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POLLUTIONS

Bienvenue dans la nébuleuse ippc

PUBLIÉ LE 1er SEPTEMBRE 2007
LA RÉDACTION
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Le magazine pour les acteurs et décideurs du développement durable et des métiers de l’environnement.
On l'a longtemps confondu avec l'IPCC, acronyme anglo-saxon du Giec, le désormais célèbre Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat. Mais l'IPPC est en fait le sigle de la directive européenne Integrated Pollution Prevention and Control, traduit en français par « prévention et contrôle intégré de la pollution » (Prip). Ce texte a fait plusieurs apparitions furtives dans nos colonnes depuis son adoption, le 24 septembre 1996. L'échéance du 30 octobre 2007, que la directive donne aux installations existantes pour se mettre en conformité, est l'occasion d'y plonger dans le détail. Mais à en juger par le peu d'empressement que la plupart des experts ont mis pour nous en parler, il fallait se douter que la tâche serait ardue. Non seulement les dispositions du texte chevauchent des cadres réglementaires nationaux parfois préexistants, en particulier en France avec la loi de 1976 sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Mais, en plus, elles délèguent l'essentiel des modalités d'application à un ensemble de pavés documentaires indigestes de 300 à 600 pages, les 33 secteurs industriels concernés ayant chacun le leur (ou presque), rédigés avec leur concours. L'esprit de l'IPPC est le suivant : en demandant aux « autorités compétentes » (en France : le préfet et sa Drire) de délivrer des autorisations d'exploiter couvrant l'ensemble des impacts environnementaux de l'installation, et non un arrêté par impact identifié, on limite les transferts de pollution et les effets croisés. L'un des considérants du texte l'énonce clairement : « Des approches distinctes visant à réduire les émissions dans l'air, les eaux ou les sols de façon séparée sont susceptibles de favoriser des transferts de pollution entre les différents milieux de l'environnement, plutôt que de protéger l'environnement dans son ensemble. » D'où l'adjectif « intégré ». Jean-Pierre Legalland, qui a participé aux négociations concernant le secteur du raffinage au titre de l'Union française des industries pétrolières ( Ufip), l'illustre avec cet exemple : « La mise en place d'un catalyseur pour réduire les émissions de NOx est très émettrice de CO2. Pour les raffineries françaises, une réduction de 10 000 t de NOx correspond à 300 000 à 700 000 t de CO2 supplémentaires. » On peut aussi citer le dilemme CO/NOx en incinération des déchets. En cela, la réglementation française sur les ICPE était pionnière, même si la question de la hiérarchie des enjeux (que vaut-il mieux : consommer de l'énergie pour laver des fumées ou continuer à fumer ?) reste posée. « Le mode de pensée est le même, convient Alexandre Paquot, le Monsieur IPPC à la direction Environnement de la Commission européenne. Il s'agit de le diffuser dans les pays qui fonctionnaient encore par arrêtés sectoriels, comme l'Allemagne, où certains arrêtés ne portaient que sur l'eau, mais surtout la Grèce, l'Espagne et le Portugal, qui ont dû entièrement revoir leur corpus réglementaire. » Résultat : ces pays sont à la traîne dans l'application de la directive, avec un taux de conformité de 2 % (Grèce) ou 9 % (Portugal) enregistré un an avant l'échéance du 30 octobre 2007. Curieusement, la France, soi disant avant-gardiste, n'affichait à cette date qu'un taux de 36 %, pour une moyenne européenne de 48 %. Soyez Bref ! En fait, bien que précurseur, Paris a quand même dû toiletter sa législation, car la directive IPPC introduit une deuxième notion importante : la prise en compte des « meilleures technologies disponibles » (MTD, BAT en anglais pour Best Available Techniques). « On a longtemps fait des MTD sans le savoir. On appelait ça engagement de progrès ou amélioration continue, mais c'était le même esprit. Un industriel est censé savoir ce qui se fait de mieux techniquement et écologiquement, sans quoi il meurt ! », commente ici Henry De Croutte, pour l'Union des industries chimiques ( UIC). Détaillées dans les documents appelés Bref (pour Best Available Techniques Reference Documents), ces MTD constituent en effet un référentiel technique, commun à tous les pays de l'Union, de ce qui est censé se faire de mieux et de moins polluant par secteurs. Ainsi, pour l'industrie du chlore, sont MTD les procédés basés sur la technologie à membrane ou à diaphragme ; ne le sont pas les procédés à électrolyse du mercure. Or, les Drire avaient beau délivrer des arrêtés d'autorisation intégrés sur la base d'études d'impact elles aussi intégrées, qui plus est à la disposition du public comme le réclame l'IPPC, restait à voir si les valeurs limites d'émission qu'elles assignaient aux exploitants étaient en phase avec celles auxquelles peut prétendre un exploitant "idéal" qui appliquerait les MTD. En cela, un arrêté du 29 juin 2004 leur demande de réexaminer leurs autorisations à cette lumière. En l'occurrence en réclamant à l'exploitant un bilan de fonctionnement décennal dans lequel ce dernier « comparera les performances de son installation aux performances des meilleures technologies disponibles » et « citera les niveaux d'émission associés aux MTD qu'il aura identifiées », comme le formule une circulaire aux préfets du 25 juillet 2006. C'est là que le bât blesse. Exigibles au 30 juin 2007, ces bilans sont loin d'être tous arrivés en Drire. Et, a fortiori, celles-ci d'avoir réécrit les autorisations d'exploiter. « On s'est endormi sur nos lauriers. Fin 2006, certains industriels ont été mis en demeure de fournir un bilan de fonctionnement. Ils tombaient des nues ! » témoigne Valérie Laforest, spécialiste du sujet à l'École des mines de Saint-Étienne qui dirige une thèse sur « la méthode d'évaluation des performances des procédés en vue de leur validation comme MTD ». « On nous demande un coup de collier, mais depuis la catastrophe d'AZF, la priorité du ministère était la lutte contre le risque accidentel, et la prévention des pollutions le parent pauvre », dénonce de son côté Nicolas Incarnato, secrétaire général du Sniim, le syndicat des inspecteurs d'installations classées. Déjà en révision ! L'IPPC ne parle donc pas encore beaucoup aux 7 000 verriers, tanneurs ou éleveurs de volailles français concernés. Il faut dire que le texte comporte des dispositions à première vue contradictoires qui n'incitent pas à une compréhension rapide. Ainsi « la directive se veut par définition une harmonisation européenne mais en même temps autorise qu'on fasse autrement au nom de conditions locales » sans qu'on ait à s'en justifier, pointe Valérie Laforest. « Les Bref reflètent un compromis sur lequel se sont mis d'accord industriels, administrations et ONG, mais en même temps accordent une place aux split views, les visions divergentes », poursuit Serge Roudier, chef du bureau européen de l'IPPC à Séville, l'antenne du Centre commun de recherche de la Commission européenne qui coordonne l'élaboration des Bref. « On introduit une référence commune avec les MTD, mais liberté est laissée aux autorités nationales de fixer les valeurs limites d'émission. À l'origine, la question s'est posée d'instituer des valeurs communes, mais ça n'a pas été retenu, hormis pour trois secteurs : grandes installations de combustion, incinération d'ordures ménagères et utilisation de solvants, qui ont leur propre directive », ajoute Alexandre Paquot. Résultat : une papeterie française aux MTD n'a pas forcément les mêmes plafonds d'émission dans l'air, l'eau ou les sols qu'une papeterie allemande aux MTD ! D'autres éléments expliquent le peu d'empressement hexagonal. Un : au 30 juin, les Bref n'étaient pas encore traduits. « Peut-être le seraient-ils depuis longtemps si les Français avaient davantage participé à leur élaboration, au contraire des Autrichiens ou des pays nordiques », balance un expert. Ce à quoi Guy Tackels, négociateur pourtant zélé pour l'industrie verrière, rétorque : « Pour un homme d'affaires, il est plus simple d'aller à New York qu'à Séville ! » Deux : les premiers Bref datent de 2001... deux ans après la première échéance du 30 octobre 1999 que la directive donnait aux installations neuves. Une ineptie qui a conduit à ce que, fin 2005, seulement 13 % des sites concernés de l'Union à Quinze avaient obtenu un permis en tant que nouvelles installations. Trois : certains Bref sont communs à plusieurs secteurs industriels (Bref dits « horizontaux »), mais d'autres découpent un secteur en plusieurs morceaux (la chimie par exemple), d'autres encore traitent de sujets transversaux difficiles à appréhender dans un bilan de fonctionnement (comme l'efficacité énergétique), voire d'activités hors champ de l'IPPC (les déchets miniers) ! Quatre : certains secteurs tombent sous le coup du bilan de fonctionnement alors qu'ils relèvent d'une classification nationale plus stricte que la classification IPPC. « Le traitement de surface est ICPE dès qu'il utilise des bains de plus de 1 500 l et IPPC à partir de 30 000 l », illustre Valérie Laforest. Qui peut le plus peut le moins, mais cela oblige à un travail de paperasserie dont l'exploitant peut être sûr qu'il n'aura aucune conséquence sur ses maxima préfectoraux. Et pour couronner le tout, la directive IPPC n'est pas encore appliquée qu'elle est déjà en révision ! « Une première mouture est prévue pour la fin de l'année, sur la base des retours d'expérience État par État et d'une consultation publique qui s'est achevée mi-juin et qui a drainé 500 réponses », indique Alexandre Paquot. L'IPPC version 2 devra sérieusement recadrer les choses, surtout si elle élargit le champ des polluants et des activités concernées (on parle d'en inclure une vingtaine d'autres comme l'aquaculture, les installations de combustion de 20 à 50 MW, le bois, les chantiers de réparation navale et même le bétail). Car le bilan est mauvais. Une Bourse aux NOx et SO2 ? Si l'IPPC ne semble pas avoir entamé la compétitivité des industries concernées - c'est la conclusion de deux études en verrerie et aciérie électrique -, son application est par tous qualifiée de médiocre. Les arrêtés soi disant révisés à la lumière des MTD y font en fait très peu référence. « Les Bref manquent en général de données sur les coûts », juge par ailleurs Serge Roudier. Le cabinet Entec, missionné par Bruxelles, n'a trouvé fin 2006 que 14 installations à autorisation administrative « explicitement basée sur les MTD » sur son panel de 30 sites européens. La palme revient à cette papeterie tchèque dont l'autorisation IPPC ne fixe qu'une valeur limite d'émission dans l'eau : le pH ! « Les pays ont abusé de la flexibilité laissée aux États membres », reconnaît Guy Mottard, en charge de l'IPPC au Medad. Pour y remédier, la Commission réfléchit à d'autres outils : obligation de se justifier quand on déroge aux MTD, reporting régulier par l'exploitant, périodicité fixe (huit ans) de révision des autorisations d'exploiter, paragraphe entier consacré aux Bref et, enfin, système d'échange de quotas d'émissions de NOx et de SO2. Cette dernière piste, inspirée de la Bourse aux permis de CO2, a fait bondir toutes les fédérations industrielles, mais « ne devrait pas figurer dans la première mouture du projet de directive révisée », assure Alexandre Paquot. Bien qu'habitués à travailler sur le principe de l'amélioration continue, beaucoup d'industriels s'alarment aussi du rythme de la réforme. « Cette révision intervient trop tôt », dit Guy Tackels, qui prépare le nouveau Bref Verrerie, prévu pour fin 2008. D'autres, comme Henry De Croutte, à l'UIC, craignent qu'elle « remette en cause les principes fondamentaux, notamment la flexibilité sur les valeurs limites d'émission ». Pour autant, celui qui voudra conclure que l'IPPC laisse les industriels dans le brouillard aura tort : Google nous apprend que l'IPPC est aussi l'Internet Pilot Planning Centre, le service de gestion des plans de vols aéronautiques de l'espace aérien norvégien !
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