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POLLUTIONS

La voie étroite de la phytoremédiation

PUBLIÉ LE 1er MARS 2009
LA RÉDACTION
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1LE MARCHÉ DE LA PHYTOREMÉDIATION Adaptée à des polluants spécifiques et exigeante en temps, la phytoremédiation est encore peu développée pour dépolluer les sols. Les entreprises de dépollution s'intéressent de plus en plus à la phytoremédiation. On est au point où la technique passe du laboratoire à des applications concrètes », déclare, optimiste, Jean-Louis Morel, président du Groupement d'intérêt scientifique sur les friches industrielles (Gisfi) et directeur du Laboratoire sols et environnement. Du côté des intéressés, les avis sont plus mitigés. Pour Christel de la Hougue, déléguée générale de l'Union professionnelle des entreprises de dépollution des sites (UPDS), « on ne se lance pas dans la phytoremédiation. C'est une solution parmi d'autres ». Geoffroy Séré, chef de projet réhabilitation et gestion de sites du groupe TVD, déclare proposer régulièrement la phytoremédiation « dans les situations où elle nous semble pertinente ». Mais les contraintes de temps, la réglementation et les conditions nécessaires à sa mise en oeuvre rendent son application difficile. « Si la phytostabilisation a des perspectives de développement, notamment pour la revégétalisation d'anciennes friches industrielles, la phytoextraction est encore peu développée en France », déclarent les adhérents de l'UPDS. Mais « il n'est pas évident de juger de l'état du marché de façon pertinente, car ce sont toujours des microprojets », tempère Michel Chevalier, directeur du pôle sites et sols pollués de Guigues Environnement. Pour Véronique Croze, responsable du département travaux de dépollution chez ICF Environnement, « cette méthode se limite à des pollutions de surface et est essentiellement adaptée à des pollutions monométalliques ; des conditions rarement rencontrées sur le terrain ». La phytoextraction est efficace jusqu'à 30 et 40 cm, la profondeur maximale des racines. De plus, l'action des plantes sur les polluants métalliques peut être contradictoire : elles extraient un métal, mais sont capables d'en solubiliser un autre. « Et cette technique n'est pas adaptée aux pollutions ponctuelles et concentrées, que nous rencontrons souvent », ajoute Véronique Croze. Les contraintes réglementaires sont aussi évoquées par Geoffroy Séré, comme un frein. « Nous devons démontrer aux administrations et aux gestionnaires de sites que la technique est efficace et qu'elle peut répondre aux objectifs fixés », explique-t-il. « On manque sans doute de références de traitement, mais c'est un peu le serpent qui se mord la queue », rebondit Jean-Louis Morel. « Lorsque les industriels font appel à nous, c'est qu'ils ont un projet. Le site doit être requalifié rapidement », précise Geoffroy Séré. Or la phytoextraction est une technique lente, qui demande « entre cinq et dix ans d'immobilisation du sol, selon les techniques », évalue-t-il. Elle semble donc peu compatible avec les courts délais demandés par les maîtres d'ouvrage. « Quand on fait le bilan entre le temps d'immobilisation de la friche, le faible volume traité et les difficultés liées aux déchets végétaux, on se rend compte que la phytoextraction n'est pas applicable », conclut Véronique Croze. Olivier Dechelette, directeur général de Serpol est même plus catégorique : « Ce n'est pas une technique industrielle et je ne lui vois pas d'avenir sur le marché de la dépollution des sols. » Industriels et scientifiques s'accordent à dire que la phytoremédiation est applicable sur de très grandes surfaces sans pression foncière et pour lesquelles il n'existe pas d'autre solution. Dans ce cas, une phytostabilisation peut être envisagée. Ce marché est en effet un peu plus développé. À Salsigne, dans l'Aude, ICF Environnement a stabilisé la pollution à l'arsenic d'une ancienne mine d'or par revégétalisation. « De tels sites existent, mais il n'est pas toujours évident d'en identifier les propriétaires », souligne Geoffroy Séré. Quant à la phytodégradation, elle est parfois utilisée en complément d'une autre technique de dépollution. « On réalise un premier traitement par biodégradation stimulée », explique Véronique Croze. Des nutriments sont injectés dans le sol pour stimuler l'activité bactérienne de dégradation des polluants. « Pour affiner la dépollution, on installe un couvert végétal. On fait de la phytodégradation en polissage », ajoute Véronique Croze. La remédiation par les plantes présente pourtant des avantages économiques pour les propriétaires de sites pollués. En effet, elle ne coûte pas cher. « Par rapport à une dépollution thermique ou chimique, on est dans un rapport de 1 à 30 », éclaire Michel Chevalier. « Mais du coup, elle rapporte très peu à l'entreprise de dépollution », ajoute-t-il. Pour le groupe TVD, l'avantage de la phytoremédiation est qu'elle constitue une alternative aux autres techniques de dépollution. « Pour être concurrentiels, on doit travailler sur des niches techniques », explique Geoffroy Séré. « Il ne faut pas opposer les techniques, rebondit Jean-Louis Morel, car elles ont des champs d'application différents. » Du même avis, Rémi Muth, directeur métier traitement des sites et sols pollués chez GRS Valtech (filiale de Veolia Propreté), précise que « la dépollution des sols, c'est une palette de techniques dont la phytoremédiation fait partie. Chacune est adaptée à une situation, à un type de pollution donné et des objectifs définis ». 2SÉLECTIONNER LES PLANTES Tous les végétaux ne se montrent pas adaptés à la remédiation des sols pollués. Il est donc indispensable de bien sélectionner les plantes, en fonction du type de pollution mais aussi de l'état du sol pour qu'elles soient efficaces. Les plantes ont une capacité naturelle à interagir avec les éléments contenus dans le sol. C'est la photosynthèse qui leur permet de fabriquer leur matière organique en exploitant l'énergie solaire. L'activité photosynthétique est donc le moteur de la phytoremédiation. « Cette technique est le résultat de l'interaction entre les racines, le polluant et le sol », explique Jean-Louis Morel, président du Groupement d'intérêt scientifique sur les friches industrielles (Gisfi) et directeur du Laboratoire sols et environnement (LSE). Cette méthode douce ne détruit pas les propriétés du sol. Selon le type de contamination, plusieurs options sont possibles (voir infographie p. 44). D'une part, la phytoextraction, adaptée pour les pollutions métalliques notamment. Les plantes absorbent les métaux au niveau de leurs racines et les transfèrent à leurs parties aériennes, où ils sont stockés. D'autre part, la phytodégradation, qui est utilisée pour les polluants pouvant être dégradés in situ. Ces deux techniques se basent sur des mécanismes différents qui imposent de définir des critères particuliers de sélection des plantes. S'il n'y a pas urgence à dépolluer le sol ou s'il n'est pas possible de le faire, la phytostabilisation est une dernière solution. En phytoextraction, les plantes utilisées s'adaptent naturellement à des conditions de sols contaminés. « Ces capacités à extraire les métaux sont très développées chez les hyperaccumulatrices. Elles contiennent globalement 1 000 fois plus de métal dans leur matière sèche qu'une plante normale », explique Jean-Louis Morel. Et leurs racines se développent préférentiellement dans les zones fortement contaminées en métaux. Plus de 400 espèces ont été identifiées comme hyperaccumulatrices. « Une grande partie sont tropicales, mais il existe des espèces méditerranéennes et tempérées très intéressantes », détaille Jean-Louis Morel. « Au Gisfi, on travaille essentiellement avec des plantes de la famille du colza », précise-t-il. Alyssum murale peut concentrer entre 1 et 3 % de nickel (Ni) et Thlaspi caerulescens, plus de 1 % de Ni, plus de 1 % de zinc (Zn) et plus de 0,1 % de cadmium (Cd). La fougère Pteris vitata concentre l'Arsenic (As). « Lorsqu'on ne connaît pas d'hyperaccumulateur adapté, poursuit Jean-Louis Morel, on utilise des plantes simplement accumulatrices. » Elles piègent les métaux, mais en quantité moindre. L'extraction du plomb par exemple, est difficile. Elle est réalisée avec des plantes accumulatrices, à forte production de biomasse. Mais il est nécessaire d'augmenter la solubilité du métal en ajoutant des composés chimiques. À la station expérimentale d'Homécourt, en Lorraine, des équipes de recherche testent l'efficacité d'un couvert végétal à créer les conditions favorables à la dégradation des polluants dans le sol. « Dans le cas de la phytodégradation, la plante stimule l'activité bactérienne autour de ses racines. Ce sont les micro-organismes vivant autour qui dégradent les polluants. La plante n'intervient pas directement », explique Corinne Leyval, directrice du Laboratoire des interactions micro-organismes-minéraux-matière organique dans les sols (Limos). « On n'a pas identifié précisément ce qui permettrait de dire qu'une espèce fonctionne mieux qu'une autre », poursuit Stéphanie Ouvrard, du LSE. Pour cette technique, les chercheurs vont cependant préférer des plantes qui présentent un développement important de leur architecture racinaire. « Toutes les plantes stimulent le développement de micro- organismes dans leur zone racinaire, mais elles ne produisent pas strictement les mêmes molécules », précise Stéphanie Ouvrard. Elle ajoute qu'« un critère de choix important est la plus grande tolérance au milieu ». Ainsi, la luzerne est utilisée pour sa résistance à de nombreuses contaminations organiques et minérales. C'est aussi une plante de grande culture au développement bien connu, comme le ray-grass et le trèfle. Le maïs est intéressant car il produit beaucoup d'exsudats racinaires. En phytostabilisation, les végétaux sélectionnés doivent d'abord tolérer le milieu. Et pour qu'à leur mort, ou lorsque les feuilles tombent, il n'y ait pas de risque de pollution, ils ne doivent pas avoir stocké de polluants dans leurs parties aériennes pour éviter tout risque de dispersion. « Les plantes le plus souvent utilisées sont des herbacées, comme la fétuque rouge. Des végétaux ligneux tels les peupliers, les saules ou les miscanthus sont également intéressants car, outre l'effet stabilisateur, ils produisent une biomasse importante », fait remarquer Jean-Louis Morel. Mais les friches ne présentent pas toujours les conditions nécessaires à la phytoremédiation. En cas de niveaux de contamination trop élevés, les plantes ne poussent pas. Des laboratoires, aux États-Unis et en Espagne notamment, mènent des recherches sur les OGM pour améliorer les performances des végétaux. Pour Abdelhak El Amrani, responsable d'équipe de l'UMR Ecobio de l'université de Rennes-1, intervenir sur les conditions du sol peut permettre d'optimiser la phytoremédiation. « L'ajout d'une molécule naturelle améliore la tolérance de la plante aux xénobiotiques et stimule ses capacités à dégrader les polluants », explique-t-il, précisant que « le traitement augmente l'expression d'un certain nombre de gènes impliqués dans les stress et la tolérance aux substances toxiques. » Ainsi dopées, les plantes se développent sur des sols très fortement contaminés. Ce procédé pourrait déboucher sur de plus amples applications de la phytoremédiation. Geoffroy Séré, chef de projet réhabilitation et gestion de sites du groupe TVD, imagine, lui, une reconstruction du sol dégradé. « En ajoutant du compost et des sous-produits, de papeterie notamment, à la terre peu fertile, on peut reconstruire un sol fertile. En quelques mois, il retrouve un fonctionnement très proche d'un sol naturel et peut être végétalisé », explique-t-il. Au LSE, les chercheurs continuent la prospection botanique, espérant découvrir de nouvelles espèces permettant d'optimiser la phytoremédiation. 3GÉRER LES DÉCHETS La phytoremédiation produit de la biomasse dont la valorisation pourrait intéresser les industriels. Les difficultés à traiter le devenir de la biomasse sont un frein à l'application concrète de la phytoremédiation », estime Véronique Croze, responsable du département travaux de dépollution chez ICF environnement. Pour le groupe TVD, « savoir gérer les déchets permettrait d'offrir des solutions complètes de dépollution », note Geoffroy Séré, chef de projet réhabilitation et gestion de sites. « Actuellement, les végétaux issus de la phytoextraction sont essentiellement incinérés et mis en décharge », indique Marie-Odile Simonnot, du Laboratoire des sciences du génie chimique (LSGC). Le Groupement d'intérêt scientifique sur les friches industrielles (Gisfi) propose d'utiliser ces plantes comme des mineurs qui extraient les métaux : « les métaux stockés peuvent ensuite être valorisés par un procédé issu de la métallurgie », explique Jean-Louis Morel, président du Gisfi. Mais l'intérêt se limite aux « métaux ayant une valeur marchande, comme le zinc ou le cadmium », précise Marie-Odile Simonnot. Un procédé industriel de valorisation métallurgique du nickel stocké dans la biomasse est actuellement développé par le Gisfi. Une autre option est la valorisation en combustible. « Notre travail ne s'inscrit pas dans une optique de déchets », indique Michel Chalot, coordinateur du projet Phytopop au sein de l'unité interactions arbres-micro-organismes de l'université de Nancy. « Nous utilisons le peuplier. Nous étudions les capacités de différents cultivars à répondre aux contraintes de la phytoextraction et les possibilités de valoriser sa biomasse en combustible », poursuit-il. Les premiers essais semblent prometteurs. « On retrouve bien les métaux dans les cendres et leurs teneurs dans les fumées sont acceptables par rapport aux normes de rejets des usines d'incinération », explique Michel Chalot, précisant qu'« Elyo va étudier les voies de valorisation, en 2009 ». À l'université de Metz, c'est le miscanthus qui intéresse l'équipe du Laboratoire des interactions écotoxicologie (Liebe). « Il se développe bien sur les sols dégradés. Nous étudions dans quelle mesure il les structure et participe à l'action de dégradation de la microflore », explique Philippe Laval-Gilly, du Liebe. « Et nous cherchons les différentes possibilités de valorisation énergétique de sa biomasse et de valorisation de ses fibres, en paillage ou dans des panneaux d'insonorisation », poursuit-il. Et les programmes de recherche pour trouver des solutions à la gestion des déchets de la phytoremédiation fleurissent.
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