Vincent Auriac, fondateur et président d’Axylia, spécialisé dans la finance responsable, réagit dans cette tribune au constat de l’auteur du GIEC François Gemenne, dressé sur France Info fin septembre . Le politologue rappelle que les fondations sont créées pour régler des sujets sociétaux. Cependant, elles sont une minorité à placer leur dotation dans des placements responsables. Pourtant, si ces fondations françaises, qui détiennent plus de 40 milliards d’euros, alignaient leurs actifs financiers avec leurs missions d’utilité publique, elles pourraient contribuer significativement à accélérer la transition écologique.
Si prendre moins l’avion ou manger des aliments à base de plantes peuvent venir à l’esprit, il existe une autre façon moins évidente, mais néanmoins efficace, de réduire son empreinte carbone : la façon d’investir son argent. En effet, les institutions financières où vous détenez votre argent peuvent financer directement des activités qui nuisent à la planète.
Il est possible d’objectiver le calcul en calculant les émissions de CO2 associées aux capitaux placés. Les SICAV monétaires, pourtant très peu risquées, affichent ainsi les empreintes carbones les plus fortes (500 voire plus de 600tCO2/Mio€ investis) devant les obligations (300tCO2/Mio€ placés) et les fonds actions (250 tCO2/Mio€).
Comment les trésoriers peuvent-ils ajuster leurs investissements financiers pour qu’ils correspondent à leurs missions, sans pour autant mettre en péril la sécurité de leurs actifs ? Il est déjà possible de déplacer ses fonds vers une banque avec une empreinte carbone réduite, tout en restant dans les grandes banques du Top 10, bien équipées en termes de services. Au sein de ce groupe, l’empreinte carbone varie considérablement, allant de 300 à plus de 600 tonnes de CO2 par million d’euros investis. Des établissements plus petits, tels que le Crédit Coopératif, ou encore la NEF, enregistrent des émissions bien inférieures, ne dépassant pas 120 tCO2/Mio€ investis.Un autre levier est de désinvestir des énergies fossiles. Un rapport récent de la Fondation de France souligne qu’« une fondation qui n’aligne pas ses investissements avec sa mission risque de devenir inefficace – son capital étant bien plus important que ses dons annuels. »
Quels sont alors les produits d’investissement actuels permettant d’intégrer des critères de durabilité tout en maintenant des rendements suffisants pour appuyer les missions des fondations ? Depuis l’Accord de Paris, les solutions se sont multipliées. Pour ceux qui adhèrent à la notion d’actifs échoués (comme les gisements pétroliers ou gaziers qui resteront inexploités pour éviter un désastre climatique) ou à la taxation du CO2, il est pertinent d’examiner l’intensité carbone des placements. Cela encourage à favoriser les dépôts dans des banques régionales qui soutiennent l’économie réelle au niveau local. Dans le domaine obligataire, le label Greenfin offre un cadre d’analyse pertinent. Les obligations vertes, utilisées pour financer des projets répondant aux enjeux climatiques, connaissent un essor avec plus de 500 milliards d’euros émis chaque année, et sont accessibles via des ETF. Axylia, en collaboration avec Hugau Gestion, a lancé un mandat d’obligations investment grade avec de bons Scores Carbone, progressant de 9,5 % depuis sa création il y a un an et -76% de CO2 embarqué. Il est aussi possible de diversifier ses investissements dans des fonds de microfinance, d’infrastructures vertes, d’immobilier de rénovation, ou dans la transition agricole. Du côté des actions, il existe des ETF conformes à l’Accord de Paris (PAB). Des foncières solidaires existent également, bien qu’elles soient encore modestes à l’échelle du marché des fondations.