un jour sans que soit chiffré le montant de nos turpitudes, les bénéfices de ces investissements ne font l'objet d'aucune comptabilité. Combien de tonnes de fioul économisées, combien de tonnes de CO2 non émises, combien d'emplois créés ? Les économistes de Bercy souffrent de myopie sélective : les dépenses sont toujours écrites plus gros que les recettes ! Un défaut majeur qui s'ajoute à l'incapacité des prévisionnistes d'anticiper les effets d'aubaine. Qu'il s'agisse du bonus-malus sur les véhicules neufs, des crédits d'impôt ou des tarifs d'achat de l'électricité solaire, le succès dépasse toujours les prévisions. Alors que le ministère de l'Écologie va sortir dans quelques jours un Panorama des métiers de la croissance verte, je propose qu'il embauche des écosociologues. Politiques et économistes disposeraient ainsi d'une compréhension plus fine des comportements citoyens et cesseraient de faire sauter les éco-industriels à l'élastique.