L’Assemblée nationale a adopté en lecture définitive, le mardi 19 décembre, le projet de loi pour la fin des recherche et de l’exploitation des hydrocarbures.
Mardi 19 décembre, l’Assemblée nationale a adopté en lecture définitive le projet de loi mettant fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures. Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire, qui avait présenté ce projet le 6 septembre dernier, s’est félicité de cette adoption. « Ce texte est une mise en cohérence de notre droit avec nos engagements climatiques pris dans l’accord de Paris. Il met notre pays en conformité avec l’objectif de lutte contre le changement climatique, puisque pour rester en dessous de la limite de 2°C, nous devons laisser la quasi-totalité des énergies fossiles dans le sous-sol. C’est ce que permet ce projet de loi, qui confirme en outre que la France interdit de manière définitive la recherche ou l’exploitation des gaz de schistes », a-t-il déclaré.
Un texte « symbolique » pour les ONG
Cette loi prévoit notamment qu’aucun nouveau permis d’exploration d’hydrocarbures, gazeux ou liquides ne sera délivré dès l’entrée en vigueur de la loi. Aussi, au-delà de 2040, les concessions d’exploitations existantes ne seront pas renouvelées. Elle interdit également l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste et de tout autre hydrocarbure non conventionnel. Mais ce projet de loi ne convainc pas des collectifs tels que Les Amis de la Terre, Non au pétrole et gaz de schiste et de couche, l’Apel 57 et 350.org : « le projet de loi permettra de prolonger la trentaine de permis de recherche existants, qui pourront donc ensuite déboucher sur autant de concessions, ce qui nous emmènera au-delà de 2040 ! L’Etat ne veut pas toucher aux permis actuels pour une question principalement financière : la remise en cause du droit quasi-automatique des industriels à obtenir une concession après le permis de recherche donnerait lieu à de nombreux contentieux et demandes d’indemnisations. Mais juridiquement, il serait tout à fait possible de restreindre ce “droit de suite” afin de redonner à l’Etat la possibilité de refuser des concessions au vu des risques environnementaux et de l’urgence climatique », avait déclaré début septembre Juliette Renaud, chargée de campagne sur les industries extractives aux Amis de la Terre.
Pour Nicolas Haeringer, chargé de campagne pour 350.org, ce projet de loi est « symbolique » et le texte devrait aller plus loin. « Il faut que le texte (...) bloque l’octroi de tout permis d’exploitation (et non uniquement de tout nouveau permis de recherche), comme préalable à une fermeture anticipée et progressive d’un certain nombre de puits d’hydrocarbures. C’est la seule manière de tenir les objectifs contenus dans l’Accord de Paris », estime-t-il.
Motion du Sénat
A noter que la veille de l’adoption par l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté une motion estimant que l’Assemblée nationale n’entendait faire droit à aucun des arguments du Sénat sur l’interdiction de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures sur le territoire national. « Le principe d’une interdiction à l’horizon 2040 était maintenu mais en tenant compte d’une série de réalités, notamment : la nécessité de préserver la recherche, l’opportunité d’alimenter notre filière pétrochimique en matières premières produites localement, l’intérêt pour les régions ultra-marines d’exploiter leurs ressources pour favoriser leur développement économique et social, l’exigence d’un profit minimal pour les exploitants dans le cadre du droit de suite, ou le respect de la parole de l’État dans le traitement des demandes en cours d’instruction », indique le Sénat dans cette motion. Or, « si des apports techniques ont été préservés par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, les députés sont en revanche revenus sur la quasi-totalité des amendements sénatoriaux sur la partie consacrée aux hydrocarbures, qu’ils ont rétablie, à quelques mots près, dans la rédaction issue de leurs travaux en première lecture », estime le Sénat, accusant le gouvernement et la majorité de rendre les fondements du texte « incontestables », rendant impossible le dialogue entre les assemblées.
La version adoptée par le Sénat le 8 novembre dernier apportait en effet des modifications, visant notamment à accorder une dérogation pérenne pour la recherche réalisée sous contrôle public à seules fins de connaissance géologique du sous-sol, de surveillance ou de prévention des risques miniers ; limiter l’atteinte aux droits acquis, en prévoyant que la loi ne s’appliquera qu’aux demandes déposées après le 6 juillet 2017, soit la date du plan Climat, à l’exception de l’encadrement du droit de suite (qui permet à un titulaire de permis exclusif de recherche d’hydrocarbures d’obtenir une concession d’exploitation) qui vaudra y compris pour le passé ; autoriser les usages vertueux (hydrocarbures connexes, permettant de valoriser, par exemple, une production locale de chaleur, ou hydrocarbures à finalité non énergétique, dont l’utilisation n’émet pas de gaz à effet de serre) ».