Cette semaine, Helen Etchanchu, professeure assistante à Montpellier Business School, donne son point de vue sur les chamboulements sociétaux et environnementaux que devrait créer la crise sanitaire actuelle.
Nous vivons un moment historique qui dessine un avant et un après crise Covid-19. Des risques lointains sont devenus réalité. La crise que nous traversons accélère la transition vers un modèle économique et social tourné vers le local. Et devrait nous pousser vers une politique climatique radicalement différente pour éviter que des risques encore plus lointains mais bien plus dévastateurs ne deviennent réalité eux aussi.
La pause forcée de la vie économique et sociale dans les pays les plus centraux de notre économie globalisée a eu un effet positif pour l’environnement. En témoignent une forte diminution des émissions de CO², de la pollution de l’air et de nos océans. Et les conséquences favorables pour l’environnement le sont aussi pour notre santé. En Chine, le nombre de décès dus au coronavirus est moindre que les vies sauvées grâce à la diminution de la pollution de l’air.
Néanmoins, la perception du risque de la crise climatique reste trop abstraite et trop éloignée dans le temps pour nous inciter à l’action, et ce même si ses conséquences seraient autrement plus destructrices.
Alors comment faire perdurer ces effets désirables pour l’environnement (et notre santé) sur le long terme ?
Une gestion politique juste et ambitieuse
- La justice environnementale
Il va de soi que les autorités ne pourront pas simplement répliquer les mêmes mesures autoritaires autour du Covid-19 pour lutter contre la crise du changement climatique. Les contraintes personnelles et socio-économiques que nous subissons actuellement ne sont pas acceptables dans la durée. Et le mouvement des gilets jaunes nous a montré l’importance de la justice environnementale dans la gestion de la crise climatique. Les solutions pour gérer la crise climatique doivent être socialement acceptables, justes et durables sur le long-terme.
- L’expertise scientifique
Les appels de scientifiques du climat pour des actions drastiques et bien plus ambitieuses, se multiplient. Si la connaissance scientifique reste controversée sur la crise du Covid-19, elle fait consensus pour la crise climatique. Et pourtant, l’expertise des scientifiques climatiques n’est pas suffisamment traduite dans les prises de décision politique. A titre d’exemple, beaucoup d’experts affirment qu’une augmentation très forte du prix du carbone reste incontournable et serait de loin la mesure la plus efficace dans la gestion de la crise climatique. Ainsi une très forte hausse du prix du carbone pourrait faire baisser la température projetée jusqu’à 2100 de 1,2°C, alors qu’une très forte taxe du pétrole ne génèrerait une baisse de 0,1°C seulement.
La première solution serait donc non seulement plus équilibrée car touchant plusieurs secteurs et plusieurs classes sociales (notamment les plus aisés voyageant en avion), mais elle serait aussi plus efficace qu’une taxe sur l’essence.
Un ancrage économique local et moins de déplacements
- L’agriculture
Des modèles de consommation locale, jusqu’ici plutôt en marge de notre économie, se révèlent plus résilients. En ces temps de crise, les supermarchés se tournent vers des produits français, et les coopératives agricoles, les AMAP et les producteurs locaux indépendants doivent refuser de nouveaux clients tellement la demande a augmenté. Avec les bonnes mesures au niveau des communautés, ce virage vers l’agriculture locale pourrait très bien devenir le nouveau mode de consommation par défaut.
- Le transport
Ce moment historique, où des millions de français sont forcés à faire du télétravail, nous oblige à expérimenter des solutions digitales. Même imparfaite, la technologie à ce stade nous permet déjà de constater que certaines activités quotidiennes peuvent se faire à distance et que la visio-conférence peut assez facilement se substituer à certains voyages d’affaires. Certains d’entre eux pourraient donc s’en trouver significativement réduits, de même que les aller-retours sur le lieu de travail. Il s’agit ici d’une opportunité importante à saisir pour les entreprises afin de limiter les déplacements de leurs collaborateurs et d’adapter leurs plans de déplacement.
Helen Etchanchu, professeure assistante à Montpellier Business School