Sous la pression réglementaire et environnementale, le monde agricole doit trouver de nouvelles réponses techniques pour réduire les intrants azotés et les produits phytosanitaires. Les algues sont sans doute l'une d'entre elles, comme l'illustrent deux récents projets labellisés par les pôles de compétitivité Mer Bretagne, Valorial et Végépolys.
Le projet Azostimer, porté par le groupe Roullier, vise à mettre au point des extraits d'algues améliorant la capacité des plantes à absorber l'azote des engrais. « Les plantes ne fixent que 40 à 60 % de l'azote, avec des conséquences sur la pollution des eaux par les nitrates et sur les gaz à effet de serre », rappelle Jean-Claude Yvin, directeur de la R %26 D agrofourniture chez Roullier. Le groupe propose déjà un produit à base d'algues brunes favorisant l'activité des transporteurs d'azote des plantes. Mais le gain de fixation, inférieur à 10 %, demeure insuffisant. « Soumises à des stress importants, les algues se sont adaptées et ont développé de nombreuses propriétés intéressantes à exploiter », explique Jean-Claude Yvin. C'est avec l'Inra que Roullier mènera cette recherche de nouvelles molécules. En parallèle, le groupe souhaite identifier les inhibiteurs de la transformation des formes azotées en nitrates, afin de réduire la lixiviation et laisser le temps à la plante de consommer les ressources azotées disponibles. Si, en plus, on peut connaître et anticiper le déficit en azote de la plante grâce à un capteur fluorescent, également en développement, on peut lui apporter l'intrant au bon moment et à la bonne dose. La combinaison des trois stratégies réduit ainsi fortement l'impact des cultures et les coûts.
Autre approche, complémentaire : réduire l'usage des fongicides et pesticides, soit en utilisant des substituts biologiques qui agissent directement sur le pathogène, soit en stimulant la défense naturelle des plantes, par des sortes de « vaccins » appelés éliciteurs. Le projet Innovaralgue, porté par Goëmar et l'Irma, mènera des investigations sur les deux terrains. Mais Goëmar dispose déjà d'une compétence reconnue en matière d'éliciteurs avec deux produits à base d'algues (la gamme Iodus) destinés à la protection des céréales et de quelques cultures spécialisées. « Notre objectif est d'identifier de nouvelles molécules (des oligosaccharides) pour traiter d'autres cultures maraîchères », souligne Jean-Marie Joubert, directeur du développement de Goëmar. Les méthodes d'extraction déjà maîtrisées seront, si nécessaire, adaptées aux nouvelles molécules. Le champ de recherche est en tout cas vaste, car les algues sont extrêmement riches en molécules. Il faut trouver les bons extraits, qui associent efficacité et rendement. Mais Jean-Marie Joubert est confiant et espère élargir son offre d'éliciteurs d'ici deux à trois ans, homologation comprise. Sur le plan des ressources, aucun obstacle ne semble s'opposer au développement de multiples offres : d'autres existent déjà ou sont en cours de développement, par exemple chez Olmix ou chez Tribo Technologies. Extrêmement nombreuses et présentes en très grand volume sur les côtes françaises et européennes, les algues ont en effet une capacité de régénération très rapide, ce qui ouvre des perspectives économiques intéressantes.