Cette semaine, Thomas Lemasle, CEO & Cofondateur Oé, souligne l’intérêt pour le secteur viticole de s’adapter aux nouvelles attentes des consommateurs et aux nouveaux modes de consommation.
Alors que le plan d’aide à la viticulture vient d’être révélé par le gouvernement, la crise que nous venons de vivre invite le secteur à réinventer.
La période actuelle bouleverse l’économie et les modes de consommation. Comme de nombreux secteurs, la viticulture française doit s’adapter. En tant que premier pays exportateur du monde, la France a les moyens de montrer l’exemple. Nos 142.000 viticulteurs font un travail formidable et offrent des vins d’exception. Mais ils peuvent aller plus loin en proposant des cultures plus durables et plus en adéquation avec les attentes des consommateurs. C’est l’une des conditions pour moderniser un modèle et renouer avec l’âge d’or de la viticulture française !
Le consommateur a les cartes en main pour faire évoluer la filière
Premier constat, le Covid-19 a accéléré certaines tendances de consommation. Tout d’abord, un retour à l’essentiel avec une priorité claire donnée à la qualité et au local. 2/3 des Français révèlent faire le choix de produits responsables et 54% sont prêts à basculer dans un monde où la consommation alimentaire deviendrait 100% locale. C’est également ce que confirme l’engouement pour le bio, avec une hausse de 25% des ventes lors du confinement. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. Ils traduisent l’envie des Français d’accéder à des produits plus naturels, plus vertueux.
Cette évolution des pratiques doit se renforcer. Ce sont les consommateurs qui feront bouger les lignes et inciteront les acteurs de la viticulture à se renouveler. Le secteur en a particulièrement besoin. Le raisin est en effet le fruit le plus « pesticidé ». Il représente moins de 4% de l’agriculture et plus de 20% des pesticides. Mais au-delà des conditions de production, c’est l’ensemble du modèle que le consommateur doit promouvoir. Soyons clairs. Être responsable, c’est être cohérent. Acheter un vin bio du Chili ou d’Argentine, n’a pas de sens sur le plan écologique. Si le consommateur souhaite être responsable, il doit se tourner vers des produits qui le sont intégralement, du mode de production au packaging, en passant par son impact en termes de CO2 sur la planète. Si le consommateur veut faire évoluer les pratiques, il doit donc de soutenir LA bio et non le bio !
Créer les conditions d’un modèle adapté aux nouveaux modes de consommation
Si c’est au consommateur d’impulser le changement, le monde du vin doit également se mettre à la page. Peut-être par conviction, mais aussi par intérêt. La viticulture intensive provoque des pertes sur la biodiversité pouvant atteindre 90% pour certaines espèces. Autant adopter une approche durable et faire évoluer le modèle pour satisfaire les demandes des consommateurs... et de l’environnement. Il existe déjà des mesures facilement applicables pour encourager un « retour à la nature ». Par exemple, utiliser un papier recyclé pour les étiquettes, ou encore installer des nichoirs à chauve-souris et à mésanges qui sont des espèces pouvant faire office d’insecticide naturel. Ce type d’initiative ne coûte pas plus cher et reste facile à mettre en œuvre. Commençons par-là pour entreprendre la réflexion, ensemble, tous acteurs confondus, sur la manière de produire.
Enfin, il faut permettre aux consommateurs d’y voir plus clair dans la jungle des labels. L’idée, leur permettre de faire leur choix en toute connaissance de cause. Entre bio, HVE, biodynamique, naturel, difficile de s’y retrouver. C’est pourquoi, ces labels gagneraient à être plus complets, plus riches. Ils pourraient ainsi considérer le produit dans son entièreté, de la qualité du grain au matériau utilisé pour la fabrication du bouchon. Par ailleurs, il faut aider financièrement et en termes d’ingénierie les vignerons qui le souhaitent à se convertir au bio. On pourrait notamment envisager une prime à la conversion, à l’image de ce qui se fait lorsqu’on achète une voiture plus propre. Des aides existent, mais elles pourraient être plus incitatives et plus simples à obtenir. Cela permettrait aux vignerons de faire le choix du bio et d’en surmonter les contraintes.
Par conséquent, la viticulture dispose d’une opportunité unique pour proposer un modèle avant-gardiste, qui répondra aux demandes des consommateurs d’aujourd’hui et de demain. C’est en associant tous les acteurs de la filière et en leur faisant prendre conscience qu’ils ont tout à gagner à évoluer, qu’on pourra inventer une viticulture à la hauteur des enjeux du XXIème siècle !