Alors que la question du devenir des boues d'épuration devient cruciale, des essais sur leur épandage en parcelles boisées laissent entrevoir une solution séduisante, loin de la chaîne alimentaire et des risques sanitaires potentiels. Cette pratique, déjà bien établie notamment en Amérique du Nord, pourrait offrir un débouché pour la moitié des boues et résidus d'épuration sur seulement 1 % de la surface forestière française. « Il ne s'agit pas d'épandre des produits résiduaires d'épuration n'importe où en forêt, mais d'utiliser leurs propriétés fertilisantes sur des parcelles cultivées pour le bois ou la biomasse », précise Jean-Michel Carnus, directeur de recherche à l'Inra de Bordeaux. L'Institut organise à Paris, en octobre, un colloque pour présenter les résultats de ses expériences et établir les conditions dans lesquelles cette approche pourrait être mise en place en France. Un réseau expérimental Un décret du 8 décembre 1997 autorise cette pratique, mais uniquement à titre expérimental et avec une autorisation préfectorale. En 1999, un comité national d'expertise, regroupant l'Inra, le Cemagref, l'Afocel, l'Institut pour le développement forestier ( IDF), l'ONF et l'Ademe est mis en place par les ministères de l'Agriculture et de l'Écologie. Il a pour mission de préciser les conditions techniques de cet épandage, à travers une série d'expérimentations dans le réseau Eresfor, piloté à l'Inra de Bordeaux. Les sites sont choisis pour leur représentativité et réunissent des conditions et des essences très diverses. Il s'agit d'évaluer l'intérêt sylvicole de l'apport et de mesurer son impact sur l'environnement et la santé humaine. Dans la forêt publique, les essences exploitées se développent sur des cycles longs et une fertilisation visant à accélérer la croissance n'est pas nécessaire. Les boues peuvent y être utilisées comme amendement pour améliorer la fertilité ou la texture des sols. Dans les exploitations privées, qui favorisent plus souvent des cultures à cycle court ou moyen, les boues pourraient se substituer aux produits fertilisants déjà utilisés. « Trois critères nous semblent indispensables pour une utilisation en forêt, explique Julien Bouillie, chef de projet à la direction technique de l'ONF. L'épandage doit répondre à un besoin avéré d'un apport extérieur. Il doit se faire avec des garanties élevées d'innocuité pour l'environnement et la santé humaine. Enfin, la pratique doit être bien acceptée par le public et les différents acteurs locaux. » Les analyses effectuées comportent donc un volet important sur l'impact sanitaire et environnemental des boues. « Elles apportent des éléments fertilisants, mais également quelques contaminants, préoccupants s'ils sont en quantité importante. Une fois lessivés, ils peuvent passer dans les nappes phréatiques ou encore dans les aliments », précise Jean-Michel Carnus. Les résultats devraient permettre à la réglementation d'évoluer hors du cadre expérimental, comme le prévoit d'ailleurs le décret de 1997.