Marie-Sylvie Bertail, directrice générale de Greenflex, revient sur le plan de relance économique français. Elle pose la question : "la transition peut-elle uniquement être une affaire d’investissement et s’affranchir ainsi d’une révision profonde de nos modèles d’activité ?"
Le plan de relance de l’économie annoncé par le gouvernement marque un tournant. 30 milliards d’euros vont permettre de financer la transition écologique de notre société avec des priorités annoncées : rénover les passoires énergétiques, faire progresser les mobilités douces, décarboner notre appareil productif. C’est un signal fort, mais la transition peut-elle uniquement être une affaire d’investissement et s’affranchir ainsi d’une révision profonde de nos modèles d’activité ?
En quelques années, les enjeux environnementaux sont devenus tout à la fois la première préoccupation des citoyens, un enjeu crucial pour les entreprises, et un profond bouleversement politique. Ils accélèrent les désirs d’un changement structurel : en 2019, 57 % des Français estimaient qu’il fallait « complètement revoir notre système économique et sortir du mythe de la croissance infinie » (Source : Baromètre GreenFlex/Ademe 2019 de la consommation responsable). Nous ne sommes qu’au début de ce mouvement, qui se renforce à mesure que notre aversion au changement se trouve confrontée aux conséquences de notre inaction.
Dans les prochaines années, les acteurs économiques et politiques qui n’auront pas fait assez vite le choix de la transformation en subiront les conséquences. La crise que nous traversons en est la preuve. Dans ce contexte pourquoi promettre une neutralité carbone dans 20 ou 30 ans alors que se creuse chaque jour un peu plus notre dette commune vis-à-vis de la planète ?
Il est urgent d’emprunter enfin une nouvelle trajectoire au sein de laquelle la préservation de l’environnement ne serait plus un simple paramètre à intégrer aux activités mais plutôt une finalité à parte entière. Cette trajectoire, c’est celle de l’économie régénérative. Un modèle où la responsabilité de l’entreprise devient le pivot de la gouvernance ; où chaque acteur ne se contenterait plus de réduire ou de neutraliser tous ses impacts, mais les réparerait en créant de la valeur. Ancrées dans leur territoire et leur écosystème, les entreprises doivent se transformer en profondeur pour faire de la création d’impacts positifs leur nouvelle boussole, au-delà des seuls indicateurs financiers.
Un rôle pour chaque secteur
Dans cette perspective, chaque secteur a un rôle essentiel à jouer. L’agriculture peut par exemple rendre de nombreux services, en devenant un pilier de la résilience des territoires : stockage de carbone dans les sols, production locale d’électricité, production de denrées alimentaires en circuits courts et pivot d’une économie circulaire généralisée.
L’industrie a également une place importante à prendre, grâce à la production et à l’approvisionnement en énergie décarbonée, l’éco-conception de ses bâtiments, la valorisation et la réutilisation des matériaux, ainsi qu’en augmentant les relations d’affaires locales. Car si ces transformations peuvent avoir lieu, c’est essentiellement à l’échelle des territoires : boucles locales énergétiques, mobilité décarbonée, rénovations énergétiques, aménagement des villes... c’est l’échelle de tous les enjeux.
Partout, des projets émergent déjà, mettant la restauration d’écosystèmes endommagés au cœur de leur modèle. Pour les entreprises, l’enjeu central sera de réussir à agréger toutes leurs actions afin de créer à grande échelle de nouvelles valeurs environnementales et sociétales.
Il s’agit certes d’un changement de trajectoire très exigeant, en rupture, mais aussi d’une formidable opportunité de prendre pleinement part à l’aventure collective qu’est la mutation du monde.
Marie-Sylvie Bertail, directrice générale de Greenflex