À la présidence de l'Ademe, nous étions plutôt habitués aux énarques ou aux polytechniciens, l'arrivée de Bruno Lechevin bouleverse carrément les schémas habituels. En effet, viré de l'école en 4e et titulaire d'un CAP de menuiserie, il ne se prévaut que de cours du soir à la catho de Lyon pour « un décrassage intellectuel », un passage à Sciences po pour une année de 3e cycle sur la gestion des transformations sociales et, quand même, l'Institut des hautes études de la défense nationale. C'est dire que ce n'est pas du côté de ses diplômes qu'il faut chercher les raisons de sa nomination, mais plutôt de son parcours atypique et de sa personnalité. « J'ai milité dès 13 ans à la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne). J'y ai découvert très tôt le sens de la justice, l'intérêt général et le goût des responsabilités. » Car s'il refuse de prendre la suite de l'entreprise de menuiserie familiale au grand désespoir de sa grand-mère qui brûlait des cierges pour qu'il ne trouve pas de boulot ailleurs, c'est pour pouvoir, en tant que salarié dans une coopérative ouvrière du bâtiment, poursuivre son engagement à la JOC dont il devient permanent à 20 ans, puis président quelques années plus tard. Mais à 26 ans, son mandat non renouvelable s'achève, il est temps de revenir dans le monde de l'entreprise ! Après avoir fabriqué des cages à perdrix, c'est la CFDT qui pense à lui et le fait entrer à EDF-GDF comme magasinier. « J'avais alors plus de temps et j'ai eu besoin de suivre des cours du soir d'économie et d'histoire des idées politiques », explique-t-il. Mais il est militant dans l'âme et poursuit son ascension à la CFDT dont il devient secrétaire général en 1988 et où il mène à terme la fusion des fédérations chimie-énergie et gaz-électricité. Alors qu'il se prépare à réintégrer EDF-GDF, il entend parler de l'opportunité de devenir commissaire à la Commission de régulation de l'énergie. « C'était la première fois de ma vie que je devais faire une lettre de motivation et un CV », se souvient-il. Une fois nommé, il se défend « d'être le syndicaliste de service ». Il restera en poste huit ans avant de devenir le conseiller spécial du président, mais aussi le délégué général du Médiateur de l'énergie. C'est là qu'il est pressenti pour présider l'Ademe. « J'ai de la chance, tout m'est toujours tombé dessus », reconnaît Bruno Lechevin. « Ce qui m'intéresse dans cette nouvelle fonction, c'est de mettre mes convictions et mon expérience au service du bras armé de la transition écologique », déclare-t-il. Mais s'il affiche un enthousiasme non feint, il sait aussi que le contexte est difficile. « L'Ademe est un bel outil auquel on demande d'être encore plus performant dans un budget contraint. Mais on va le faire en mobilisant toutes les équipes », conclut-il. D'ailleurs, il a déjà commencé son tour de France des délégations régionales, à raison d'une par semaine.