Cette semaine, alors que la France se déconfine progressivement à partir de ce lundi 11 mai, Emmanuelle Mourey, présidente du directoire de La Banque Postale Asset Management, partage des réflexions sur les voies que devrait emprunter le monde de la finance.
L’idée même de se projeter peut sembler bien incongrue, alors que le monde entier fait face à une épidémie d’ampleur inédite, qui entraîne une crise économique mondiale. Pourtant, l’histoire récente nous l’enseigne : c’est bien souvent depuis les profondeurs de la crise qu’ont germé les piliers les plus fertiles des nouvelles sociétés. Une fois l’épidémie endiguée, il nous faudra reconstruire en ayant tiré toutes les leçons de cette épreuve.
Comme tous les acteurs, la finance doit s’interroger sur ses responsabilités, mais aussi sur le rôle qu’elle veut désormais jouer. Toutes les questions doivent être posées sans tabou. Quel avenir d’abord pour les marchés ? Comment lutter contre la dictature du court terme ? Quel rôle de l’État, des banques centrales ? À quelles conditions renouer avec la confiance de tous ceux qui investissent pour leur avenir ou leur retraite ? Plus que jamais le dialogue s’impose, afin de construire une épargne durable : dialogue d’une part avec les épargnants, pour comprendre le sens qu’ils veulent donner à leurs investissements. Dialogue également avec les entreprises dans lesquelles nous investissons, afin de les accompagner dans une voie plus durable.
Dépendance logistique et industrielle, dépendance sanitaire… : cette crise révèle également de façon saisissante à quel point nos économies inter-dépendantes sont fragiles. Dans une société de surabondance, le mot de pénurie a fait son grand retour. Dans des Etats pourtant parmi les plus développés, certains biens essentiels ont soudain fait défaut. Ces dernières semaines, des voix se sont élevées : ne devrait-on pas sanctuariser certains pans essentiels – la santé, la mobilité, la sécurité, l’agriculture… ? Et pour reprendre les mots du président de la République – toute l’économie peut-elle être soumise à la loi du marché ?
Dans le même temps, on a aussi vu à quel point les chaînes d’approvisionnement pouvaient se réorganiser très vite. Les circuits courts, la production et l’industrie locale font leur grand retour. De nombreuses entreprises réfléchissent aux moyens de sécuriser leurs chaines d’approvisionnement dans un contexte d’incertitude latent.
Sur toutes ces grands défis qui nous attendent, la philosophie de l’investissement socialement responsable (ISR) constitue une voie inspirante en assumant que la valeur de l’entreprise ne peut se limiter au seul prisme financier. La gouvernance, l’enjeu environnemental, les ressources, mais aussi l’ancrage territorial seront des facteurs encore plus décisifs pour appréhender les risques. C’est pourquoi, au sein de La Banque Postale Asset Management, nous avons fait du critère territorial, un pivot de notre analyse extra-financière. Un critère pleinement aligné avec les valeurs de banque citoyenne de notre groupe qui va enfin revêtir le caractère stratégique qu’il mérite.
Toutes ces questions et tant d’autres, nous devons y réfléchir ensemble. Je suis loin d’avoir toutes les réponses. C’est avec humilité donc que je vous soumets ces réflexions, pour nourrir les réactions et les échanges. Si je devais formuler un premier cadre de pensée néanmoins, je m’appuierais sur les valeurs du groupe La Banque Postale. Car plus que jamais, c’est bien la notion de citoyenneté qui doit nous éclairer, dans tous les secteurs et en particulier dans la finance.
Ma seule certitude : la finance doit jouer son rôle pour convertir l’économie à un monde plus durable pour tous. A très vite pour construire dès maintenant le monde d’après.
Emmanuelle Mourey, présidente du directoire de La Banque Postale Asset Management