Énergie, alimentation, eau, mobilité... les rapports prévisionnels s’enchaînent pour préparer la France à un monde marqué par le réchauffement climatique qui s’élèverait à 2°C à la fin du siècle. L’Ademe ne déroge pas à la règle et dessine dans son projet « Transition(s) 2050 » quatre chemins « types », pour mettre la France sur la voie de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Un travail qui intègre « une large palette d’enjeux environnementaux », tels que les différents usages de la biomasse, l’eau d’irrigation, la qualité de l’air, la gestion des déchets, la quantité de matériaux pour la rénovation ou construction, qui sont « souvent peu représentés dans les travaux prospectifs ».
Les quatre scénarios sont le fruit de deux années de travaux fondés sur des données macroéconomiques, démographiques et de l’évolution climatique. Principal enseignement de cette étude hypothétique : le chemin à parcourir serait rude pour parvenir à un futur neutre en carbone. En effet, les scénarios permettraient à la France d’aboutir à ses objectifs, mais ils « empruntent des voies distinctes et correspondent à des choix de société différents », déclare l’Ademe. L’établissement public met directement l’accent sur l’impératif d’agir rapidement car « les transformations socio-techniques à mener sont d’une telle ampleur qu’elles mettront du temps à produire leurs effets ».
Sommairement, ces transformations à entreprendre concernerait différents secteurs : la mutation profonde des modes de consommation, de l’aménagement du territoire, la réduction de la demande en énergie, ou encore l’adaptation des forêts et de l’agriculture.
Quatre scénarios, différents plans d’action
Le travail propose ainsi quatre scénarios clés : « S1 Génération frugale » ; « S2 Coopérations territoriales » ; « S3 Technologies vertes » et « S4 Pari réparateur ». Chaque voie couvre les secteurs du bâtiment, de la mobilité des voyageurs et du transport de marchandises, de l’alimentation, de l’agriculture, des forêts, de l’industrie, des déchets et des services énergétiques :fossiles, bioénergies, gaz, hydrogène, chaleur et électricité.
Les paramètres analysées dans chaque cas tiennent compte de : la demande en énergies ; la consommation d’eau d’irrigation, de matériaux de construction, d’intrants agricoles et l’usage des sols ; la production et la gestion de déchets ; la production d’énergies et la composition du bouquet énergétique ; les importations et exportations ; le taux de gaz à effet de serre et les puits biologiques et technologiques de CO2.
Les quatre sociétés imaginées par l’Ademe. Crédit : Ademe
Schématiquement, on constate que les trois scénarios, à savoir « S1 Génération frugale », « S2 Coopérations territoriales » et « S3 Technologies vertes », sont fondés sur des actions, brusques ou progressives, de sobriété économique et sociétale afin de concrétiser la transition. À titre d’exemple, dans l’alimentation on repère la baisse de la consommation de viande (divisée par 3 pour le S1) et l’augmentation de la part du bio. Autre critère exemplaire, celui de la réduction de la mobilité au profit des trajets à pied ou à vélo.
En parallèle, le scénario 4 « Pari réparateur », marqué par la « confiance dans la capacité à réparer les dégâts causés aux écosystèmes », maintient des modes de consommation et de production intensifs. Dans ce cas de figure, la consommation de viande serait « quasi-stable (baisse de 10 %), et complétée par des protéines de synthèse ou végétales ». Ce type de société enregistrerait également une « augmentation forte des mobilités ».
Quel bilan en tirer ?
Une fois que les scénarios sont établis, l’Ademe a mené un travail comparatif pour produire des résultats d’évolution. Point essentiel de ces bilans : la sobriété énergétique. Dans l’ensemble, le rapport prévoit une forte baisse des consommations d’énergie, de -23 % à -55 % (selon les scénarios) par rapport à 2015. Une situation qui serait rendu possible « par l’amélioration de l’efficacité des équipements et des procédés, mais aussi par l’évolution des usages vers plus de sobriété ». Néanmoins, la rapidité et et l’ampleur de ces réductions se distinguent fortement en fonction des scénarios.
Le bouquet énergétique en 2050 serait plus diversifié de façon à remplacer « presque intégralement » les sources d’énergie carbonées : pétrole, gaz fossile et charbon, par des énergies renouvelables. Toutefois, les mix énergétiques obtenus diffèrent à cause des contraintes physiques et techniques, « sur les ressources (notamment la biomasse) et sur les usages, par exemple l’usage exclusif à moyen terme de biocarburants pour l’aviation ».
Outre l’efficacité énergétique, le rapport nous apprend que l’atteinte de la neutralité carbone ne peut pas aboutir sans les puits naturels de CO2 (plantes, sols et produits) « car leur potentiel est très important par rapport aux puits technologiques (captage et stockage du CO2) ». Les quatre scénarios parviennent à la cible d’émissions nettes annuelles nulles en 2050 par le biais d’une baisse drastique « des émissions et en combinant plus ou moins les puits naturels et les puits technologiques ».