Les entreprises de plus de 500 salariés ont désormais l’obligation d’intégrer le scope 3 dans leur bilan GES réglementaire. Mais où commence et où s’arrête ce fameux scope 3 ? Pourquoi sa prise en compte est-elle cruciale pour atteindre les objectifs de décarbonation ? Tribune signée par Fabien Breget, PDG de Nomadia.
Jusqu’à janvier 2023, le bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES) réglementaire des entreprises de plus de 500 salariés pouvait se limiter aux scope 1, désignant les émissions directes de gaz à effet de serre, et scope 2, les émissions indirectes liées aux consommations d’énergie de l’entreprise. Sur cette base, seules 43% des 3106 entreprises concernées en 2021 par l’obligation de publier leur BEGES étaient en conformité. En prenant en compte l’ensemble des organisations soumises à l’obligation, seules 35 % d’entre-elles étaient en conformité, selon l’évaluation publiée par l’Ademe en septembre 2022. Un scope 3 qui pèse lourd !
Le fait que la prise en compte du scope 3 était uniquement recommandée avant 2023 pourrait laisser penser que cette catégorie d’émissions a moins de poids que les scopes 1 et 2 dans le bilan carbone, mais il n’en est rien. Incluant toutes les émissions indirectes non comprises dans le scope 2, le scope 3 représente souvent plus de 75 % des émissions de GES d’une entreprise. Ainsi, pour la plupart d’entre-elles, il est impossible d’établir un véritable plan de décarbonation sans calculer les émissions relevant du scope 3.
Un scope 3 plus difficile à appréhender
La difficulté tient au nombre de postes d’émissions à prendre en compte. Pour plus de lisibilité, le scope 3 est désormais divisé en 3 sous-catégories : les émissions indirectes liées au transport, aux produits achetés et aux produits vendus. Une dernière sous-catégorie regroupe les « autres émissions indirectes ».
L’objectif dans ce calcul est de prendre en compte les émissions de GES de toute la chaîne de valeur, notamment celles générées en dehors du périmètre opérationnel de l’entreprise, par ses fournisseurs, prestataires de service, distributeurs, clients et utilisateurs finaux. On comprend que le processus peut devenir complexe, et expliquer pourquoi, parmi les entreprises ayant l’obligation de réaliser un BEGES en 2021, seulement 52 % s’étaient attaquées au scope 3.
Toutes les entreprises ont leur part à prendre
Le renforcement de la règlementation devrait faire évoluer la situation. Mais ce qui doit aussi motiver la prise en compte du scope 3, c’est la prise de conscience que la décarbonation de nos économies se joue à l’échelle des chaînes de valeur.
De plus en plus de PME s’engagent dans la réalisation d’un bilan carbone complet alors qu’elles n’y sont pas obligées. Cela se justifie au regard d’une sensibilité croissante des consommateurs aux enjeux environnementaux, mais aussi par la place centrale qu’occupe la lutte contre le réchauffement climatique dans les politiques RSE. Mais bien plus encore, la réalisation du bilan permet d’accéder aux marchés des entreprises et collectivités qui, pour ne pas plomber leur scope 3, privilégient des fournisseurs et prestataires vertueux.
La prise en compte du scope 3 peut effrayer au vu de la quantité de données à collecter. Mais la méthodologie rigoureuse qu’elle exige ne peut se révéler que vertueuse. Les transporteurs par exemple, s’ils ne sont pas obligés, peuvent réduire leurs propres scopes 1 et 2 en participant à la réduction du scope 3 d’une entreprise cliente. Ces efforts sont les garants d’une position conservée sur un marché.
Pourquoi s’attaquer au Scope 3 par le volet transport ?
Le domaine du transport est un poste important du scope 3 qui a l’avantage d’être aisément quantifiable. La convergence d’intérêts évoquée appelle les entreprises utilisant des services de transport à collaborer en la matière avec leurs transporteurs. Cette collaboration se traduit par des contrats de plus longue durée avec les transporteurs décarbonant leurs prestations.
Deux autres postes du volet transport du scope 3 permettent aux entreprises d’améliorer rapidement leur bilan carbone global. Il s’agit premièrement des déplacements professionnels. Dans les métiers où les déplacements par la route sont la condition même de l’exercice professionnel (installation, dépannage et maintenance d’équipements ; expertises et relevés in situ ; santé à domicile, etc.), les solutions d’optimisation de tournées permettent de réduire de l’ordre de 20 % les kilomètres parcourus et donc les consommations de carburant et les émissions associées. Il faut aussi prendre en compte les déplacements domicile-travail. L’obligation, depuis 2019, de mettre en place un plan de mobilité employeur pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés accélère la prise en compte de ce poste, et les incitations des salariés à décarboner leurs déplacements sont de plus en plus nombreuses. Parallèlement, les entreprises peuvent s’appuyer sur les solutions de sectorisation pour créer des secteurs optimisés en fonction du domicile des collaborateurs et minimiser les trajets domicile-travail en prenant pour point de départ et/ou de fin des tournées le domicile du collaborateur.
Toutes les entreprises peuvent agir sur les postes transport de leur bilan carbone (scope 1 et scope 3). Quels que soient le ou les postes privilégiés dans ce domaine, la quantification des émissions est la première étape pour mettre en place un plan d’actions pertinent.